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Code d’éthique, « tous des voleurs »

Par Ahmed Halfaoui

 
 
 
« Tous des voleurs ! » est le sentiment éprouvé par la majeure partie de la population et renforcé par la presse, qui, à bon escient ou en fonction d’objectifs politiques inavoués, contribue à la fabrication de l’image d’un pays livré en entier à la prédation et à la corruption. Une façon intentionnelle ou pas de banaliser le fait au point d’en faire une fatalité. Ainsi, on accuse «les généraux», la «mafia politico-financière», personne en particulier et tout le monde en général, accusation reprise et répercutée à l’infini par une opinion publique qui n’a aucune peine à l’admettre et aucun moyen d’en vérifier la véracité.
 
 
 
 

A côté de cette corruption à grande échelle existe une autre, plus visible, plus identifiable, au niveau du quartier ou au sein même des organismes. Des enrichissements sans feu ni lieu fulgurent et «insultent» les gens ordinaires qui vivent de leur travail.C’est le voisin qui du jour au lendemain déménage vers une villa cossue alors que son salaire ne suffirait pas à acheter le lavabo de sa nouvelle salle de bain, c’est le collègue subalterne qui démissionne pour se trouver à la tête d’une grosse affaire commerciale ou c’est le cousin qui empruntait pour ses fins de mois qui se présente, un matin, avec une grosse cylindrée neuve payée au comptant. Tous, sans exception, sont de près ou de loin impliqués dans les marchés que passe leur organisme employeur.

C’est aussi le maire qui refait les trottoirs au carrelage et dit manquer de budget pour des dépenses infiniment moins coûteuses et infiniment plus utiles. C’est le responsable qui use des ressources et des biens sociaux en toute propriété, au vu et au su du collectif. Tout le monde le sait, tout le monde murmure mais personne ne va plus loin que ça. Le pire est que cette forme de «réussite» est devenue une norme établie que seuls les «niais» n’oseraient pas tenter.A tel point que certains emplois, et c’est un secret de polichinelle, sont monnayés au prix fort. La conséquence en est une minoration des compétences au profit du clientélisme et du népotisme.

Ces deux systèmes ont pour effet d’annuler toute possibilité de lutte contre les malversations avec les procédures légalement en vigueur. Parce que les relations ont verrouillé l’accès à l’information et éliminé les «gêneurs» des circuits sensibles. Alors, les lettres anonymes s’amoncellent sur les bureaux des directeurs généraux, des walis, des ministres et de la présidence de la république. Ultime moyen de dénoncer le crime, ce qui ne peut se faire à visage découvert.

La peur de perdre son emploi, la peur de ne pouvoir affronter la procédure judicaire, la peur de ne pouvoir prouver ce qui est évident, la peur absolue du «système» est omniprésente, oppressante, aggravée par l’impunité des insolents signes extérieurs de richesse. L’Etat ne peut pas ne pas savoir et il laisse faire, donc il est complice.Quand il réagit et réprime, comme dans les dernières affaires qui ont mis sur la place publique les frasques de nombreux responsables, cela défraie la chronique et la presse bizarrement n’y décèle qu’ «une lutte de clans au sein du pouvoir».Les «services» qui font la peau à l’équipe du président ou l’inverse et d’autres hypothèses tout aussi politiques. C’est dire que la grille d’analyse en cours ne peut pas être dérangée, tant la suspicion est plus confortable qu’une lecture plus poussée des faits et tant il est difficile de croire à un revirement de la situation.On invoque aussi les «pressions» internationales ou le fait que la période impartie à «l’accumulation primitive» soit désormais close pour inaugurer une ère de libre concurrence et de son corollaire la transparence dans la gestion des marchés publics.La vraie question qui reste posée et qui n ‘est pas posée est de savoir jusqu’à quel point la cohabitation d’un secteur public, pourvoyeur de marchés faramineux, avec un secteur privé (national ou étranger) rarement « moral » peut se faire sans que des actes de corruption aient lieu.

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