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L’Occident face à l’extrémisme religieux : conte d’une folie ordinaire

Par : René Naba

Texte de l’intervention de l’auteur au Colloque de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme sur le thème :« Le radicalisme religieux au Moyen Orient : Le Droit à la connaissance et la liberté de croyance »

Prologue : De la religion au Moyen orient

[blockquote align= »none » author= » »]La politique est la résultante de l’interaction des faits et des hommes ; des faits objectifs et des hommes, conditionnés par leur environnement.[/blockquote]

La religion est un fait prégnant de la zone du Moyen Orient, berceau des trois monothéismes, un cas unique dans le monde en ce que les trois grandes religions monothéistes ressortissent des religions d’Asie.

Espace de communion et d’exclusion, la religion est un espace concurrentiel (1). L’instrumentalisation de la religion à des fins politiques est une constante de l’histoire. Toutes les religions y ont eu recours, dans toutes leurs déclinaisons, que cela soit la guerre de conquête de la chrétienté en Amérique latine ou les Croisades vers le Monde arabe, ou bien à l’inverse, la conquête arabe vers l’Asie, vers la rive méridionale de la Méditerranée ou l’Afrique.

 

Guerre de religion au sein de l’espace occidental de la chrétienté (entre Protestants et Catholiques en France ou en Irlande du Nord), ou guerre de religion au sein de l’espace musulman (entre Sunnites et Chiites), ou enfin le sionisme, la forme la plus moderne de l’instrumentalisation de la Bible à des fins politiques par la mise en œuvre de la notion du retour à Sion, sur les débris de la Palestine.

La religion n’est pas condamnable en soi. Ses dérives si en ce que la piété n’exclut ni l’intelligence, ni le libre arbitre. Elle n’interdit pas l’esprit critique. Elle ne saurait, en tout état de cause, se dévoyer dans des causes desservant l’intérêt national. Mais nul part ailleurs qu’au sein du leadership sunnite arabe, l’instrumentalisation de la religion n’a autant dévié de son objectif, desservant la cause arabe, au bénéfice de ses commanditaires, les États-Unis, le meilleur allié de leur principal ennemi, Israël.

L’Islam, une religion de dimension planétaire, le Monde musulman, un déploiement de portée stratégique

L’Islam se présente comme une communauté humaine cimentée par une langue commune de prière (l’arabe), une continuité territoriale rarissime à l’articulation des grandes voies de navigation transocéanique à proximité des grands gisements énergétiques de la planète.

Avec près de 1,5 milliards de croyants, l’Islam est une religion de dimension planétaire, dont le déploiement est de portée stratégique. S’étendant sur cinq continents, groupant 55 pays membres de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), le Monde musulman se situe à l’intersection du Monde européen et du Monde indien. Renfermant les 2/3 des ressources énergétiques, il contrôle quatre des principales voies de navigations transocéaniques (Détroit de Gibraltar, Canal de Suez, Détroit d’Ormuz), avec en prime le Détroit des Dardanelles.

La créance du Monde musulman à l’égard de l’Occident

Partenaire majeur de l’Alliance atlantique durant la guerre froide soviéto-américaine, le Monde musulman dispose d’une dette d’honneur à l’égard de l’Occident, avec la Turquie en sentinelle avancée de l’Otan sur le flanc sud de l’URSS, amplifiée par la participation de 50.000 arabo-afghans à la guerre contre l’armée rouge en Afghanistan, avec en surplus la participation de près de 2 millions d’arabo africains aux deux guerres mondiales contre l’Allemagne.

Mais, paradoxalement, en dépit de cette contribution, unique dans l’histoire, l’Islam et les Musulmans constituent une thématique majeure de la polémologie contemporaine, désormais promus au rôle d’épouvantail dans la production intellectuelle occidentale, alors que les pays musulmans sont les grands perdants de la coopération islamo-occidentale.

