Par Madjid Laribi
C’est le temps de toutes les confusions et, comme disait Ait Ahmed, l’on rajoute de la confusion à la confusion’’.
Lorsqu’on connait la vérité, c’est facile de débusquer le mensonge, mais lorsque tout est confus, on ne sait pas où est le mensonge de la vérité.
L’une des confusions sciemment entretenue ces derniers temps concerne la muette. L’on mélange entre l’armée, l’Etat-major et Gaid Salah. Personnifier l’institution militaire en la personne du chef d’Etat-major pour la charger est une voie qui mène vers le chaos.
Gaid Salah n’est ni l’Etat-major ni l’armée. Et cette dernière n’a aucun intérêt à faire un saut dans l’inconnu. L’armée a connu bien de péripéties souvent dangereuses pour l’Etat et la Nation. En son nom, des citoyens ont été tués, d’autres emprisonnés. En son nom, la prédation a été érigée en mode de gestion, les richesses du pays dilapidées, le peuple dépossédé de sa dignité.
Pis encore, sous le pouvoir du DRS, l’armée a failli se retrouver sous la tutelle de l’OTAN – et le pays avec – lors de la prise d’otage terroriste de Tigntourine. Prétextant cet événement tragique, des pays occidentaux ont mis tout leur poids pour venir en Algérie « gérer » cette affaire interne et nationale. Mais qui a bien des ramifications internationales obscures. Nietzsche disait que ‘’c’est dans l’obscurité que naissent les monstres’’. C’est dans cet ordre et sous le règne du couple DRS-Bouteflika que l’ANP a été violentée par le survol de l’espace aérien par des avions de guerre français. Une tache noire dans l’histoire de l’Algérie.
Du temps du DRS de Toufik et Larbi Belkheir et sous l’autorité de Bouteflika, Il n y a pas que l’armée qui a été trainée dans la boue, mais c’est le sous-sol algérien qui a failli se retrouver privatisé au profit des grandes firmes pétrolières.
Quand l’armée était sous le contrôle du DRS, personne ne pouvait organiser une quelconque manifestation ou même toucher au cadre du président.
Aujourd’hui, l’institution militaire reprend du poil de la bête, s’affranchie des tutelles qui l’ont emprisonnée depuis plus de cinquante ans ; elle cherche à se « nationaliser » pour redevenir algérienne. Le travail qu’elle fait aux frontières, notamment à l’Est est tout simplement gigantesque. Celui qui ne le voit pas ou qui feint de ne pas le voir est frappé de cécité. Le mois de mars dernier, 3000 terroristes se sont rendus aux « Forces syriennes libres », c’est-à-dire aux américains et aux français, et non à l’armée syrienne. Fin de mission pour eux. Cela suppose une nouvelle mission pour ces terroristes puisque leur chef, Abou Bakr al-Baghdadi, est annoncé ces derniers jours en Libye par des médias occidentaux.
Dans le processus de sa libération l’armée a choisi le peuple. Elle le protège dans son hirak et elle se nourrit de ses revendications. Elle les satisfait l’une après l’autre. Mais dans un cadre délicat et un fragile équilibre. Elle doit agir dans la légalité pour ne pas se retrouver accusée par les puissances occidentales, en embuscade avec les partis et ONG du DRS et les Optor, d’avoir opérer un coup d’Etat militaire.
Dans ce processus qui n’est pas encore achevé, comme l’est d’ailleurs et encore notre glorieuse révolution, Le peuple doit accompagner son armée pour rendre l’Algérie aux Algériens. Tout en restant extrêmement vigilants. Il ne faut en aucun cas laisser l’armée seule dans ce processus.
L’armée est en train d’assainir, doucement mais surement, dans ces rangs et le message qu’elle donne aux civils et parce qu’elle ne veut interférer dans le champ politique est bien lisible et visible. Ce message est interprété différemment au sein des institutions de l’Etat. Il y a des juges qui font leur travail pour la première fois, d’autres qui poussent le zèle à son extrême et d’autres qui préfèrent le statuquo. La preuve que le DRS canal historique est toujours actif et nuisible. Ceux qui ont compris le message de la muette, savent que l’émergence des oligarques obéit à l’ordre financier international. Ce dernier, dans sa stratégie, fait tout pour fragiliser les institutions de l’Etat et donner libre cours à ses agents oligarques pour détruire la Nation.
Le DRS, et tout le monde le sait, n’a pas noyauté seulement l’institution militaire, mais des pans entiers de la classe politique, des syndicats et des associations de la société civile. Comme il a « pénétré » des institutions de l’Etat et bien des entreprises. La fiche 8 est connue. On ne devient directeur d’une entreprise que par la volonté du DRS. On ne devient procureur ou juge qu’on faisant allégeance à Toufik et ses hommes.
L’armée fait ce qu’il y a lieu à faire à son niveau et aux civils de faire leur travail. La muette a connu tant d’affronts et c’est grâce à ses résistances que le pays n’a pas sombré. L’armée veut s’atteler à sa mission uniquement, mais elle a besoin d’être rassuré quant à l’avenir du pays.
