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Les Chrétiens au Liban.. et les chocs de l’alliance avec l’Occident

Pendant longtemps, certains chrétiens du Liban (maronites) ont considéré l’alliance avec la France en particulier et l’Occident en général comme une garantie de leur existence et de leur influence. Cependant, une recherche sur l’évolution de la politique française au Liban après l’expansion de l’influence américaine au Moyen-Orient indique que les Français n’ont pas une vision initiale stable de leur politique au Liban, mais plutôt l’intention de servir leurs intérêts politiques, économiques et culturels en soutenant la partie la plus forte dans l’équation politique du moment, (quelle que soit la secte), en tenant compte de la marge concédée par la politique américaine de répartition des rôles. Car l’allié se voit attribuer un rôle que les Américains ne peuvent pas jouer eux-mêmes.  Ainsi, la politique française au Liban peut être divisée en trois phases :

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De Beirut | Dr Leila Nicolas


« le maronite politique » et « la mère Tendre »

En 1535, les Ottomans ont accordé à la France des privilèges au Levant, y compris le droit de protéger les catholiques au Liban, qui s’est étendu après que Louis XIV se soit engagé en 1649, à protéger l’Église catholique et toutes ses confessions (maronites). Après l’intervention française pour protéger les chrétiens au Mont-Liban à la suite des massacres de 1860, les chrétiens libanais maronites en sont venus à considérer la France comme une « tendre mère ». Le soutien français aux maronites s’est poursuivi pendant la période du mandat. Ainsi, la contribution de la France était évidente dans la consolidation de la domination des soi-disant « maronites politiques », du fait que Français avait approuvé pour le Liban, un système présidentiel et sectaire qui profitait largement aux maronites.

Après l’indépendance du Liban en novembre 1943, les chrétiens maronites ont continué à considérer la France comme leur plus grand protecteur. Toutefois, les Français n’ont pas joué un rôle majeur dans leur protection, pendant la guerre civile (1975-1990), et le soutien moral français au commandant de l’armée Michel Aoun à la fin de la guerre, n’a pas aidé à empêcher l’invasion militaire syrienne des zones contrôlées par l’armée libanaise, en octobre 1990. L’invasion était en application d’un règlement parrainé par les Américains pour mettre fin à la guerre au Liban, qui a conduit à un changement de régime au Liban.

L’équation du traité du « Taëf » et l’abandon des chrétiens


Au cours des années quatre-vingt-dix du XXe siècle, les équilibres politiques au Liban ont changé et les pouvoirs dont jouissaient les maronites se sont réduits au profit du Conseil des ministres, selon les amendements constitutionnels de 1990. La personnalité du défunt Premier Ministre Rafic Hariri et ses relations arabes et internationales ont joué un rôle important pour qu’il s’arroge le statut d’acteur incontournable sur la scène libanaise. Assez pour partager l’influence avec les Syriens au Liban à l’époque.

Ainsi, avec le déclin du « maronite politique » et l’émergence d’un « sunnisme politique allié aux Syriens », le soutien français antérieur aux chrétiens s’est transformé en un soutien franc, aux maîtres de la nouvelle scène politiques libanaise (Hariri, les Syriens). Un nouvel ordre établi aux dépens des chrétiens qui avaient boycotté les élections de 1992. Ce boycott était l’expression d’une grande frustration, après qu’ils se soient rendu compte que l’accord d’octobre 1989, négocié en Arabie Saoudite à Taëf, destiné à mettre fin à la guerre civile, s’était fait au détriment de leurs pouvoirs

Le président français Jacques Chirac écrivait dans ses mémoires que sa relation avec le défunt président syrien Hafez alAssad était très forte, tout comme mentionne-t-il, que le président Hafez al-Assad lui ait dit en privé que, « Bachar est comme votre fils ».

La coordination battait son plein entre ces deux chefs d’Etat dans les affaires libanaises, et c’est lui (Chirac), qui a choisi l’ancien président libanais Emile Lahoud pour diriger le Liban, en coordination avec le président Assad, « qui tenait à le consulter sur la nomination du prochain président libanais en décembre 1998 ». (Voir les mémoires de Jacques Chirac, Temps Présidentiel, 2011).

