Il n’y a pas une occasion qui soit ratée, par une partie de la presse française, pour dresser des horizons apocalyptiques concernant l’Algérie. La chair des « analyses » ou des reportages est donnée par des « spécialistes« , des « chercheurs« , presque toujours les mêmes qui n’ont comme arguments que leurs titres universitaires, nécessaires et suffisants pour donner à leurs phrases lapidaires un statut scientifique.
L’un de ceux-là, qui avait été appelé à la rescousse par le très objectif « Libération« , est Pierre Vemeren. Il est professeur d’histoire contemporaine à Paris I et « spécialiste des pays du Maghreb », cette seconde qualité ne faisant l’objet d’aucune évaluation et ne figurant pas dans la nomenclature des distinctions académiques. Qu’à cela ne tienne, il va donner son avis qui avait servi à commenter la visite de François Hollande à Alger.
Le monsieur, soulignons-le, reconnaît que « le pays est un facteur de stabilisation à l’extérieur (qu’) il protège la Tunisie en empêchant le chaos libyen de proliférer (et qu’) à ce titre, la Tunisie ne peut tenir sans la protection algérienne. » Mais il ne prend aucun gant pour verser dans le catastrophisme, quand il s’agit de décrire ce facteur de stabilisation ». Il s’interroge, paniqué en apparence : « Qui dirige ? Qui a été élu ? Qui est l’Etat algérien ? Quelle est aujourd’hui « la légitimité démocratique « ? A la limite presque nulle. C’est qui l’Algérie ? L’armée ? Les « Services » ? Les puissances économiques ? Les grands intérêts capitalistes pétroliers ? »
Autant de questions qui ne suggèrent qu’une seule réponse, toute préparée et qui servira de titre à l’article-interview : « L’Algérie est un régime sans visage ».« Du jamais vu » d’après lui, soit un aveu d’incapacité à comprendre.
Derrière, se profilent tous les poncifs que les Algériens ont pu entendre, depuis des décennies. A savoir que le pays est tenu soit par un « cabinet noir », soit par un « pouvoir occulte », que même Sid-Ahmed Ghozali, tout premier ministre qu’il fut, disait ne pas connaître, ne pas savoir où il se situe.
Ayant dit cela, M. Vemeren, va puiser dans le réel les éléments qui donneront du contenu à ses « inquiétudes » . Tous tournent autour de la baisse des recettes pétrolières. In fine, pas de quoi être un docte personnage pour des conclusions aussi galvaudées, surtout quand on est réduit à être un simple écho d’une opposition qui n’a rien à offrir que ses fantasmes. Et c’est lui qui la cite, en se confinant dans le générique et l’indéfini. « Les Algériens » dit-il, pour illustrer sa rhétorique. La même sinistrose trouverait fort bien de s’appliquer à son pays, la France, ou à tout autre pays qui s’en est remis au pouvoir du marché, de la libre-entreprise, où l’on ne pas qui dirige et qui est élu, si l’on observe la façon cavalière dont sont traités les citoyens-électeurs et le poids des banquiers dans l’élaboration et la mise en pratique des programmes économiques et sociaux. Là-bas, au moins, notre historien n’aura qu’à se baisser pour cueillir ses données, pas comme pour l’Algérie où il a dû lire ou faire lire « ce qui se dit ».