Par | Abderrahmen Ben Nadjem
Il est prévu que les approvisionnements en provenance d’Algérie et de Tunisie atteignent 70 térawattheures d’ici 2030, tandis que le Maroc ne sera pas encore en mesure de produire de l’hydrogène vert à cette date.
L’approvisionnement de cette source d’énergie renouvelable, acheminée via le gazoduc Transmed reliant les champs de Hassi R’mel (situés dans le sud de l’Algérie) à l’Italie à travers la Tunisie, devrait atteindre 150 térawattheures d’ici 2040. En revanche, le Maroc ne devrait produire que 46 térawattheures à la même période, marquant ainsi un écart de trois fois entre les deux pays.
Les prévisions à long terme, jusqu’en 2050, indiquent que cette tendance se maintiendra, avec une différence toujours de trois fois entre les approvisionnements algéro-tunisiens et ceux du Maroc, qui devraient atteindre respectivement 375 térawattheures contre 115 térawattheures pour le Maroc.
En juillet dernier, Piero Ercoli, directeur général de l’unité de décarbonation de la société italienne Snam, responsable de l’ingénierie du corridor hydrogène sud (SoutH2 Corridor), a souligné que les coûts pour produire et transporter cette énergie propre de l’Algérie et de la Tunisie vers l’Allemagne, en passant par l’Italie et l’Autriche, seront difficilement compétitifs. Il a également noté que l’Algérie et la Tunisie se distinguent parmi les régions du monde où les conditions sont particulièrement favorables à la production d’hydrogène vert, avec une prévision de production à 4 euros le kilogramme.
Des investissements de 120 milliards d’euros
Les investissements nécessaires pour réaliser le projet titanesque d’hydrogène vert en Tunisie sont estimés à environ 120 milliards d’euros. Ces fonds sont prévus dans le cadre d’un scénario de capacités et de volumes de production visant à atteindre 8,3 millions de tonnes équivalent d’hydrogène et de produits PtX (Power-to-X).
Les investissements initiaux, prévus entre 2025 et 2030, se concentreront principalement sur la construction des infrastructures d’énergie renouvelable dans le sud et la production d’ammoniac vert à Gabès pour le marché local des engrais.
Les étapes suivantes incluront la construction ou la réaffectation des infrastructures, notamment en ce qui concerne la capacité du pipeline (Nawara–Gabès) et le stockage tampon, afin d’optimiser l’utilisation pour les opérations PtX en aval et d’augmenter les exportations d’hydrogène vert vers l’Europe. La taille et le mode de stockage (batteries, stockage d’hydrogène) dépendront de divers facteurs, notamment de la possibilité d’échanges avec le réseau électrique.
Il sera donc essentiel d’adapter le dimensionnement des projets en fonction des conditions réelles d’utilisation finale. À partir de 2030, l’exportation ciblée d’hydrogène vers l’Europe devrait représenter la contribution de la Tunisie, avec des prévisions de 300 000 tonnes en 2030 et 1,6 million de tonnes en 2040, dans le cadre du « « « Corridor Afrique du Nord & Europe du Sud » de l’UE, qui vise 3 millions de tonnes en 2030, puis 10 millions de tonnes en 2040 (d’après les études sur le Backbone Hydrogène Européen). Les investissements dans les centrales électriques d’énergie renouvelable, les électrolyseurs et l’infrastructure continueront d’augmenter pour atteindre l’objectif d’exportation de 6,3 millions de tonnes d’hydrogène vert d’ici 2050. Les investissements dans la production de carburants synthétiques pour l’aviation et le transport routier seront également renforcés à partir de 2040.
Au Delà-de l’Économique : Un Catalyseur pour une Paix Durable
L’importance croissante de l’hydrogène vert pour la Tunisie et l’Algérie ne se limite pas seulement à des considérations économiques, mais s’inscrit également dans un cadre géopolitique plus large. En devenant des leaders dans la production et l’exportation de cette énergie propre, ces deux pays peuvent jouer un rôle crucial dans la transition énergétique de la région méditerranéenne. Cela représente non seulement une opportunité de diversification économique, mais également un moyen de renforcer la coopération régionale et de réduire les tensions historiques. En unissant leurs efforts pour développer des projets d’hydrogène vert, l’Algérie et la Tunisie peuvent poser les bases d’un partenariat stratégique qui favorise la stabilité et la sécurité dans la région. Ce faisant, elles pourraient transformer des rivalités en synergies, en mettant en avant des enjeux communs tels que la durabilité environnementale et la sécurité énergétique, tout en s’affirmant comme des acteurs incontournables sur la scène internationale.