Chirac était fidèle à cette alliance même après la mort de Hafez el-Assad. Après le départ de l’armée israélienne du Liban en 2000, des voix se sont élevées à l’intérieur du Liban (notamment chrétiennes) contre la présence militaire syrienne dans le pays.  Le Conseil épiscopal maronite avait alors, publié des déclarations appelant l’armée syrienne à quitter le Liban en application des résolutions internationales.  À l’époque, dans une attitude frustrante envers les chrétiens (qui semblait être dirigée contre eux), le président français Jacques Chirac est venu au Liban en 2002 et a prononcé un discours au parlement libanais dans lequel il a lié « le retrait des forces syriennes du Liban à la conclusion d’un accord de paix global dans la région et à la résolution de la question du MoyenOrient ».

Plus tard, avant même l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, l’attitude de Jacques Chirac envers les Syriens a commencé à changer. Chirac a vu l’entrée des Américains en Irak en 2003, comme une opportunité de changement au Liban. Lors d’une rencontre en 2004, Le président français avait essayé de persuader son homologue américain George W. Bush, d’expulser les Syriens du Liban comme le mentionnait Bush dans ses mémoires, « Fateful Decisions, 2011 » 

Suite à l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri en 2005, les compromis politiques ont laissé la place à une intense hostilité entre les Syriens et Jaques Chirac, qui a parié sur le tribunal international pour « renverser Bachar el-Assad » (voir Le secret des présidents, Vincent Nouzille, 2010).

Après cela, la politique française au Liban et en Syrie pendant le « printemps arabe » n’a pas dévié du cadre de la politique américaine. Les Français ont continué à bouger dans la marge qui leur a été concédée par les États-Unis au Liban et dans la région.

Les ambitions de Macron pour le retour de l’influence française

En août 2020, immédiatement après l’explosion du port de Beyrouth, l’actuel président Emmanuel Macron s’est déplacé à deux reprises au Liban. Il a présenté une initiative basée sur la mise en œuvre d’un panier de réformes économiques et politiques et la formation d’un nouveau gouvernement qui sortirait le Liban de la crise en cours depuis la révolte du 17 octobre 2019. Cette initiative n’a pas connu de succès. Les points de vue libanais sur l’échec du plan de sauvetage de Macron, étaient partagés. Alors que certain l’attribuaient au refus du président américain Donald Trump de lâcher la pression maximale sur le Liban, d’autres ont pointé du doigt la classe politique libanaise, l’accusant de l’avoir fait capoter l’initiative pour échapper à toutes réformes.

En pratique, l’échec de l’initiative de Macron est dû à tout ce qui précède. S’ajoute à cela, l’absence de tout moyen de pression pour imposer le point de vue français, en dépit des menaces de sanctions qu’à proférées Macron, à l’égard de la classe politique libanaise.

Aujourd’hui, de nombreux chrétiens voient d’un mauvais œil, le rôle de la France au Liban, soulignant le soutien sans équivoque de Macron au président Najib Mikati, qui lui reprochent de s’être allié avec le « chiisme politique ». C’est ce qui explique que certains dirigeants maronites se soient prononcés contre le « règlement présidentiel » que la France tente de commercialiser et qui va à l’encontre de l’orientation des partis chrétiens, concernant l’identité du prochain président.

L’arrangement présidentiel proposé par les Français, a d’ailleurs provoqué la colère de certains dirigeants maronites parmi ceux qui appelle toujours, à une alliance étroite avec l’Occident. Les plus farouches notamment ceux qui en 2020 sont allés même jusqu’à souhaiter le retour de la France, ont fini par qualifier la France de n’être « ni une mère, ni affectueuse », et qu’elle s’est transformée en « belle-mère » ou « tante injuste » !

Finalement, la moralité de l’histoire politique libanaise, nous enseignent que toute tentative de la part d’un parti, tel qu’il soit, de s’appuyer sur des forces l’extérieures pour imposer son point de vue politique, est vouée indubitablement, à l’échec. Bien que les Américains soient accusés au Liban (en particulier par les chrétiens) de pratiqué un pragmatisme qui se concentre sur leurs propres intérêts, sans tenir compte des intérêts de leurs alliés et qu’ils ne sont pas toujours engagés envers un allié, l’examen de la situation, suggère que la politique française n’est pas moins pragmatique que celle des États-Unis. 

Par conséquent, il est préférable pour les forces politiques libanaises de compter sur elles-mêmes, sur des accords internes et sur le dialogue, et de ne pas essayer de les intimider ses adversaire politique de l’intérieur par des alliances avec des puissance ou des acteurs étrangers.

Traduit de l’arabe par | A.Zakarya

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