Par Ahmed Halfaoui
Réalisons la chose. Le Soudan n’est plus le pays le plus vaste d’Afrique. Ce privilège revient, désormais, à l’Algérie. C’était inscrit depuis le début, depuis que le Soudan a conquis sa souveraineté ou plutôt son indépendance.
Tous les systèmes politiques, qui se sont succédé, à la tête de ce pays, ont travaillé pour qu’un jour les populations du sud se détachent avec une bonne partie du territoire. Ils n’ont pas fléchi un instant, dans leurs efforts de ne pas reconnaître leurs différences aux chrétiens et aux animistes, jusqu’à ce que ceux-ci finissent par comprendre qu’il leur faut se reconnaître, eux-mêmes, sans chercher cette reconnaissance auprès des autres. Et c’est le très nationaliste président soudanais, Djaffar El Numeyri, qui achève la démonstration, quand en 1983, il décrète l’application, à tous, du droit musulman.
Les animistes majoritaires au Sud et les chrétiens se révoltèrent. Jamais plus la région ne va se calmer, au prix de centaines de milliers de morts. Comme si l’oppression sociale, culturelle et religieuse ne suffisait pas, les gouvernants du nord se souciaient fort peu de l’économie du sud et des conditions de vie de ses habitants. Ils ne pouvaient pas faire mieux pour servir les partisans de la sécession.
John Garang n’a, à ce titre, que le mérite d’avoir capté le flot des exclus et des opprimés pour leur offrir la perspective qui leur manquait et qui les sortirait de l’enfer qu’ils vivaient. L’ostracisme, le déni identitaire, le diktat religieux ne sont pas le fait des sécessionnistes ou des puissances, très intéressées par les richesses de la région, elles sont celui des attitudes du pouvoir central, animé par l’arrogance et la bêtise politique, mères de l’aveuglement qui a conduit à l’inverse des buts recherchés.
Les sud soudanais ont tous dit « oui » à la sécession lors du référendum sur la question. Comme elle était pathétique cette annonce, du vice-président soudanais Ali Osman Mohamed Taha! Lorsqu’il lui a fallu faire part de l’acceptation du gouvernement soudanais des résultats du référendum du Sud-Soudan « Nous déclarons notre acceptation des résultats préliminaires du référendum qui ont été annoncés hier par la Commission du référendum et nous allons directement lancer des mesures qui suivront cette phase ».
On ne peut qu’imaginer les regrets qui doivent le torturer et le film implacable qui doit défiler dans sa tête, depuis les temps où il était possible d’éviter cette sombre issue. Et si ? Mais le mal est fait et rien ne pourra faire que cela soit autrement. Le Soudan pourra être arabe et musulman à sa guise, sans sa partie sud et son pétrole.
Sans préjudice de ce qui peut affecter l’équilibre régional, avec l’irruption de la cruciale problématique de partage des eaux du Nil. Une rançon mémorable qui devrait interpeller un bon nombre d’Etat bâtis sur des « valeurs nationales» et des « authenticités » qui n’ont pour objectifs que d’étouffer et de fondre dans un moule unique leurs citoyens, alors qu’elles produisent exactement l’effet opposé en renforçant plutôt qu’en laminant les cultures visées, comme il est communément admis. Puisse la leçon soudanaise les humilier suffisamment pour qu’ils fassent amende honorable.