Par Ahmed Zakaria
Aujourd’hui s’est ouvert le premier procès depuis le 22 février date du début de la révolution citoyenne. Saïd Bouteflika, Louisa Hanoun leader du PT et les deux ex chefs des services secrets, les généraux Tartag dit Bachir et Mediène dit Toufik ont comparu devant le tribunal de militaire de Blida. Ce procès historique s’est ouvert sous très haute surveillance.
Longtemps mis en garde, ils ont fini interpelés par la justice militaire qui les avait inculpés en mai dernier pour «atteinte à l’autorité de l’armée» et «complot contre l’autorité de l’Etat».
Saïd Bouteflika et les deux ex-chefs du renseignement avaient été incarcérés le 5 mai dernier. Quant à Louisa Hanoune, placée en détention provisoire le 9 mai, sa demande de libération avait été rejetée à trois reprises. Lors de l’instruction, la défense de cette dernière avait admis qu’elle avait pris part à une réunion avec Saïd Bouteflika et Mohamed Mediene le 27 mars, au lendemain d’une fulgurante déclaration publique du chef de l’état-major armée Ahmed Gaïd Salah, exigeant l’application de l’article 102 déclarant la vacance du poste du président de la République.
Ce procès est qualifié d’historique et restera sans doute dans les anales de la justice algérienne, il est également très attendu par l’opinion publique. Le peuple qui n’abandonne pas la rue chaque vendredi n’aurait jamais cru vivre un évènement pareil, il y a quelques mois. Il aurait fallu d’ailleurs attendre 30 longues années pour voir ce qui a été l’homme le plus puissant et redoutable du pays (Toufik rab dzayer) sur une chaise roulante entouré de ses 3 avocats. Lui dont on retient vaguement les traits de son visage qu’à travers de rares vielles photos. Le sort a fait que l’apparition publique du général au parcours énigmatique, qui aime cultiver le secret et qui n’est présent que par son nom pendant la décennie du terrorisme, soit face à un juge.
Le tribunal militaire a également émis un mandat d’arrêt international contre l’ex ministre de la défense en fuite, Khaled Nezzar et son fils. l’ex général ministre de la défense est cité dans la même affaire. il est passé de témoin à co-accusé. Nezzar risque également d’être poursuivi par le tribunal de Genève pour crime de guerre.
Le mystère continue de planer sur cet impressionnant événement venant couronner le mouvement populaire, qui a ébranlé le pays et le monde, et sur lequel une bonne partie des médias nationaux privés continuent de faire un silence suicidaire. Abasourdis, ces derniers n’ont pas été capables ni d’anticiper les procès, ni de pronostiquer a quoi pourrait ressembler les lignes de défense ou encore de prévoir le verdict.
Que prévoit la justice militaire pour les accusations dont les quatre co-accusés font objet ?
Les quatre prévenus sont en jugés en vertu des articles 77 et 78 du code pénal et 284 du Code de justice militaire. Cette dernière disposition stipule que «tout individu coupable de complot ayant pour but de porter atteinte à l’autorité du commandant d’une formation militaire, d’un bâtiment ou d’un aéronef militaire, ou à la discipline ou la sécurité de la formation, du bâtiment ou de l’aéronef, est puni de la réclusion criminelle de cinq à dix ans».
A ce titre, l’article 77 du Code pénal stipule que «l’attentat, dont le but a été de détruire ou de changer le régime, soit d’inciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’Etat […] est puni de la peine de mort. L’exécution ou la tentative constitue seule l’attentat».
L’article 78 stipule que «le complot ayant pour but les crimes mentionnés par l’article 77, s’il a été suivi d’un acte commis ou commencé pour en préparer l’exécution, est puni de la réclusion à temps de 10 à 20 ans». La peine est réduite de moitié si le complot «n’a pas été suivi d’un acte commis ou commencé pour en préparer l’exécution».
Les quatre accusés ont été assistés d’un panel d’avocats. Trois avocats pour le général Toufik, Trois pour Saïd Bouteflika, Deux pour Tartag et quatre avocat pour Louisa Hanoun.
Me Farouk Ksentini, avocat du général Toufik, a demandé le report du procès en raison de l’état de santé de son client. Le juge a donc reporté la séance pour délibération. La demande de report de la défense a été rejetée et le procès a bel et bien commencé aujourd’hui ?
Dans une lettre, la famille Mediène interpelle l’opinion publique quant à la dégradation de l’état de santé du général. « Son état de santé s’est aggravé après son incarcération le 5 mai 2019 suite à une chute survenue au dixième jour de sa détention au centre pénitentiaire de Blida, occasionnant une fracture complexe de l’omoplate droite », a souligné la famille du général Toufik. Pour rappel, l’ex-patron du DRS est poursuivi avec Bachir Tartag (ex-coordinateur des services de sécurité), Said Bouteflika (frère et conseiller du Président déchu) et Louisa Hanoune (cheffe du PT) pour complot contre l’autorité de l’Armée et de l’Etat.