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L’accord stratégique algéro-italien impose un nouvel échiquier énergétique euro-méditerranéen

La visite du président du Conseil des ministres italien Mario Draghi à Alger a été couronnée par la signature d’accords d’une importance capitale. Au-delà de l’augmentation du volume d’approvisionnement en gaz algérien qui répond aux exigences de la crise due à l’a guerre énergétique entre l’Europe et la Russie, les accords politiques sur l’énergie entre Rome et Alger vont bien plus loin que les impératives de l’instant. Les mouvements de la diplomatie algérienne et italienne semblent dessiner une nouvelle carte géo-énergétique qui s’étend de Rome jusqu’à Abuja en passant par Alger et Tripoli. Ces accords suscitent déjà les inquiétudes de l’Espagne.  
MF

Par | Ahmed Zakarya


La squadra qui a accompagné Draghi à Alger sous invitation du président de la République Abdelmadjid Tebboune, était composée des ministres des Affaires étrangères Luigi Di Maio et de la Transition écologique Roberto Cingolani ; du chef de cabinet Antonio Funiciello ; du PDG d’ENI Claudio Descalzi et de l’ambassadeur d’Italie à Alger Giovanni Pugliese.

À l’issue des réunions, les deux pays ont signé deux importants accords dans le secteur de l’Energie lors d’une cérémonie présidée par le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, et le président du Conseil des ministres italien, M. Mario Draghi. Le premier accord portant sur la livraison du gaz, a été signé, côté algérien, par le PDG de Sonatrach, Toufik Hekkar, et côté italien par le PDG du Groupe ENI, Claudio Descalzi.

Le second accord est une Déclaration commune d’intentions visant à renforcer la coopération dans le domaine de l’énergie, signée côté algérien, par le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, et côté italien, par le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio.

L’Italie, rappelons-le, est le premier client du gaz de l’Algérie d’où elle assure le tiers de ses approvisionnements. En 2021, l’Algérie a acheminé, via le gazoduc transméditerranéen, un total de 22 milliards mètres cubes de gaz. « L’Italie pourra compter sur des approvisionnements supplémentaires en gaz algérien et peut-être dépassant, 30 milliards de mètres cubes. Le PDG de l’entreprise, Toufik Hakkar a souligné auparavant que « les augmentations sont tributaires de la disponibilité des volumes excédentaires après satisfaction du marché national, de plus en plus importante ».

Un partenariat pour le passage à l’énergie verte

L’accord signé à Alger entre le président de Sonatrach Toufik Hakkar et le PDG d’ENI, Claudio Descalzi, lit-on sur la presse italienne, « utilisera les capacités de transport disponibles du gazoduc (Transmed, ndlr) pour garantir une plus grande flexibilité des approvisionnements énergétiques, fournissant progressivement des volumes croissants de gaz à partir de 2022, jusqu’à 9 milliards de mètres cubes de gaz par an en 2023-24 ». Le ministre Cingolani a expliqué que « l’accord ne se termine pas en 2024 mais le débit sera constant ou sur une rampe qui va croître : à partir d’Alger nous aurons environ 3 milliards de mètres cubes de gaz en plus immédiatement, encore 6 en 2023 pour atteindre 9 milliards, environ 3 milliards de gaz et 3 milliards de GNL (gaz naturel liquéfié, ndlr) ».

Au-delà du caractère urgent imposé par la crise en Ukraine qui pourrait engendrer une rupture d’approvisionnement russe, il convient de de noter que les accords signés et l’agenda tracé avec le président algérien laissent comprendre que le partenariat entre Alger et Rome va bien au-delà de ce que dicte l’impératif du moment. 

Loin des pressions internationales, l’Algérie compte à travers une diplomatie énergétique, consolider son rang de pays stratégiquement incontournable dans l’échiquier régional et international en diversifiant les domaines d’association notamment avec des partenaires historiques et fiables.  Cela passe par apaiser les angoisses européennes par rapport à l’approvisionnement en énergie.

Alger comme Rome ont tracé un agenda à long terme qui impliquera tout le bassin méditerranéen visant la mise en place d’une stratégie coordonnée pour le passage vers l’énergie verte qui réduira l’addiction aux énergies fossiles. Le premier noyau a déjà vu le jour à travers un accord initial entre les deux géants pétrolier Sonatrach et ENI.  

A ce titre « L’Italie – a déclaré Draghi – est prête à travailler avec l’Algérie pour développer les énergies renouvelables et l’hydrogène vert. Nous voulons accélérer la transition énergétique et créer des opportunités de développement et d’emploi ». Le premier ministre a souligné :  » Immédiatement après l’invasion de l’Ukraine, j’ai annoncé que l’Italie agirait rapidement pour réduire sa dépendance au gaz russe. Les accords d’aujourd’hui sont une réponse vive à cet objectif stratégique, d’autres suivront ».

 Draghi: « ce niveau de coopération a « tant été rêvé » par les parties italienne et algérienne ».


