Par: Djahid Ghozali
Six ans après le début de l’opération Serval, puis Barkhane, la situation au Sahel devient de plus en plus explosive. L’armée française court-elle un risque d’enlisement dans ce conflit ou se mêlent considérations économiques, politiques et militaires? Recrudescence des attentats, contrebande, guerre en Libye, n’y a-t-il pas assez de mauvais augures menaçant la région du Sahel de transformation en un Mad max terroriste, version l’Africaine.
Alors qu’un jeune militaire français a perdu la vie par un engin explosif, dans un attentat revendiqué par Daech, 53 soldats et d’un civil dans une «attaque terroriste» contre un camp militaire à Indelimane, près de la frontière avec le Niger.Il s’agit d’une de ses plus grosses pertes depuis des années.
Pas plus tard que le 30 septembre et le premier octobre deux assauts djihadistes ont donné la mort à pas mois de 40 soldats malien à Boulkessy, localités situés dans le sud du pays, près du Burkina Faso.
«À la suite de l’attaque de la position des Fama (les forces armées maliennes) à Indelimane, les renforts dépêchés ont retrouvé 54 corps dont un civil», soit 53 soldats tués, a annoncé le ministre de la Communication, Yaya Sangaré, le 1er novembre au soir sur Twitter.
Sangaré a également signalé «dix rescapés et des dégâts matériels importants» à Indelimane, dans la localité d’Ansongo, dans le secteur de Ménaka (nord-est). L’attaque à Indelimane n’avait pas encore été revendiquée alors qu’aucune information n’a filtré sur les circonstances de ce nouveau revers militaire, plusieurs sources estiment que ce bilan officiel de 40 morts a été sous-évalué, indique l’AFP.
Cette recrudescence terroriste dont est victime le Mali, intervient alors que la région connaît une course frénétique de plusieurs armées dans la région notamment le Niger où se trouve un des plus grands gisements d’uranium au monde. Le Burina Fasso qui vit déjà une situation humanitaire des plus épouvantables n’est pas épargné.
En dix mois, l’ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project), une ONG de collecte et d’analyse de données sur les violences armées et politiques, a recensé pas moins de 313 attaques armées au Burkina Faso. C’est largement plus que les 190 enregistrées sur toute l’année 2018. Au cours de ces 313 offensives, au moins 88 éléments des forces de défense et de sécurité (soldats, gendarmes, policiers, forestiers, etc.) et 276 civils ont été tués.
Malgré le déploiement de ces dispositifs militaires importants, les activités terroristes se multiplient dans la bande sahélienne. Pis, autrefois épargnées, des régions situées en lisière de ce territoire long de plusieurs milliers de kilomètres ont été secouées par de nombreuses attaques terroristes au cours de ces dernières années. La résurgence des conflits dits «inter communautaires», notamment au Mali, est venue détériorer davantage un climat sécuritaire déjà délétère.
Selon le président de la commission de la Cédéao, Jean-Claude Brou, 2 200 attaques ont été recensées au cours de ces quatre années. Celles-ci ont fait 11 500 morts, déplacé des millions de personnes, dont des milliers de blessés, et mis à mal l’activité économique. Or toutes les prescriptions prodiguées par les grandes puissances n’ont abouti à rien. Pire le spectre de guerres dites «interethniques» tend la perche à plus aux forces qui ne cachent pas ses plans de remodelages de frontières actuelles des pays touchés.
L’assaut de l’Otan contre la Libye qui a conduit la chute de Kadhafi a également permis l’émergence des groupes terroristes sous différentes bannières. Certains groupes n’ont pas tardé à mettre le cap sur la capitale Bamako. Depuis, aucun pays de la région n’a été épargné par les hordes terroristes. S’il est difficile d’établir un chiffre exact sur le nombre total de personnes assassinées depuis 2012, on sait qu’au moins près de 200.000 personnes ont été obligées de se déplacer au Mali, selon l’ONU. Ce nombre est presque doublé au Niger où l’on compte 450.000 réfugiés et déplacés, d’après l’ONU.
Le Tchad, où les attaques djihadistes sont plus sporadiques, est fragilisé par ses frontières ouest, notamment la région bordant le lac Tchad où s’infiltrent des terroristes de Boko Haram depuis le Nigeria et le Cameroun voisins.
L’opération Serval a permis d’empêcher ces «djihadistes» de descendre vers Bamako et de prendre une capitale et leur aurait permis d’implanter un califat, type Daech au levant. En revanche, aujourd’hui, une forme plus diffuse de menace continue et permet de combattre les mouvements djihadistes ponctuellement, mais pas d’éteindre la menace totalement», explique à Sputnik Dominique Trinquand, général (2 S) et l’un des conseillers Défense de Macron pendant la campagne électorale.