La Turquie ne dispose même pas d’un strapontin au sein de l’Union Européenne et pas une parcelle de la Palestine n’a été restituée aux Palestiniens, alors que parallèlement, l’opération française Serval au Mali, en janvier 2013, pour neutraliser le groupement Ansar Eddine du Qatar, de même que l’opération Sangaris en RCA, ont affranchi la France de sa dette à l’égard des troupes d’outremer. En surplomb, les suppliques du Mufti de l’Otan Youssef Qaradawi, pour bombarder des pays arabes (Libye, Syrie), ont libéré les anciennes puissances coloniales occidentales de leur dette à l’égard des Arabes et des Musulmans.

L’Occident, artisan de l’instrumentalisation de la religion comme arme politique : Les précédents du Pakistan et d’Israël

1948 constitue à cet égard une date charnière avec le démembrement de l’Inde et la création du Pakistan, selon un critère religieux, corrélativement à la création d’Israël, selon le même critère religieux.

Pour le sionisme la colonisation de la Palestine a théorisé, par ricochet, une idéologie de la discrimination, justifiant a posteriori l’antisémitisme en ce qu’elle établit dans les faits une ségrégation entre Juifs et non Juifs.

  • Le Pakistan : dividende des États Unis à l’Arabie saoudite pour sa conclusion du Pacte de Quincy (1945) fondant le partenariat stratégique entre la grande démocratie américaine et le régime le plus obscurantisme de la planète.

 

  • Israël : Le solde de tout compte de l’Occident du génocide hitlérien, par la sous traitance aux pays arabes de l’antisémitisme récurrent de la société occidentale. Une compensation sur bien d’autrui, génératrice d’une perversion triangulaire dont les effets se font sentir encore de nous jours.

67 ans après sa création, l’état hébreu se réduit à cette équation : un ghetto dans son environnement régional, l’Apartheid à l’égard des ses propres spoliés palestiniens, dans la pure tradition coloniale (2).

Pakistan et Israël ont signé l’entrée en force du religieux dans le politique, particulièrement dans le champ islamique dont son instrumentalisation la plus achevée connaîtra sa concrétisation, 32 ans plus tard, d’abord avec la guerre anti soviétique d’Afghanistan. Elle prendra ensuite la forme de parrainage d’oppositions off-shore par le Qatar, la Turquie et l’Arabie saoudite en Libye et en Syrie, en 2011, prélude à la mise sur pied d’une alliance régionale et internationale « Des amis de la Syrie ». Pour déboucher, enfin, une nouvelle alliance internationale et régionale « Contre le terrorisme » avec les dérives sanguinaires de Jabhat an Nosra et Da’ech, sous-tendant une guerre frontale contre les déclinaisons du concept de nation, nationalité, con-citoyenneté et nationalisme arabe revendicateur et contestataire de l’hégémonie israélo-américaine ; une guerre contre les armées nationales arabes, concédant à l’hégémonie israélo-américaine sur la zone ce que ce duo n’a pu assurer ni par la paix ni par la guerre.

Les prédicateurs électroniques

Au plus fort de la rivalité soviéto-américaine, les Américains ont déployé une vingtaine de grandes corporations radiophoniques religieuses disposant de moyens financiers et techniques sans équivalent dans les deux tiers des pays de la planète (TRANS WORLD RADIO (TWR), suivie d’ADVENTISTE WORLD RADIO (AWR), FEBA Radio, IBRA Radio, WYFR-Family Radio, Monitor Radio et Nexus IBD) en vue de prêcher la bonne parole atlantiste.

Ces prédicateurs électroniques ont nourri une prédilection particulière pour les foyers de tension (Sud du Liban, Sud du Soudan) et les minorités ethnico-religieuses des pays fragilisés par les dissensions intestines (Arméniens, Kurdes, Berbères) et, depuis l’invasion de l’Irak, en 2003, pour le nord kurdophone irakien.

IBRA Radio (International Broadcasting Radio) a animé au Moyen-Orient vers le Sud du Liban et la zone frontalière libano-israélienne une antenne locale onde courte pour les émissions de la station HIGH ADVENTURE.

