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Tunisie : Nos écoles privées futures proies du Tamkin ?

Par : Selma Mabrouk

Médecin ophtalmologue, Intellectuelle et ancienne députée de la constituante en Tunisie,  son parcours atypique fait d’elle l’une des figures féminines les plus engagées sur la scène Maghrébine. Le passage de Selma Mebrouk sous la coupole du Bardo a rapidement exacerbé son engagement de toujours et son combat d’avant-garde contre toute forme, de despotisme et d’obscurantisme. D’ailleurs, elle n’a bien entendu, pas quitté le parlement, sans laisser de traces. Dans un livre témoignage, (Bras de fer), Selma Mebrouk a met en avant, à travers les années charnières 2011-2014 de la constituante, les dangers et les enjeux  qui nourrissent encore l’actualité des tunisiennes et tunisiens, appelés plus que jamais à trancher sur le projet de société auquel ils aspirent; surtout après les dernières élections présidentielles et législatives. L’école en Tunisie, tout comme l’Algérie et le Maroc, s’est transformée depuis des decencies en un terrain où se disputent les intérêts idéologiques, politiques et financiers.  A travers ce billet, Selma Mabrouk pointe du doigt le flou et les convoitises qui entourent le secteur de l’enseignement privé à l’ère du Coronavirus. 

 

Au milieu de la cacophonie des mesures de déconfinement, et à la veille de la réouverture des magasins de vêtements, des échoppes de souliers, des coiffeurs et autres centres de soins esthétiques (les fêtes del’ Aid obligent), les écoles restent irrémédiablement fermées, et l’année scolaire définitivement tronquée d’un trimestre (en dehors des cas particuliers des années de concours nationaux).

Au delà de la problématique pédagogique qui se pose pour toutes les institutions éducatives, une polémique surnage depuis quelques semaines touchant crûment les écoles privées, surtout celles du primaire. Polémique que l’on aurait tort de regarder au travers du filtre des préjugés, légitimes ou pas, que l’on pourrait avoir sur un secteur qui s’est imposé, bon gré mal gré, depuis quelques décennies comme étant incontournable.

En effet, en Tunisie, quelques 200 milles enfants sont scolarisés en privé, et quelques 30 milles personnes travaillent au sein de ces structures, sans compter les emplois annexes chez les divers fournisseurs. Et il y a de tout dans ce secteur, de la petite école de quartier installée dans une mini-villa à l’école ultra-chic avec force bâtiments et dépendances. Et toutes se retrouvent avec l’obligation de garder portes closes durant ce fameux troisième trimestre, avec comme gageure de « tenir le coup » jusqu’à la rentrée prochaine.

Malgré cette place importante dans le tissu économique, ces écoles ont pâti d’un attentisme du gouvernement qui a mis du temps pour les intégrer au sein de la liste des entreprises pénalisées par la crise du covid 19, et pour faire bénéficier leurs employés des conditions relevant du chômage technique.
Ainsi, il a fallu attendre les premiers jours de mai pour qu’enfin le ministre Mohamed Hamdi annonce lors d’un interview sur la télévision nationale qu’il compte le faire…

plainte contre les écoles suspectes de faits de chantage aux notes et aux inscriptions au concours

Mais ce qui interpelle, en plus de cette lenteur injustifiée, est la focalisation depuis des semaines sur de potentiels abus, et la prédominance d’un certain discours qui met toutes les écoles privées dans le chapitre des cupides et autres affamés du gain, balayant du revers de la main la légitimité de leur statut de secteur sinistré suite à la crise du coronavirus.

En témoigne la mise au point sur le sujet entendue aujourd’hui aux info de la radio nationale, qui a annoncé que le gouvernement demandait aux parents de ne pas payer le troisième trimestre, décision dont je ne trouve nulle trace dans les sites officiels.
En témoigne encore plus le communiqué de la TAP partagé ici, daté du 8 mai, issu du responsable de la communication du ministère, qui évoque la décision dudit ministère de porter plainte contre les écoles suspectes de faits de chantage aux notes et aux inscriptions au concours ( https://www.tap.info.tn/…/ويب-سيت-أه…/12652679-وزارة-التربية) . Or, cette prise de position ne figure ni sur le site officiel du ministère, ni lors de l’interview du 7 mai du ministre. Pire, Mohamed Hamdi y avait déclaré clairement qu’il avait eu connaissance les années précédentes d’abus similaires, et que s’il advenait de même sous sa tutelle, son administration interviendrait pour assurer aux élèves concernés leur droit d’accès aux concours. Nulle part il n’a évoqué de procédure judiciaire contre des écoles. Et nulle part il n’a fait état qu’il avait connaissance de l’existence d’un tel chantage à l’occasion de cette crise.

Au delà de cet « excès de zèle », l’on remarque aussi que le responsable à la communication du ministère de l’Education nationale n’a pas jugé nécessaire de transmettre la prise en compte par le ministre des doléances du secteur.
Un bien piètre assistant donc.
Ou peut être un assistant dans l’air du temps.

N’oublions pas que, dans le cas où l’aide gouvernementale ne se concrétise pas, et dans le cas où la mauvaise presse véhiculée ici et là, désolidarise l’opinion publique du péril qui menace ces écoles, les plus fragiles d’entre elles fermeront à jamais leurs portes, au profit des grandes enseignes qui ont de quoi subsister en ces temps de vache maigre. Et qui dit grandes enseignes, dit soit labels étrangers, soit grands fonds de financement.

Cette désertification du secteur de l’enseignement privé des petits, via la faillite de centaines d’institutions de part le pays, serait alors une aubaine inespérée pour ceux qui rêvent « de cibler leurs enfants », comme l’avait si bien susurré le gentil cheikh Mourou à l’oreille du si spirituel Ghnim…

L’on ne doute pas que, le cas échéant, ne manqueront pas les volontaires pour fonder de nouvelles écoles bien « conservatrices ».
Et go pour le Tamkin à vitesse exponentielle….

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