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Yetnahaw ga3 ! (« Ils doivent TOUS dégager ! »)

Par Ali Hadj Tahar

Avec  son parcours  professionnel et artistique atypique, Ali Hadj Tahar est une des figures appréciée de la scène artistique et médiatique en Algérie. Fils de la Mitidja, Ali est journaliste-écrivain, plasticien et critique d’art. il est  réputé par sa franchise lorsqu’il s’agit de questions d’importance nationale ou régionale. En 1984, il commence sa carrière de journaliste professionnel à Révolution africaine, avant de travailler dans différents journaux et magazines, en se spécialisant dans la critique d’art. Dans les quotidiens El Watan, Liberté et dans la revue Tassili, il publie de nombreuses études sur l’art et la culture, l’art et la ville, l’art et la société ainsi que de nombreux portraits de poètes, d’écrivains. Il fait aussi connaître la vie et l’œuvre de nombreux artistes plasticiens algériens.  La scène algérienne attend avec impatience son nouveau livre Mon livre, « L’Algérie sans Boutef »,  qui sera prêt dans un mois.

Ils ne disent plus « Dehors les 3B ». Je ne sais pas pourquoi ? Amnésiques ? Ils disent « Yetnahaw ga3 ! »
Que veut dire « Yetnahaw ga3 ! » ? « Ils doivent TOUS partir ! » Qui sont ces « tous » ? C’est indéfini. Peut-on faire partir des gens dont on ne définit pas l’identité ?
Ils disent aussi « Système dehors ! » Ils ne définissent pas le système. Ils laissent les choses dans le flou. Afin que les choses restent ainsi, à pourrir, afin de perpétuer ces manifestations sans but clairement défini. Les manipulateurs savent qu’un système c’est aussi des lois, pas uniquement des hommes et des fonctionnaires élus ou non élus. Les professeurs et les journalistes qui vendredisent font-ils semblant de ne pas savoir qu’on ne change pas un système comme on change une roue de bicyclette ?
Ils savent qu’une révolution ne consiste pas à dégager des gens mais à changer un système, et ce avec des guides et des objectifs clairs, comme cela s’est passé durant la révolution française, la révolution bolchevique, en Chine, en Inde, à Cuba, ou de l’intérieur, par un coup d’État, comme l’a fait Kadhafi contre la monarchie… (Note)
En Algérie, le Hirak II ne demande pas des changements institutionnels, puisque depuis 1989, les institutions de notre pays sont celles d’une démocratie en transition comme celles de dizaines de pays qui sont passés d’une démocratie populaire, d’un système autoritaire ou d’une dictature à une démocratie dite de type occidental ou libéral. Sur ce plan, l’Algérie est plus avancée que de nombreux pays, puisque les élections se tiennent toujours à la date prévue depuis 1989, puisqu’une constitution consacre le multipartisme, etc. Evidemment, selon les enquêtes du Freedom House ou de l’Economist, beaucoup de pays sont plus avancés que nous en matière démocratique parmi ceux qui ont nouvellement fait leur mutation démocratique et qui, comme nous, sont dans une phase de transition démocratique.

Les revendications du Hirak II visent le départ de certaines personnes, non identifiées. Le Hirak II veut le départ du personnel politique en place, sans définir les postes concernés. Il ne dit pas qui il veut faire partir et se croit capable de les faire partir. Il pense que Bensalah et Gaïd Salah viendront un jour déposer les clés d’El Mouradia et du MDN devant la Grande Poste. Il pense qu’ils viendront remettre les clés du pouvoir à ces manifestants qui ne daignent même pas ou ne sont pas capables de désigner les récepteurs des clés du pouvoir. Les manipulateurs savent que cela n’arrivera jamais mais les naïfs continuent à vendredire. Les manipulateurs ne désespèrent pas d’arriver à leur fin : transformer un Hirak pacifique en Hirak violent.

Nous sommes dans une situation absurde. Nous sommes dans une démarche d’insurrection, dans une démarche arbitraire, pas dans une logique de révolution, puisqu’une révolution est une volonté de changer un ordre, un système, pas de remplacer des personnes par d’autres personnes. Une révolution implique un changement de système, or ici il n’y a aucun système à changer et que les changements à faire sont déjà inscrits dans la constitution et dans l’ordre naturel de l’évolution du système instauré par la constitution de 1989.

Les revendications dégagistes du Hirak s’apparentent à une insurrection. Une insurrection pacifique! Cela semble contradictoire mais c’est ainsi. La revendication « Yetnahaw ga3 » est violente et devrait impliquer une logique de confrontation, une logique violente. Or les manifestants du Hirak II sont fondamentalement pacifiques, du moins dans leur écrasante majorité. Les appels de manifestation pacifique émanent réellement des manifestants et de leur aspiration à des changements pacifiques. Les slogans « Silmiya, silmiya » sont les seuls slogans qui relient le Hirak II au Hirak I.

Le dégagisme, le « Yetnahaw ga3 » est une revendication en totale contradiction avec le caractère pacifique des manifestations. « Yetnahaw ga3 » est une revendication violente. Les manipulateurs savent que c’est une revendication violente et espèrent quelque dérapage à même de transformer le credo « silmiyya » en appels à la violence.
La contradiction entre la violence de « Yetnahaw ga3 » et le caractère jusque-là pacifique du Hirak II prouve qu’il y a quelque chose d’anormal dans ce mouvement. Elle prouve qu’il est manipulé. La revendication absurde, illogique et donc de confrontation, devrait impliquer des manifestations violentes or celles-ci sont fondamentalement pacifiques. Les revendications visent au pourrissement, pas au changement. Pourtant les manifestations sont pacifiques. Les manifestants sont contre la violence mais leur revendication est violente.

Nul n’est contre les changements. Mais quels changements peuvent apporter des revendications floues, sans but, sans mode opératoire, sans programme ni personnel de rechange ? La Tunisie et la Libye ont connu ça. Ce sont les islamistes qui en ont bénéficié en Tunisie alors qu’ils ont engendré le chaos en Libye. C’est par le vote que se fait le changement, en démocratie. Le changement est dans l’ordre de la nature, et relève de la logique même du système démocratique qui avance à petits pas, des petits pas qui sont plus sûrs que les grands pas, qui risquent d’engendrer des bains de sang inutiles en plus de donner le pouvoir aux ennemis les mieux aguerris politiquement.

Note : Les systèmes communistes des pays de l’Est sont tombés grâce aux gens du système, comme en Pologne, par exemple. En Roumanie, ce n’est pas une révolution mais un coup d’État qui a renversé Ceausescu. La Russie, quant à elle, était engagée dans les réformes, opérées de l’intérieur, depuis l’arrivée de Gorbatchev au pouvoir, en 1985, et c’est à lui qu’on doit le multipartisme. En Pologne, la mutation a également été interne puisque c’est le président communiste Jaruzelski qui a appelé Mazowiecki pour former le premier gouvernement non communiste en 1989. Le même processus a eu lieu en Hongrie, tout comme en Tchécoslovaquie, où le Parti unique annonça le 28 novembre 1989 la création de partis politiques, mais où les clivages ethniques ont engendré la partition du pays et une guerre civile. La Yougoslavie a aussi connu la partition.
Et l’Algérie a les ingrédients d’une partition et connait les signes extérieurs de velléités de la la diviser.

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