Le Sud du Soudan, peuplé de chrétiens et d’animistes en rébellion contre le gouvernement islamique de Khartoum, a été alimenté par les programmes de « RADIO ELWA », dirigée depuis MONROVIA (Liberia) par des missionnaires anglo-saxons.

Toutefois par son ampleur et ses capacités, Trans World radio (TWR) constitue la première radio planétaire trans frontière de surcroît religieuse. En comparaison, The Friend of Israël Gospel Ministry, Église baptiste des États-Unis, diffuse des émissions en faveur d’Israël sur 700 stations américaines et publie la revue Israël My Glory dans 151 pays, collectant, rien qu’en 2005, des dons d’un montant de 8,5 millions de dollars en faveur de l’État hébreu.

L’islam contre le nationalisme arabe : L’incendie de La Mosquée Al Aqsa, acte de naissance de l’islamisme politique

L’incendie de la Mosquée Al Aqsa, troisième Haut Lieu Saint de l’Islam, le 21 Août 1969, apparaît rétrospectivement comme l’acte de naissance de l’islamisme politique, une date fondatrice de l’histoire de la sphère arabo-musulmane, devenu au fil des jours un des défis majeurs de l’histoire contemporaine.

Au départ, cela devait être l’arme absolue, à double détente, à l’effet, d’une part, de marginaliser, puis de neutraliser le nationalisme arabe ainsi que son chef charismatique, Gamal Abdel Nasser, déstabilisé par la défaite de 1967, servir, d’autre part, de levier au combat anti-communiste, sous couvert de la lutte contre l’athéisme, au plus fort de la guerre froide soviéto-américaine.

Mais 45 ans après sa mise en œuvre à l’occasion de l’incendie d’Al-Aqsa, dont la commémoration est célébrée dans une indifférence quasi-générale qui frise l’oubli, l’islamisme politique, c’est à dire l’instrumentalisation de la religion musulmane en tant qu’arme de guerre contre les ennemis de l’Amérique et des pétromonarchies du Golfe, paraît, à en juger par son bilan, s’être retourné contre ses promoteurs, tel un magistral effet de boomerang. Le Forum islamique de Rabat qui avait regroupé alors 35 pays devenus depuis 55, débouche sur une mutation sémantique qui masque un réel bouleversement géostratégique.
Le mot d’ordre d’unité arabe, moteur de la revendication nationaliste pendant un quart de siècle, cède le pas à la solidarité islamique et, au niveau politique, Nasser, qui succombera un an plus tard de crise cardiaque, cède la prééminence au gardien des Lieux Saints de l’Islam, le Roi Faysal d’Arabie saoudite.

Sous couvert de solidarité islamique, un basculement s’opère. Le centre de gravité du Monde arabe se déplace vers le Golfe, des Républiques pro-soviétiques vers les pétromonarchies pro-américaines, des zones de pénurie contestataires de la Méditerranée vers les zones de prospérité léthargique du Golfe désertique, accentuant les clivages et la rivalité entre les deux versants du monde arabe désormais dilué dans un ensemble plus vaste solidement encadré, face à Israël, par l’Islam asiatique, supérieur numériquement aux musulmans arabes et constitué des puissances militaires régionales musulmanes non arabes (Pakistan, Turquie, Iran). La nomination d’un asiatique, le Tunku Abdul Rahman, ancien premier ministre de Malaisie, au poste de premier secrétaire général de la Conférence Islamique entérine cette évolution.

L’Europe, base arrière des djihadistes arabo afghans

Dans les pays occidentaux, le bloc atlantiste a instrumentalisé l’Islam comme frein à l’adhésion des jeunes générations issues de l’immigration aux structures contestataires de l’ordre capitaliste (partis communistes, syndicats) partant du faux principe autocratique que l’Islam remplit une fonction d’obéissance collective au Prince qu’il soit juste ou injuste, oubliant surtout que le donneur d’ordre des prédicateurs de l’Islam européen était formaté dans le moule wahhabite.

