Une rentrée sous haute pression judiciaire
Par Baroudi Sofiane
Les derniers mois ont vu la multiplication des arrestations et des mises sous mandat-dépôt d’un grand nombre d’oligarques propulsés au plus haut niveau de la hiérarchie sociale, jadis sous le dôme protecteur du président tombé sous le poids de la clairvoyante colère populaire. Ainsi les algériens assistent, sidérés mais pas mécontents, à la chute libre de la bande mafieuse qui tenait la machine économique, qui avait le « monopole » et qui se voulait seule aux commandes.
La mobilisation révolutionnaire du peuple Algérien a ébranlé le rapport de force dans la société et ordonné la saisie de la justice contre les tous puissants centres de l’économie privatisée. Devant l’insistance criante des masses populaires, mobilisées par dizaines de millions, des dizaines d’oligarques de centaines de leurs complices et autres milliardaires sont tombés ; opérant dans des secteurs « à haute valeur ajoutée » tel : le BTP, l’agroalimentaire, l’industrie électronique, le montage automobile, le transport, l’électroménager, la finance, le commerce extérieur, les services, le tourisme… à l’exemple des patrons de CEVITAL , KOUGC,ETRHB, SOVAC ,CONDOR …,respectivement Rebrab, Kouninef, Haddad ,Eulmi et Benhamadi entre autres illustres clans d’affaires…
Tout ce beau monde est placé par la justice sous mandat-dépôt, et l’opinion attend avec grand intérêt l’ouverture du procès de la dilapidation des richesses communes, de la fuite organisée des deniers publiques vers les paradis fiscaux, de la spéculation gloutonne sur les drames de la société et de la fraude sous toutes ses formes. Nous allons assister dès ce dimanche à l’ouverture du procès du sulfureux Kamel Chikhi dit el bouchi, arrêté il ya un peu plus d’un an, après la saisie en mer de 701Kg de Cocaïne, et cumulant des accusations de trafic de drogue international, embarquant avec lui une pléiade de hauts responsables dans des affaires liées à l’immobilier, au foncier et à différentes formes de corruption indue et de privilèges injustifiés. Ce lundi 23 sera également ouvert au tribunal militaire de Blida le procès où vont comparaitre les ex-dirigeants de la DRS ainsi que le frère de l’ancien président et « leur camarade » Louisa Hanoune, qui devront répondre de graves accusations.
Ces procès qui vont être publiques dit-on seront massivement suivis par l’opinion qui veut voire de ses propres yeux « la bande » mise au banc des accusés rendre des comptes à la nation et surtout écroués. Ils vont être le prélude à une série jamais vue qui ressemble à un vrai réquisitoire de l’organisation de l’économie politique globalisée en Algérie et où ces acteurs principaux devront se défendre d’accusations gravissimes, arrivant jusqu’à l’espionnage économique et la haute trahison.
Le système mis à nu par la rue
Les piliers de l’édifice économico-politique érigé par la haute administration au service de l’oligarchie s’effondre à grand fracas. On en retrouvera probablement les débris dans les couloirs des tribunaux civils et militaires, et entre les murs des prisons. Le voile est en train d’être levé sur l’extrême pourrissement de la structure économico-institutionnelle intégrée à l’appareil bureaucratique, tenant les manettes du pouvoir politique exécutif, législatif, sécuritaire et judiciaire, ramifié dans le paysage médiatique et culturel, et même contrôlant les réseaux d’une opposition de façade, intégrée au circuit de la corruption et de la collaboration à l’appui d’agréments ou non, et aux ordres des anciens tenants du système de prédation édifié comme idole de l’ancien mode de gouvernement sous la houlette du sempiternel désormais ex-président.