Après le tête-à-tête avec le président algérien, Draghi s’est s’est déplacé à l’ambassade d’Italie à Alger pour rencontrer la communauté italienne où il informé les membres de la communauté que l’Italie comte intensifier ses investissments en Algérie : il y a environ 200 entreprises présentes d’une manière stable en Algérie. Elle sont engagées dans le domaine de l’énergie mais aussi dans les infrastructures. Dragui a Draghi a souligné que l’Algérie et Rome renforceront les dossiers de partenariat et d’investissement, lors du quatrième sommet bilatéral de haut niveau entre les deux pays, qui se tiendra à Alger les 18 et 19 juillet : Il a ajouté : « J’aurais également l’occasion de rencontrer le président algérien fin mai prochain » et beacoup d’accords et projet seront annoncés. A cet égard, Dragui a précisé que les secteurs de la fabrication d’hélicoptères et de navires, l’industrie alimentaire, l’agriculture saharienne et la production céréalières seront à la tête des projets

Même si les détails de ces accords restent encore non révélés, les analystes des deux rives de la méditerranée n’ont pas manqué d’interpréter les mouvements diplomatiques algéro-italien et italo-libyen, ainsi que la progression du projet du Gazoduc transsaharien entre l’Algérie et le Nigeria, comme les prémices d’un nouveau hub énergétique afro-méditerranéen.

Beaucoup ont estimé que l’invitation à Alger des deux chefs de la diplomatie libyenne et tunisienne avant l’arrivée de Draghi, rentre dans la cadre des efforts algériens d’accélérer le processus tant que les conditions géopolitiques sont favorables à la rive sud de la méditerranée. L’Italie, partenaire historique des trois pays du Maghreb, a pour l’instant montré sa fiabilité et son enthousiasme pour concrétiser le projet. Après Alger, le chef du gouvernement italien s’est entretenu avec les partenaires libyens, avant de mener une tournée dans plusieurs pays africains dont le Nigeria où l’ENI est présente depuis 1962.   

L’Italie semble avoir tiré les leçons de la guerre en Ukraine et la politique européenne dispersée, qui a capoté le projet du gazoduc south stream qui devait relier l’Italie à la source russe.

Selon Dragui, cette situation exige  » de repenser les interconnexions gazières, aujourd’hui et demain, pour l’hydrogène (…) il est possible que les pays du sud de l’Europe avec les connexions qu’ils entretiennent avec la rive sud de la Méditerranée puissent eux-mêmes devenir des hubs d’électricité, produite à partir de sources renouvelables, et de gaz (…) Le plan d’interconnexion entre les différents pays est en train d’être repensé. Nous entrons dans une phase stratégique des politiques énergétiques qui est complètement différente de ce qui a été le cas jusqu’à présent ». A déclaré Dragui.

Les inquiétudes de l’Espagne

La nouvelle de l’accord entre l’Algérie et l’Italie relègue l’autre partenaire espagnole au second plan. A peine la visite de Draghi achevée la diplomatie espagnole a pris contact avec les italiens pour tenter de comprendre les tenant et les aboutissants de cette accord. des diplomates italiens et espagnols se sont rencontrés pour discuter du gaz algérien.

Après l’entrée du gouvernement socialiste de Sanchez dans le jeu de la diplomatie de quiproquo marocain, le partie algérienne s’est assuré de l’instabilité des positions espagnole dans ses engagements régionales. L’augmentation du flux gazier vers les gazoduc ouest pourront mettre en échec le vieux projet du gazoduc Midcat qui devait relier, via les Pyrénées, Hostalric au nord de Barcelone à Barbera, à l’est de Carcassonne. Son but était de faire remonter vers le nord du continent le gaz en provenance d’Algérie, un pays qui fournit déjà 11% du gaz consommé en Europe.

Par ailleurs l’Algérie qui s’est engagée à respecter les contrats à long terme garde en sa procession d’autres atouts, dont les termes du contrat relatifs aux prix. Les Espagnols craignent d’avoir de sérieux problèmes pour obtenir du « carburant bleu ». Les Espagnols et les Algériens négocient depuis longtemps pour approvisionner l’Espagne en gaz algérien, mais ils ne parviennent pas à s’entendre sur un prix.

Madrid craint que l’accord avec l’Italie ne renforce fortement la position de l’Algérie dans ces négociations et lui permette d’en dicter les termes. De plus, l’Algérie pourrait, non sans inquiéter Madrid, être confrontée à des problèmes logistiques d’approvisionnement en gaz de la péninsule ibérique. Les diplomates espagnols et italiens ont annoncé les positions de leurs pays et convenu d’une nouvelle rencontre fin avril. Les deux pays reçoivent depuis longtemps du gaz algérien via des gazoducs les reliant à l’Algérie. Auparavant, il y avait assez de gaz algérien pour tout le monde, mais maintenant, en raison de la ferme intention de l’Europe d’abandonner le gaz russe et de réduire la production de gaz en Algérie même, de gros problèmes ont surgi.

Les craintes des Espagnols sont justifiées, selon les experts, car la baisse a dépassé les 40 %. Cela signifie que le gaz algérien risque désormais de faire l’objet d’une intense concurrence entre les pays européens pour tenter de réduire la dépendance au gaz russe.

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