Cette contribution nous vient de l’un de nos aînés dans le journalisme. Né le 27 novembre 1947 à Alger au sein d’une famille de résistants. M. Bouhamidi, Professeur de philosophie, militant syndicaliste et politique, directeur de la culture et chroniqueur. nous publions une partie de son écrit sur le financement de certains activistes par les organisations. Nous mettrons en ligne la seconde partie très prochainement.
L’article 102 au 26 mars 2019
Par Bouhamidi Mohamed
Il est difficile de ne pas lier la demande de l’application de l’article 102 aux dernières informations et derniers événements. Le 23 mars Algérie-part publie l’information confidentielle que le général Tewfik allait rencontrer des diplomates occidentaux. Bien sûr l’information est totalement invérifiable. Mais elle vient couronner des rumeurs sur « une réactivation des réseaux du DRS », évidemment tout aussi invérifiables. Mais il plane comme un soupçon de récupération au profit de qui car on laisse entendre que ces supposés réseaux dormants allaient secourir le président dans une sorte de réconciliation générale de la caste des oligarques. Le 24 mars Saadani parle. Il mène une charge d’une violence extrême contre l’Etat profond dont le démon penseur, planificateur et exécutant est Ouyahia. Mais dans la bouche de Saadani l’Etat profond est biens sûr le DRS de Trewfik. Aucun doute là-dessus puisque le même Saadani a mené les mêmes attaques avec la même violence contre Tewfik pour préparer sa mise à l’écart, Il est donc logique de penser que Saadani a attaqué Tewfik après que les rumeurs aient parlé du réveil des « réseaux dormants » et de la rencontre du général avec des diplomates.
Peu de gens ont relevé que le fond du discours de Saadani nous disait que le peuple a tort de regarder vers le président Bouteflika qui allait partir à la fin de son mandat et que le peuple devrait plutôt regarder vers Ouyahia et cet État profond qu’il représente. Il attaquait donc ouvertement, un courant qu’on dit créé par et appuyé sur le DRS. Le sous entendu est patent, l’Etat profond allait s’allier avec des puissances étrangères pour rétablir sa vitrine politique Ouyahia.
Deux jours plus tard, le 26, le jour même de la rencontre présumée du général Tewfik avec des diplomates le général Gaïd Salah demande l’application de l’article 102.
Cette demande met fin officiellement à toutes les situations de non-droit et de transgressions de la constitution commises par le 5ème mandat puis les lettres attribuées au président et « rédigées par Ouyahia » selon Saadani.
Le motif de la rencontre de Tewfik disparaissait avec le motif des situations de transgressions du droit et de la constitution. Cette information sur la rencontre du général Tewfik avec des diplomates étrangers était-elle vraie ? Aucune importance. On dit que les services secrets se demandent d’abord si une information sert un intérêt ou un groupe avant de se préoccuper de savoir si elle est vraie. Cette méthode des services est utile quand on parle d’une affaire de services.
Donc à ce jour du 26 mars, nous avons un fait, la demande de l’ANP d’appliquer l’article 102. La première pensée est qu’elle semble faucher l’herbe sous les pieds du clan Ouyahia, tel que Saadani nous a présenté ses intérêts, ses manœuvres et ses manigances.
Le problème est que le retour à la légalité constitutionnelle intervient trop tard. Le peuple contestait la légitimité du pouvoir. Le 5ème mandat a sapé la légitimité du pouvoir car ce 5ème mandat retirait toute légitimité aux sentiments et à l’opinion du peuple. Puis ce refus s’est développé en refus de la politique de l’oligarchie et en condamnation des actes des groupes non légaux et non constitutionnels qui gérait le pays, ses finances, la sélection des ministres et hauts responsables. Le peuple a surtout dénoncé les connivences avec l’étranger.
Dès que ce point a été franchi, le peuple a contesté non seulement la légitimité entachée du pouvoir sa légalité. C’est toute la base constitutionnelle et légale qu’il tient à renverser.
Le retour aux bases légales d’action n’est plus les bases d’une solution d’entente.
Notre peuple a d’ailleurs formulé que les bases d’entente doit se construire sur la légitimité de la proclamation du 1er novembre et du congrès de la Soummam. Les photos de nos dirigeants du 1er novembre, les slogans anti colonialistes, le retour aux sources de notre révolution montrent bien que notre peuple veut l’État souverain, indépendant, démocratique et social dans le cadre des principes de l’Islam qui, nous le savons, étaient perçus comme les principes de la solidarité, de la fraternité, de la bienveillance morale et sociale. Il n’était nullement question d’Etat théocratique ou d’un État de classe.
Il est fort probable que le peuple algérien refuse ce retour tardif et sans aucune garantie pour sa revendication d’un État juste, moral, protecteur de la Nation, de la Société et du pays.
Bien sûr, dans son expérience notre peuple a bien vu que notre Etat a pu être dévié des buts de novembre et de la Soummam. Il sent qu’il a besoin de temps pour penser ces déviations et s’en prémunir dans les conditions infiniment plus complexes où nous ont mis les politiques de l’Incita capitaliste sauvage. Il prend son temps pour bien mesurer la tâche et la penser.
Il est plutôt certain que notre peuple refusera d’aller vers des formes de représentations verticales de la base communale à la wilaya comme le préconisent certains, et comme l’ont les 3’rouchs. C’est cette forme construire en dehors du l’armature économique et des centres et réseaux nerveux du pays qui a ruiné les 3’arouchs. Seule l’organisation sur cette armature économique et nerveuse du pays permettra de proposer les programmes nationaux par grandes questions, de contrôler l’activité représentative des délégués et d’agir en cas de nécessité. Si les syndicats autonomes ou UGTA s’étaient concertés dans la branche des banques et des finances, ils auraient pu alerter le peuple sur les fuites de devises ou leurs sorties illégales et ainsi les empêcher.
L’élection par système de commune, daïra et wilaya est le même que le vote pour les députés: une fois élu le délégué est coupé du peuple et incontrôlable.
En attendant que le pouvoir trouve les solutions para-constitutionnelles avec un présidium, un conseil, ou toute autre solution, le peuple, lui demande non le changement des hommes et des méthodes mais le changement même de la base légale de l’État et le retour aux principes de la déclaration du 1 er novembre.
La demande de l’application de l’article 102 est une défaite partielle de la caste des oligarques. Elle n’est pas encore une victoire pour notre peuple