De surcroît, l’Islam, pour leur clientèle pétro-monarchique et les autocraties pro occidentales, faisait office de repoussoir au modèle démocratique en même temps qu’un pourvoyeur d’une rente sécuritaire.

Sous l’aile protectrice américaine, avec le consentement des pays européens, l’Arabie saoudite a ainsi déployé la plus grande ONG caritative du monde à des fins prosélytes à la conquête de nouvelles terres de mission, dans la décennie 1970-1980, particulièrement l’Europe, à la faveur du boom pétrolier et de la guerre d’Afghanistan.

Pour une poignée de dollars, l’Europe deviendra la principale plate-forme de l’Empire médiatique saoudien, le principal refuge des dirigeants islamistes, réussissant même le tour de force d’abriter davantage de dirigeants islamistes que l’ensemble des pays arabes réunis.

A – L’EUROPE, REFUGE D’AYMAN AL ZAWAHIRI, L’ACTUEL NUMÉRO 1 D’AL QAIDA

Soixante dirigeants islamistes résidaient en Europe occidentale depuis la guerre anti soviétique d’Afghanistan, dans la décennie 1980, où les djihadistes étaient gratifiés du titre de « combattants de la liberté » par le fourbe du Panshir, Bernard Henry Lévy, l’interlocuteur virtuel du Lion du Panshir, le commandant Massoud Shah.

Quinze d’entre eux disposaient du statut de « réfugié politique », dans la plupart des pays européens, Royaume Uni, Allemagne, Suisse, Norvège, Danemark.

B – LONDRES, CAPITALE MONDIALE DE L’ISLAM CONTESTATAIRE ET PLATE-FORME DU DÉPLOIEMENT MÉDIATIQUE INTERNATIONAL SAOUDIEN

Londres comptait parmi ses hôtes les principaux opposants islamistes tels que :

  1. le tunisien Rached Ghannouchi (An Nahda)
  2. L’algérien Kamar Eddine Katbane (vice-président du comité du FIS algérien (Front Islamique du Salut)
  3. Le soudanais Moubarak Fadel Al-Mahdi
  4. Le pakistanais Attaf Hussein (chef du parti d’opposition Muhajir Qawmi Movement (MQM)
  5. L’égyptien Adel Abdel Majid
  6. Ibrahim Mansour, adjoint au guide suprême des Frères Musulmans
  7. Ali Sadreddine Bayanouni, contrôleur général des Frères musulmans de Syrie
  8. Azzam At Tamimi, membre du commandement de l’ombre du Hamas, la branche palestinienne de la confrérie
  9. Abou Moussa’b as Soury (Moustapahe Abdel kader Stt Mzriam), théoricien des « loups solitaires »
  10. Abou Hamza Al Masri (Moustapha Kamal Moustapha)
  11. Abou Qtada Al falastini (Omar Mohamad Osmane)
  12. Abou Farès, nom de guerre de l’algérien Farouk Daniche

ainsi que brièvement le plus illustre d’entre eux Oussama ben Laden, le fondateur d’Al Qaida.

Londres abritait en outre la rédaction de la revue « Al Ansar », périodique djihadiste salafiste, édité dans la capitale britannique avec une domiciliation en Suède chez Abdel Karim Danich, bénéficiant du titre de réfugié politique.

Elle était en outre la plate-forme stratégique du déploiement médiatique international du Royaume Wahhabite qui y avait entreposé l’essentiel de sa force de frappe : Une chaîne transfrontalière MBC (Middle East Broadcasting Center), deux radios à diffusion transcontinentale MBC FM et la radio communautaire britannique SPECTRUM, ainsi que cinq publications dont deux fleurons de la presse arabe « Al Hayat » et « Al Charq Al Awsat ».