Les relations dynamiques entre ces différents rouages et institutions constituent ce que les algériens ont convenu de désigner sous l’appellation de « système-régime ». Les masses par leur action ont imposé leur constat cinglant sur le pourrissement profond des cadres administratifs, l’ampleur dramatique de la corruption, la toxicité des alliances tissées par le sommet avec les centres de commandement étrangers, et le niveau de dangerosité des plans et autres calculs ourdis par la « bande » contre les intérêts du pays et au détriment du bien-être de son peuple. Un consensus clair s’est en effet dégagé et a été exprimé par les masses en mouvement sur la nécessaire redéfinition d’un nouveau corps social, dans l’esprit d’un réel changement profond en constituant de nouvelles formes d’organisation pour la reconstruction politique et la refonte institutionnelle, le redressement économique, et la justice sociale, sur les bases saines du respect des droits, de la transparence, de la responsabilisation et du contrôle citoyen global et permanant, principes coïncidant avec la raison stratégique inhérente a la conduite d’un grand pays comme l’Algérie, tout cela au service de la souveraineté populaire et de la volonté commune de pouvoir aller de l’avant ; aspirations légitimes contournées et bafouées depuis au moins 20 ans.
Les cinq dernières années ont en effet été le théâtre d’opérations où on a pu voir se mouvoir les contours d’un plan démoniaque, dont l’objectif était la destruction de l’état-national et de son identité sociale par divers procédés de fragilisation ainsi que le démantèlement de tout projet de souveraineté et de développement autocentré.
Depuis la réélection en 2014 pour un 4ème mandat, du président à présent déchu, les signes du renforcement de la cinquième colonne antinationale et antipopulaire sont devenus ostensiblement apparents. Ces derniers ont bénéficié de la connivence voire de la complicité de hauts fonctionnaires de l’état et ont activé leur réseau de prédation dans la perspective du bradage final des richesses nationales et de l’oligarchisation de l’appareil d’état. En effet, beaucoup de cadres « libéraux et conservateurs » ont utilisé leurs prérogatives officielles et l’influence qu’elles leur procurent, au grès des intérêts personnels et pour satisfaire les appétits de leurs « amis », et ainsi ont permis de faire fonctionner des réseaux « louches » au bénéfice des conjurés et de leurs associés de tous les côtés de la méditerranée, mais aussi sur l’axe golf-transatlantique.
Ces procédés ont permis l’échafaudage de mécanismes et autres montages pour le détournement et le transfert de l’argent public par le contrôle des grands projets d’investissements étatiques et la mainmise monopoliste sur le marché intérieur et le commerce extérieur. Ce processus d’appropriation privée illégitime des deniers communs s’est couronné par l’assaut sur les capitaux souverains et les circuits financiers supposés régulés. Les bandes prédatrices ont ainsi institué le chaos économique par l’instauration de la règle de leur profit exclusif et sans fin. Elles n’ont cessé d’essayer par différents stratagèmes de soumettre les forces productives et la résistance populaire par la contrainte et l’imposition des contours de l’exploitation par l’accaparement, l’esclavage moderne mais aussi par le sur-profit et la répression quotidienne, et enfin par la casse de toutes les structures de souveraineté et des défenses immunitaires matérielles immatérielles et même mémorielles de la nation. Mais le peuple digne et les masses populaires n’ont pas cédé sous leur pression, le combat social et la lutte n’ont jamais cessé, caractérisés par la sagesse la patience et la détermination durant les précédentes décennies où la conscience des masses populaires n’a cessé de croître nourrie par l’expérience des combats passés et animée par la volonté de préserver en approfondissant les acquis de l’indépendance consignés par les principes de la glorieuse révolution de Novembre. Ce sont les masses populaires, armées d’un fort engouement, qui se sont dressées sur plusieurs fronts, contre la furie de l’offensive ultralibérale et contre la folie destructrice du tout puissant capital et du monopole financier transnational en faisant par leur mouvement révolutionnaire chuter ses laquais locaux.
