Selon la légalité internationale, du moins si l’on en croit les textes en vigueur aux Nations-Unies, il y a de nobles principes qui gouvernent les relations internationales, dans le sens du respect de la souveraineté des pays sur leurs territoires.
Entre tous, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est consacré. Ce droit est appuyé par la résolution 1514 (XV) de l’ONU, du 14 décembre 1960, qui stipule que « toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes des Nations Unies ». Pour renforcer cette disposition, une dizaine d’années plus tard, la résolution 2625 du 24 octobre 1970, vient préciser que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne peut être interprété, « comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout État souverain et indépendant ».
De quoi penser que le champ était verrouillé contre toute velléités de revenir aux rapports de force de l’ère des conquêtes coloniales.
Mais c’était faire dans une grande naïveté, car les faits sont criants de dénégation de cette littérature, dont les cahiers n’ont encore pourtant pas jauni.
En Irak, en Afghanistan, au Soudan, en Libye et en Syrie, à travers des méthodes directes ou indirectes nous avons pu assister au peu de déférence qui a été accordée au socle juridique de l’ONU. Ces pays ont soit subi des agressions, soit ont été victimes d’opérations de déstabilisation, qui les ont plongés dans le chaos ou livrés au morcellement.
En ne cherchant pas trop loin, nous pouvons tomber sur l’article 22 du Pacte de la défunte Société des Nations (SDN). Il avait le mérite de porter explicitement l’idéologie des puissants, donc de ne pas semer d’illusions.
En ouverture, il édicte qu’il existe « des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne » et que « le bien être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation ». Les Etats-Unis et leurs satellites sont en plein dedans. Ils ont mis, sans le dire, cet article au fronton de l’OTAN. Le moment venu, peut-être vont-ils abroger la législation en vigueur et la remplacer par ces dispositions.
A la condition, bien sûr, que les trouble-fêtes que sont la Russie et la Chine seront neutralisés.
En attendant, la propagande met peu à peu le terme de « civilisation » au goût du jour, même si la notion de « démocratisation » domine toujours les discours servis, en couverture aux guerres menées ici et là. Ce jour, l’alinéa 2 de l’article pourra permettre d’agir en toute légitimité.
La Libye pourrait, par exemple, être prise en charge selon cet alinéa qui indique que « la meilleure méthode …est de confier la tutelle de ces peuples aux nations développées qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux â même d’assumer cette responsabilité… ». La « civilisation » connaîtra, enfin, son avènement. Et elle sera belle.
Comme preuve : le 09 mars 1928 on pouvait lire dans la Dépêche algérienne ce commentaire : « Ce fait est-il répréhensible au point qu’il nécessite le déploiement de tout l’appareil judiciaire ? » Il s’agissait de l’acquittement du colon Ginestous qui avait achevé à coups de crosse, après l’avoir blessé d’un coup de fusil, un « indigène » coupable d’avoir emprunté un chemin desservant sa propriété. Le journal s’indignait que le colon soit jugé et que l’on dérange policier, juge et greffier pour la simple élimination d’un Algérien.