Pour aller plus loin sur ce sujet CF à ce propos,

Syrie-Opposition : La fabrication de la violence et du sectarisme dans les médias

C- LA VENTILATION DES AUTRES RÉFUGIÉS POLITIQUES CÉLÈBRES

L’Allemagne a figuré en deuxième position, avec deux exilés de marque : Issam Al Attar, chef des Frères Musulmans de Syrie, et Saïd Ramadan, gendre d’Hassan Al Banna, le fondateur de la confrérie. Exilé à Aix la Chapelle, Issam Al Attar, un homme d’une grande culture religieuse, exerçait son magistère européen depuis la « Maison de l’islam » de Francfort, en liaison avec le Centre Islamique de Genève.

Représentante de la grande bourgeoise syrienne au sein du pouvoir baasiste, sa propre sœur, Najah Al Attar, a occupé pendant 32 ans le poste de ministre de la culture, avant d’être promue vice-présidente de la République syrienne à l’occasion de la dernière élection présidentielle, en juin 2014.

Quant à Saïd Ramadan, en précurseur, il avait fondé, en 1961, avec le soutien du futur Roi Faysal d’Arabie, le « Centre Islamique de Genève » et pris la tête d’un organisme islamique de Munich : Le « Islmische Gemeinschaft in Deutscland » chargé de recycler les transfuges musulmans de l’Armée rouge. Sous sa férule, ses partisans ont joué un rôle important dans la fondation en 1962 de la Ligue Islamique Mondiale, la structure parallèle à fondement religieux mise sur pied par l’Arabie saoudite pour contrecarrer l’influence de la diplomatie nassérienne, de même que l’influence du magistère d’Al Alzhar», la plus prestigieuse université islamique au Monde.

À lire la liste des hôtes de marque de l’Europe, la « guerre contre le terrorisme » paraît risible ; indice de la duplicité de la diplomatie occidentale tant vis-à-vis de l’opinion occidentale que vis à-vis du Monde arabe. Parmi les célèbres réfugiés politiques figuraient :

  1. Aymane Al-Zawahiri, le successeur d’Oussama Ben Laden à la tête d’Al Qaida. A l’époque, il exerçait les fonctions de « Commandeur des groupements islamistes en Europe » et résidait en Suisse.
  2. Talaat Fouad Kassem, porte-parole de mouvements islamistes en Europe, bénéficiaire de l’asile politique au Danemark. Condamné à 7 ans de prison au moment de l’assassinat de Sadate, il a été le premier à rejoindre les rangs des combattants islamistes afghans où il s’est distingué au sein des escadrons de la mort dans des opérations de guérilla anti-soviétique.
  3. Mohamad Chawki Al-Islambouli, frère du meurtrier de Sadate, Khaled Al-Islambouli. Innocenté lors du procès de l’assassinat de l’ancien chef de l’État égyptien, il a rallié les rangs des combattants anti-israéliens au sud-Liban avant de se rendre à Peshawar. Résidant à Kaboul, Chawi Al-Islambouli a été condamné par contumace dans le procès des « égypto-afghans ».

Le djihadisme planétaire : Al Qaida / Da’ech

Chess Freeman, ambassadeur des États-Unis en Arabie saoudite, dans la décennie 1980, l’admettra sans ambages : il

importait de détourner la jeunesse saoudienne du combat pour la libération de la Palestine et le déporter vers l’Afghanistan, à 5.000 km du champ de bataille, sous couvert de guerre contre l’athéisme marxiste.

Le Djihad a pris une dimension planétaire conforme à la dimension d‘une économie mondialisée par substitution des pétromonarchies aux caïds de la drogue dans le financement de la contre révolution mondiale. Dans la décennie 1990-2000, comme dans la décennie 2010 pour contrer le printemps arabe.

Si la Guerre du Vietnam (1955-1975), la contre-révolution en Amérique latine, notamment la répression anti castriste, de même que la guerre anti soviétique d’Afghanistan (1980-1989) ont pu être largement financées par le trafic de drogue, l’irruption des islamistes sur la scène politique algérienne signera la première concrétisation du financement pétro monarchique de la contestation populaire de grande ampleur dans les pays arabes.

