Par Ahmed Zakaria
« A Bas Riad le voleur. A bas le règne du Dollar. »
La réponse des libanais à la feuille de route de sortie de crise proposée par Saad Hariri, le chef du gouvernement, un factotum des desiderata occidentales et pétro monarchiques, a été sans équivoque. Une foule d’une ampleur jamais vue a déferlé vers le siège de la Banque du Liban, le symbole de l’oligarchie bancaire libanaise. Une première qui pourrait constituer un tournant décisif dans le mouvement citoyen et l’avenir politique du pays.
C’est aussi une réponse aux tentatives visant à détourner la colère populaire d’un mouvement spontané qui a pris de court la caste politique. Toutes les tentatives visant à attiser les dissensions interconfessionnelles, –notamment le rôle pernicieux de Samir Geagea, l’ancien chef milice des Forces Libanaises ancien allié émérite d’Israël désormais servant docile de l’Arabie saoudite–, de s’attribuer les mérites du soulèvement ou de dresser la société civile contre son armée, ont été jusque-là vaines
Vaines et piètres tentatives, face à une jeunesse qui n’accepte aucune entourloupe politique, réitérant avec force son exigence première: Le départ de ces compradors politico-financiers.
Devant le temple de la corruption, le siège de la Banque du Liban, les manifestants sont allés droit au but en brandissant les banderoles houspillant Riad Salamé, gouverneur de la Banque du Liban. «Riad, le voleur». A bas le règne de la Banque centrale libanaise et le Liban renaîtra ».
Riad Salamé, ancien gestionnaire du portefeuille du milliardaire Rafic Hariri, est le protecteur de l’oligarchie bancaire libanaise.
Nourrissant le vœu secret d’accéder à la présidence de la République libanaise, il a cherché à donner des gages à l’administration xénophobe et populiste de Donald Trump en se missionnant comme un exécutant zélé des sanctions américaines contre le Hezbollah et ses sympathisants.
Cette marche vers la banque du Liban a fait trembler l’oligarchie qui a toujours joué sur la corde des conflits confessionnels et la protection des anciennes puissances coloniales pour pérenniser leur pouvoir. Une situation qui rapproche de jour en jour les libanais du gouffre de la faillite.
[blockquote align= »left » author= » »]A l’instar des Algériens, les Libanais demandent le départ de tous les symboles népotiques de la corruption.[/blockquote]
Opération de diversion, Najib Mikati, important dirigeant sunnite de Tripoli (Nord Liban), un ancien premier ministre, et, dernier et le moindre, un milliardaire prospère, rival du milliardaire en faillite Saad Hariri, a été jeté en pâture à l’opinion.
Une action judiciaire a été enclenchée contre lui, impliqué ainsi que son frère Taha et ses enfants dans plusieurs affaires de corruption et de trafic d’’influence.
Plusieurs lignes de crédits lui ont été octroyées par le patron de Banque du Liban, la semaine précédant sa nomination à la tête de l’exécutif, en 2011. La famille Mikati qui détient un réseau d’entreprises dont une compagnie de téléphonie mobile, aurait amassé a elle seule, des milliards de dollars. Rien que la superficie des biens immobiliers connus de la famille Mikati est estimée à 2 millions de mètres carrés.
D’autres ministres et dirigeants politiques sont sur la sellette. La tension demeure vivace au Liban. Les Libanais sont conscients que les oligarques soutenus par les puissances régionales et internationales ne lâcheront pas prise sans faire des dommages.
Le hic est que les médias locaux comme les médias des pays traditionnellement «amis du Liban et des droits de l’homme» abordent timidement les affaire liées au maillage du système corrompu qui maintient le pays sous tutelle étrangère.
La loi de l’omerta s’explique par le fait que la quasi-totalité des chaines et des journaux libanais ont bénéficié de près de 38 millions de dollars à taux d’intérêt zéro. Des sommes replacées dans d’autres banques avec des dividendes avoisinant les 10%. Riad Salameh tient le robinet où la pieuvre vient s’abreuver.
[blockquote align= »right » author= »Michel Aoun Président du Liban »] »Votre cri ne sera pas perdu en vain, tous les corrompus passeront devant la justice. »[/blockquote]
Dans un discours le Président Michel Aoun a estimé que le document de réforme présenté par le Premier ministre Saad Hariri, « constituait la première étape d’une réforme visant à sauver le Liban du spectre de l’effondrement économique qui ne passe par les institutions de l’Etat»
Il s’est engagé à ce titre, à protéger le pouvoir judiciaire. « Notre grande ambition est de nous débarrasser de la mentalité sectaire dans le pays et d’amener les personnes compétentes à la place qu’elles méritent », a-t-il déclaré.
Aoun a annoncé des mesures concrètes, notamment celle de la restitution des fonds détournés par l’oligarchie. Il s’agit d’un projet de loi qu’il avait déjà proposé en 2013, mais qu’il n’avait pas trouvé preneur. «La chose importante est que tout voleur ne doit pas être défendu aveuglément par sa communauté. Le voleur n’a pas de confession», a-t-il souligné ajoutant « qu’on même temps, la restitution des fonds pillés est nécessaire et ne passe que par la justice »
Ce projet de loi concerne notamment, la levée de l’immunité parlementaires des actuels et anciens députés et ministres, les fonctionnaires de catégories A et la création d’un tribunal spécialisé dans le traitement des affaires liées à la corruption et la dilapidation des deniers publics. «Je suis prêt à recevoir des représentants des manifestants pour discuter » a-t-il assuré.