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Marché agroalimentaire algérien: Les Russes taclent les Français

Par Ahmed Zakaria

La bataille entre la France et la Russie pour le marché agricole algérien est résolument ouverte. Après les produits céréaliers, la Fédération de Russie compte en accord avec l’Algérie exporter ses produits laitiers, la viande bovine et ses sous-produits.

Jusque là le marché algérien était dominé par des réseaux franco-algériens avec des échanges à sens unique. Les algériens sauront-ils tirer profil de cette bataille pour la conquête de leur marché.

Selon le communiqué de la direction de surveillance du ministère russe d’agriculture, Alger et Moscou ont récemment adopté les textes de certificats permettant aux entreprises russes d’exporter les produits laitiers, la viande bovine et ses sous-produits vers l’Algérie, a rapporté le site d’information Sputnik. La signature des textes de ces certificats a eu lieu en marge de la 87e session générale de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

Les mêmes sources ont ajouté que «les livraisons de ces produits à l’Algérie pourront commencer immédiatement après la réception et la publication des certificats vétérinaires par Rosselkhoznadzor sur son site officiel, signés par la partie algérienne». «Seules les entreprises russes contrôlées par Rosselkhoznadzor et répondant aux exigences de qualité de l’Algérie seront autorisées à exporter», a précisé le communiqué.

Dans une déclaration à l’Algérie Presse Service (APS), Kadour Hachemi Karim, le directeur de la DSV a indiqué que durant les quatre premiers mois de l’année 2019, l’Algérie avait importé 28.000 tonnes de viande rouge, soit près de 70.000 têtes bovines. «Ce volume vient compléter la production nationale de têtes ovines et bovines abattues à l’intérieur du pays et vendues au niveau des marchés pour répondre aux besoins des citoyens».

Pour rappel, l’Algérie est notamment le premier client de la France pour la poudre de lait écrémé. En 2018, l’Algérie a importé 34 068 tonnes, soit près du quart des envois français vers les pays tiers et 15 % de ses exportations totales. Les achats ont reculé de 22 % par rapport à 2017, selon les données des Douanes rapportées par FranceAgriMer. En janvier, l’Algérie n’a acheté que 3 269 tonnes de poudre de lait écrémé, soit 19 % de moins qu’un an plus tôt. Cette diminution est expliquée par l’augmentation de la production nationale et la politique de diversification des sources d’importation de produits alimentaires stratégiques.

L’Algérie était aussi le premier client de la France pour le lait entier l’an dernier. Avec 9 179 tonnes, elle a acheté 30 % des exports pays tiers de la France (22 % du total).

En Algérie, le taux d’autosuffisance en viande bovine est de 55 % contre seulement 45 % pour le lait, dont le développement de la production est une priorité pour les années à venir. La viande bovine et les animaux vivants ne représentent que 4 % des importations de produits agricoles et agroalimentaires opérées par l’Algérie. Mais elles sont appelées à croître fortement en raison de l’appétit croissant des consommateurs et de la pression démographique.

A ce jour,  l’Algérie importe  environ 50.000 têtes d’animaux vivants, de France et d’Espagne essentiellement.

L’ours russe bouscule les Français

Avec les changements qui s’opèrent en Algérie et la volonté de réduire la dépendance et le monopole dans le secteur économique, le premier fournisseur en produit agro-alimentaire qu’est la France retient son souffle. Depuis quelques temps, l’Algérie et la Russie n’ont cessé d’évoquer la nécessité d’augmenter le volume d’échanges commerciaux hors secteur de l’armement.

Immédiatement, la Russie a manifesté son intérêt de fournir du blé.  Cette nouvelle est venue exacerber, encore une fois, les inquiétudes des agriculteurs français, déjà frappés par des pertes liées à l’alignement des dirigeants de leur pays à la politique frénétique des sanctions américaines contre la Russie. La France qui fournissait 55 % des besoins de l’Algérie en blé se retrouve face à l’ours russe qui a mis pied sur la rive sud de la Méditerranée.

La France a exporté 4,6 millions de tonnes de blé tendre. Ce taux est en hausse de 34% par rapport aux quantités importées durant la saison 2017/2018. Par ailleurs, les fournisseurs français voyaient avec crainte l’arrivée du blé russe sur le marché algérien.

A vrai dire, les agriculteurs français voyaient venir les Russes depuis longtemps, mais les politiques, les milieux d’affaires et de distribution traditionnels auraient préféré le statut quo. Les Russes semblent résolus à ne plus limiter leurs exportations vers l’Algérie, avec qui ils sont liés par des accords stratégiques.

55% des approvisionnements de l’Algérie en blé pour la saison 2018/2019 sont fournis par les céréaliers français. Ces quantités de blé constituent le triple de ce que l’Algérie a importé de l’Hexagone durant la saison 2016/2017.

Toutefois, l’arrivée pour des analyses d’un lot test de 21 tonnes de blé russe en Algérie inquiète sérieusement les Français. D’autant plus que les Russes, résolument décidés à prendre une part du marché, proposent des prix concurrentiels et des produits moins traités par les pesticides.  L’Algérie a réalisé une récolte record de 3,9 millions de tonnes (Mt) sur la campagne 2018/2019, soit une hausse de 61%.  La Russie pourrait être le trouble-fête des Français sur le marché algérien. Non seulement les Russes veulent exporter du blé, mais ils négocient un model de coopération pour l’amélioration de la production algérienne. Les Algériens aspirent en effet à l’autosuffisance en produits alimentaires stratégiques.

À ceci s’ajoute la part que pourrait s’accaparer l’Argentine durant la prochaine saison, bien que sa présence actuelle sur le marché algérien ne soit pas concurrentielle.

Il faut rappeler que le Président français a tenté de convaincre le gouvernement algérien sous Bouteflika, de maintenir le rang privilégié de son pays dans le secteur en dépêchant une délégation importante. Depuis le départ de Bouteflika et l’incarcération de son frère et des oligarques qui tenaient le monopole, les choses ont changé, et les interlocuteurs également. Paris craint de perdre son «bastion» en cas de changement de régime, et adopte visiblement l’attitude du « wait and see ».

 

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