Symbole de la coopération saoudo américaine dans la sphère arabo musulmane à l’apogée de la guerre froide soviéto-américaine, le mouvement d’Oussama Ben Laden avait vocation à une dimension planétaire, à l’échelle de l’Islam, à la mesure des capacités financières du Royaume d’Arabie. Avec pour conséquence, le dévoiement de la cause arabe, particulièrement la question palestinienne, vers des combats périphériques (guerre d’Afghanistan, guerre des contras du Nicaragua contre les sandinistes), à des milliers de km de la Palestine.

Dommage collatéral de ce rapports de puissance, l’Algérie en paiera le prix en ce que ce pays révolutionnaire, allié de l’Iran et de la Syrie, le noyau central du front de refus arabe, évoluait en électron libre de la diplomatie arabe du fait de la neutralisation de l’Égypte par son traité de paix avec Israël et la fixation de la Syrie dans la guerre du Liban.

Oussama Ben Laden, le fondateur d’Al Qaida, la matrice des groupements djihadistes takfiristes, était au départ un officier sous-traitant de Turki Ben Faysal, à l’époque chef des services de renseignements saoudiens, sous la tutelle des Américains, en tandem avec Hamid Gul, le chef des services de renseignements pakistanais.

Da’ech, le fruit de la copulation ancillaire des officiers irakiens bassistes éradiqué par l’administration occupante américaine de l’Irak et des arabes afghans repliés vers l’Irak. Une alliance scellée sous l’égide de Bandar Ben Sultan, l’enfant chéri de l’administration américaine et beau-frère de Turki Ben Faysal dont il épousa la sœur.

De l’analyse de ces deux excroissances, il en découle que le clan Sideriy en Arabie saoudite, l’allié privilégié des États Unis, particulièrement la descendance Faysal, porte ainsi une lourde responsabilité dans la prolifération du djihadisme erratique.

Pour le clan Sideiry, un tel phénomène présentait un double avantage en ce qu’il constituait une manifestation de la pureté doctrinale du wahhabisme, en même temps qu’il représentait l’unique force en mesure de faire front, avec efficacité, aux ennemis du royaume.

En dépit des bienfaits de ce phénomène, la dynastie saoudienne a constamment redouté, toutefois, que le djihadisme ne s’importe à l’intérieur du Royaume. Une perspective vécue comme une crainte muette ; un cauchemar par la dynastie wahhabite qui explique leur volonté d’enterrer le « printemps arabe » de Damas, en exportant l’emballement de la jeunesse saoudienne vers la Syrie, l’Irak et le Yémen.

La séquence Bandar-Salmane Ben Sultan, durant laquelle les deux frères avaient en charge le dossier syrien révèle clairement l’entente entre l’Arabie saoudite et le Qatar visant à soutenir les groupements djihadistes tant pour combattre le « régime nousseyriste de Damas » que « le régime renégat d’Irak », mettant à la disposition des groupements de grandes facilités militaires et financières.

Le PC conjoint aménagé à Attahi, en Turquie, comprenait certes des officiers turcs et occidentaux mais aussi des officiers des pétromonarchies. Sous sa supervision, le meilleur armement était acheminé vers les groupements islamistes et non à l’« Armée Syrienne Libre-ASL ». Nul ne peut désormais contester l’implication des services de renseignements de Turquie, du Qatar et d’Arabie saoudite dans le financement des groupements islamiques

Le discours disjonctif occidental

L’Occident a exercé un Droit de préemption sur la chrétienté particulièrement la religion catholique, quand bien même le christianisme est natif d’Orient. Au point de s’identifier résolument à lui sous le terme générique d’« Occident Chrétien ».

Alors que près de 25 millions d’arabes chrétiens sont dénombrés, tant dans le Monde arabe qu’au sein de la diaspora, il est difficile pour un arabe de s’affirmer chrétien, de surcroît patriote, autrement que dans le sillage occidental. Sous peine de criminalisation.

Georges Ibrahim Abdallah, en prison au-delà du délai carcéral réglementaire, Mgr Hilarion Capucci, Archevêque Grec-Catholique de Jérusalem, incarcéré par les autorités israéliennes pour son soutien à la cause palestinienne, en ont payé le prix.

