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Les clercs de la discorde

« La secte cherche sa raison d’être et son point d’honneur, non pas dans ce qu’il y a de commun au sein du mouvement ouvrier [social, ndlr], mais dans sa recette particulière qui l’en distingue. »
Karl Marx, Lettre à J. – B. von Schweitzer, 13 octobre 1868.

Par Ahmed KACI

Depuis quelques jours, le mouvement de protestation contre le système en place en Algérie est traversé par des polémiques d’ordre identitaire. D’aucuns craignent que celles-ci ne pèsent sur la cohésion qui le distinguait jusqu’ici. D’autant que les revendications d’un changement profond sont loin d’être sur la voie de satisfaction.

S’il n y a pas lieu de faire la fine bouche après l’acquis historique des Algériens, par leur mobilisation massive et exceptionnelle, qui ont réussi à faire reculer le pouvoir en place sur la question du cinquième mandat et à faire abdiquer Bouteflika, le chemin reste néanmoins loin pour la réalisation des transformations politiques, sociales et économiques tant désirées.

Paradoxalement, c’est au moment où le mouvement devait faire preuve davantage de solidarité et se souder autours des demandes encore non satisfaites que l’on voit apparaître des discordances annonciatrices de fissures inévitables si l’on substitue les questions qui divisent aux débats de fond. Et en la matière, les systèmes de domination et ce, sous toutes les latitudes ont toujours su tirer les bonnes cartes pour survivre aux naufrage sous les coups des déferlantes  populaires.

Les Gilets Jaunes sont un exemple typique de ce que les manipulations de l’oligarchie sont capables de provoquer dans un mouvement de masse. La répression, l’infiltration par des éléments violents, la stratégie du pourrissement, la propagande et les dispositifs liberticides ont porté un coup dur au mouvement. Les questions sociétales ou identitaires ont largement contribué au recul des Gilets Jaunes en France, en raison de la récupération politicienne conduite par les militants de la France insoumise et du Rassemblement national de Mme Lepen.

Le mouvement d’essence social a fini par être emprisonné dans les controverses d’ordre homophobes, antisémites, racistes, féministes, antifascistes, bref des problématiques citoyennistes et droit-de-l’hommistes au détriment des attentes de millions de personnes qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois.

L’Algérie ne fait pas exception à la règle en matière de clivages dont la plupart sont entretenus par les oligarchies en place, de mille et une façons. C’est ainsi que les sujets tels celui du rôle des femmes, de la question linguistique, de la laïcité, de l’Islam, de l’organisation géographique de l’Etat, des drapeaux et des fanions, etc. En somme, tout une série de leurres et de pièges ayant pour objectif de mener le mouvement vers un cul-de-sac, de diviser les masses populaires et les détourner des véritables enjeux de la lutte en cours.  Le système  dispose à cet effet d’un réservoir de couches moyennes et petite-bourgeoises opportunistes névrotiques, et même au sein d’une certaine gauche se labellisant « moderniste et progressiste », sans compte la cohorte d’élites islamiques assignées au rôle d’« idiots utiles » du système d’aliénation globalisé.

Incapables d’exister au sein du mouvement populaire autrement qu’en simulant une radicalité formelle et en donnant libre cours à ces narcissisme aliénants, cette souche infime, est le meilleur alliés du système en place qu’elle feint par ailleurs de combattre. Ce n’est pas étonnant, en passant, que ce soient les mêmes qui font avec grand zèle la promotion de la démocratie représentative occidentale réactionnaire et de l’Islam décadent du mercenariat, de la soumission et de la génuflexion. Les mêmes aussi qui, par coquetterie intellectuelle, développent un antimilitarisme vulgaire négateur de toute réalité aussi bien historique que sociologique.

Mais le rôle peut glorieux de ces nouveaux clercs, en rupture avec les réalités des peuples, peut s’avérer mortel non seulement au mouvement populaire, mais à toute une nation. Leurs étroitesses de vues et leurs aventurismes, si on n’y prend garde peuvent, en plus de semer la haine et la division entre les enfants d’un même pays, pousser au désespoir des pans entiers de la société. Quand le désespoir s’installe, il y’a fort à parier que les prophètes de la violence ne sont pas loin.

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