Mesures antisociales et crimes antinationales
La lumière parait ainsi faite sur le caractère criminel de la gestion économico-politique, ainsi que sur l’action avec préméditation de ses principaux acteurs visant à priver de ses richesses la population et à fragiliser ses défenses ; il ne faut pour s’en convaincre que se retourner sur le degré du dépeçage du tissu productif national, pour constater à profusion le bradage du foncier industriel, la privatisation sauvage, la prolifération du népotisme et sa normalisation, l’urbanisation chaotique au détriment du foncier agraire ou encore la profusion du gré a gré commerciale, la croissance exponentiel du marché des narcotiques, la fuite méthodique des devises, et l’expansion du secteur informel… .
Toutes ces mesures et bien d’autres « fait accompli » économique, ont été engendré en droite ligne des prescriptions inspirées par les institutions monétaires internationales, FMI en tête dont l’ex-premier ministre, homme des sales besognes désormais incarcéré, s’est illustré dans l’application fanatique des politiques d’austérité, héritées de la doxa ultralibérale, ce qui lui a valu la palme du fonctionnaire le plus haï par les masses populaires. En effet, l’application forcenée du PAS, déjà pendant les années 90 par ce même personnage, a occasionné la perte de centaines de milliers d’emploi et l’incarcération de milliers de gestionnaires refusant le découpage suicidaire du tissu économique national. La nocivité de ce fanatisme ne se résume pas à son caractère antipopulaire de contrôle par l’appauvrissement, elle est encore antipatriotique de par la fragilisation des secteurs stratégiques de haute sensibilité dont on a tenté de briser toutes les défenses légales historiques par exemple : la levée des restrictions écologiques préventives pour ainsi libéraliser l’activité minière, la gestion approximative des ressources en eau pourtant vitales ,mais aussi en plantant profondément les racines de la dépendance agricole à l’importation de semence, de produit phytosanitaires ou de matières de première nécessité suivant les prescription de la banque mondiale qui a inspiré l’onéreux plan national de développement agricole qui a servi à remplir les comptes offshore de la bande au détriment du peuple, de la qualité de son alimentation et donc de la santé publique et avec l’argent du contribuable.
Concernant la fiscalité nous constatons que le paysage a été longtemps marqué par un déséquilibre profond illustrant l’état d’injustice qui a animé le fonctionnement du système ; en effet les travailleurs subissent une ponction importante et à la source sur leurs maigres salaires de base, l’impôt sur le revenu général (IRG). La grande mobilisation ces derniers mois de la classe laborieuse, au diapason de la révolution, notamment au moyen de la grève revendicative introduit la question de la suppression de cet impôt impopulaire.
La justesse de ce principe a été dernièrement consentie, on parle déjà de la revue à la baisse de l’IRG pour le début de l’année 2020 ainsi que la promulgation imminente de l’impôt sur la fortune et sur le patrimoine.
Ce pas constitue la moindre des compensations quand on sait que la plupart des grands opérateurs privés, en plus de recourir à de multiples mécanismes d’optimisation fiscale leur permettant d’échapper légalement aux mailles de l’imposition ou tout simplement en corrompant l’administration, ne se sont toujours pas acquittés de leurs obligations fiscales. Dans le même sillage, les prêts faramineux contractés par quelques oligarques, auprès de banques publiques moyennant souvent rétro-commission, pour financer leurs investissements n’ont été recouverts que dans une infime partie, et ce jusqu’au jour d’aujourd’hui. Il est également à noter que les fonctionnaires, les travailleurs des impôts opérant dans cette branche (Inspection générale des finances), se sont distingués en se mobilisant pour demander la protection nécessaire et les garanties socioprofessionnelles leur permettant de mener à bien leurs tâches, pour enquêter sur les fuites et recouvrir la totalité des droits impayés. Il est également à signaler que les inspecteurs du travail réunis en plénière convoquée par leur syndicat national ont dressé leur tableau revendicatif réclamant liberté d’action et protection, et ce afin de faire valoir dans l’esprit et la lettre la législation du travail, de protéger les employés et leurs instruments de travail, et de réprimer comme il se doit les infractions patronales (travail au noir, licenciements abusifs, non respect du droit syndical etc.…) qui dans l’impunité jadis ambiante faisaient légion.