De même, le Général Michel Aoun, Chef du Courant Patriotique Libanais, la principale formation chrétienne libanaise et partenaire du Hezbollah, artisan de l’indépendance du Liban moderne, est voué aux gémonies quand son rival, Samir Geagea, l’un des plus grands criminels de la guerre du Liban, mais allié d’Israël, est porté aux nues.

Il en est de même de l’alliance contre-nature scellée entre les « grandes démocraties occidentales » avec les pétromonarchies les plus obscurantistes de la planète au nom de la « Carbon Democracy », c’est à dire la sécurisation du ravitaillement énergétique pour les sociétés industrialisées, en les préférant à d’authentiques patriotes de Mohamad Mossadegh Iran 1953), à Gamal Abdel Nasser (Égypte 1956).

Récidiviste, la coalition islamo-atlantiste en fera l’amère expérience en promouvant ses supplétifs comme chef de file de l’opposition off-shore, au détriment d’authentiques patriotes, tant en Libye qu’en Syrie expliquant ses déboires dans ces deux pays.

Un discours disjonctif est un discours frappé du sceau de la duplicité en ce qu’il prône la promotion des valeurs universelles pour la protection d’intérêts matériels ; un discours en apparence universel mais à tonalité morale variable, adaptable en fonction des intérêts particuliers des États et des dirigeants.

Ainsi Laurent Fabius donnera quitus à Jabhat An Nosra estimant que cette filiale d’Al Qaida, « fait du bon boulot en Syrie », alors qu’elle est commanditaire de la tuerie de Charlie Hebdo, en janvier 2015 et l’artisan de l’enlèvement de quatre journalistes français en Syrie.

Nonobstant ce fait, la France prêtera main forte aux pétromonarchies dans leur guerre contre le Yémen, favorisant, par contrecoup, la mainmise d’Al Qaida sur le Hadramaout, qui contrôle le Détroit de Bab el Mandeb, depuis le sud Yémen, alors que son propre premier ministre Manuel Valls, évoque une « guerre de civilisations ». Ah les tortuosités de la rationalité cartésienne.

La politique occidentale en direction du Moyen orient a généré une virulente islamophobie doublée d’une arabophobie provoquant un épouvantable et dramatique chassé-croisé : 10 000 djihadistes d’Europe ont rallié les groupements djihadistes pour des combats en Syrie et en Irak, alors que, parallèlement plus d’un million de Syriens et d’Irakiens ont cherché à gagner l’Europe pour y trouver refuge.

L’histoire retiendra que les « grandes démocraties occidentales », par leur alliance avec les forces les plus obscurantistes de la planète, par l’instrumentalisation de l’Islam à des fins politiques, auront nourri la forme la plus pernicieuse de la « dialectique du maître et de l’esclave » en ce que les maîtres occidentaux sont devenus les mercenaires de leurs propres esclaves.
Ah les surprises de la « Carbon Democracy ».

Pour leur malheur et la douleur de leurs peuples. Pour le malheur des peuples arabes et de l’ensemble de l’humanité. Une histoire de fou.

RÉFÉRENCES

1- Espace de communion et d’exclusion : Le juif se revendique comme « le peuple élu », le musulman se vit comme appartenant à « khairou oummaten ounjibat lil nass – la meilleure nation offerte au Monde » et le catholique appartient à « l’église apostolique universelle ». Le juif se retrouve à la Knesseth, l’assemblée des clercs, le musulman dans « Al Jameh » (le rassembleur)» et le catholique dans l’Église- Eklesia assemblée des fidèles. Ceux se trouvant au sein de l’enceinte sont dans un état de communion, à l’extérieur soit des infidèles ou des renégats et en état d’ex-communion.

2- Pour aller plus loin : « Il est temps de l’admettre. La politique intérieure d’Israël est l’apartheid ». Par par Bradley Burton, paru dans Haaretz, le 18 août 2015.
http://www.ujfp.org/spip.php?article4351

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