Comme à la veille du 1er novembre 1954
Le sursaut du peuple algérien ne concerne pas seulement l’Algérie mais va au-delà ! Par son histoire, sa révolution et, -personne ne doit l’oublier-, sa position géostratégique et ses richesses, font que la révolte actuelle, qui va dans le sens de l’histoire et qui vise à parachever la libération du pays, s’avère dangereuse. Pas seulement pour le système qui squatte et pille les richesses de l’Algérie mais également pour un système globalisé néo colonisateur qui détruit des pays entiers.
Aujourd’hui, c’est l’histoire qui revient au galop. Nous sommes à la veille du 1er novembre 1954. Comme par le passé, c’est une ère nouvelle qui fait éruption et irruption pas seulement en Algérie mais au-delà. Le 1er novembre avait donné le la et le ton pour la décolonisation à l’échelle planétaire. Le 22 février qui s’inscrit dans le sens de l’Histoire, annonce-t-il cette ère nouvelle qui va parachever politiquement, économiquement et socialement les processus des libérations d’il y a 60 ans
La révolution algérienne dans sa phase de libération du pays avait ouvert et montré la voie à des peuples qui, prenant l’exemple de notre lutte, se sont libérés. Ces peuples, comme le peuple algérien, ont été spoliés et leurs révolutions confisquées par les colonisateurs et les traitres embusqués à l’intérieur.
Aujourd’hui, la course entre les français et les américains en Algérie, -les premiers pour garder la main mise sur le pays et les seconds pour installer la base Africom qu’ils ne veulent pas lâchée-, se joue encore dans les coulisses et sur le plan institutionnel. Il n’est pas dit que demain, ils ne vont pas provoquer le peuple- qui semble uni et déterminé- à le dévier de sa voie pacifique, car comme souligner en haut, la deuxième révolution algérienne va au-delà des frontières de l’Algérie. La libération achevée de l’Algérie et des algériens ouvrira la porte à d’autres peuples en Afrique (franc CFA…) et ailleurs pour réaliser leur libération définitive.
Le peuple algérien, comme le montre son histoire, est capable de réaliser des prouesses inimaginables. L’essentiel est de demeurer uni, déterminé et surtout pacifique malgré les provocations qui surgissent quelques fois et qui portent l’empreinte des éléments du DRS :dénuder des jeunes filles dans un commissariat, gazer des manifestants dans le tunnel de la faculté, laisser le Dr Fekhar mourir… et récemment la paralysée du transport universitaire depuis la prison d’El Harach.
Face aux machiavéliques de l’intérieur et des occidentaux pour qui « la fin justifie les moyens », les algériens doivent faire la politique autrement, en sortant des schémas établis par leurs ennemis et retourner au Prince ses conseils. Comme Ghandi, il faut faire avec les moyens à sa disposition en fixant la fin. Cette fin ne sera meilleure et heureuse qu’en usant des moyens pacifiques.
Pour un processus constituant garanti et sécurisé par l’armée
Les sorties de crise annoncées sont nombreuses. Elles émanent des partis politiques, des personnalités, de la société civile et des syndicats. Elles s’articulent toutes autour d’une période de transition différemment appréciée par les uns et les autres. Cela va de l’élection d’une assemblée constituante à une élection présidentielle. Ce qui est certain, c’est qu’on ne peut faire du copier-coller pour gérer une situation si décisive et difficile compte tenue de la situation du pays tant sur la plan national que régional.
L’élection présidentielle n’a pas réussi à l’Egypte. L’élection présidentielle égyptienne avait d’abord intronisé les islamistes décriés par une partie de la population, avant de se retrouver sous une dictature militaire.
La constituante aussi n’a pas réussi pour la Tunisie. Les clivages, moins importants qu’en Algérie, ont retardé l’avènement d’une constitution d’au moins trois ans. Et comme en Egypte, la constituante tunisienne avait donné la majorité aux islamistes d’Ennahda, avant de voir le pays revenir dans le giron de l’ancien régime.
En Algérie, les clivages sont plus importants et sont porteurs de germes nihilistes. Les contentieux historiques qui se sont accumulés peuvent êtres destructeurs. Dans une telle situation, ni l’élection présidentielle et ni la constituante ne peuvent constituer une sortie de crise. La présidentielle comme la constituante feront élire des majorités hégémoniques qui vont ramener le pays dans un passé tragique et dangereux. Pourtant, il faudra passer par l’une ou par l’autre pour donner une représentation au peuple et porter au pouvoir des gouvernants légitimes.
Chaque pays a son histoire et ses expériences et dans le cas de l’Algérie, le recours à un processus constituant alliant l’élection présidentielle et la constituante peut être envisagé.
Vu les spécificités algériennes, les dénis historiques, les clivages qui traverse la société et qui peuvent être meurtris, il est impératif de sécuriser la période de transition pour réussir ce processus constituant. Tous les acteurs, partis, organisations et personnalités, doivent, sous la surveillance de l’armée, établir des lignes rouges à ne pas dépasser. Il s’agit de garantir toutes les libertés, de protéger les minorités, de rejeter la violence, de respecter l’alternance au pouvoir, de lever les interdits passés sauf dans des cas de trahison nationale…
L’organisation d’une élection présidentielle et d’une constituante dans son sillage qui intégrerait de facto les principes de sécurisation précédemment énoncés, feront gagner du temps pour les nouvelles représentations pour s’atteler aux projets de développement pour lesquels ils sont élus.
Madjid Laribi
- Journaliste freelance
- Militant du FFS