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L’Europe : « nous avons perdu à jamais la Russie »

Les chercheurs ont toujours appuyé l’identité comme la composante essentielle des déterminants de la politique étrangère russe, en particulier la vision de la relation avec l’Europe principalement, car elle constituait un facteur de division entre les Russes sur la formation de leur identité, la définition de leurs priorités et leur représentation du monde.

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Beirut, Par Dr Leila Nicolas | Traduit par Ahmed Zakaria


De nombreux historiens soulignent également, que Catherine la Grande, inspirée par ses amitiés avec des personnalités françaises des Lumières, a cautionné les élections au Comité législatif en 1767.

S’ajoute à ces dates l’année de 1815 où la Russie avait activement participé au système d’entente de l’Europe et faisait partie du système dominant qui s’est effondré à sa défaite dans la guerre de Crimée en 1856.

Quant à la lutte identitaire en Russie, elle remonte au XIXe siècle, avec la scission entre le courant slave, qui considère que les Russes comme les dépositaire d’une civilisation propre a eux , et le courant occidental de l’intérieur de la Russie, qui considère que la civilisation russe fait partie de la civilisation européenne et qu’elle doit bénéficier de sa rationalité.

Cette nature conflictuelle de la société russe a joué un rôle prédominant dans la définition de son identité nationale, en particulier sa relation avec la civilisation européenne. L’Occident a oh combien, profité de ces tendances pour tenter d’établir des antagonismes au sein même de la Russie. D’ailleurs, la tendance occidentale constituant le noyau de l’opposition attirant les jeunes, plus particulièrement, vers les concepts de l’Europe occidentale.

Intellectuellement, Dostoïevski et Pouchkine étaient partisans de la seconde tendance, mais ils considéraient que la civilisation russe est une civilisation intégrale avec une mission humaine universelle, et qu’elle inclut en son sein la civilisation européenne. Dans la pensée politique, Lénine a été le premier à soutenir l’idée d’une union avec l’Europe avant de changer d’avis plus tard. Khrouchtchev et Gorbatchev, quant à eux, sont parmi les dirigeants soviétiques les plus en vue, appelant à une relation étroite avec l’Occident.

Malgré la tendance patriotique de Poutine, qui considère la Russie comme une grande entité civilisationnelle en soi, le chef de l’Etat russe, a toutefois et jusqu’à avant la guerre en Ukraine, qualifié les Européens et l’Occident en général, de « partenaires« .

Abandon de l’idée d’une « Russie européenne »

Dans les années 90 du XXe siècle, le courant intellectuel appelant à l’adhésion de la Russie à l’Europe et à l’Occident a prospéré, mais il a rapidement décliné après que l’Occidentaux aient traité la Russie en tant que pays vaincu. Depuis 2012, les médias russes ont commencé à leur tour, à mettre l’accent qualifiant son institution d' »immorale », l’accusant de vouloir « miner moralement l’Eurasie » par la promotion de « l’homosexualité ».

Aujourd’hui, de nombreux intellectuels occidentaux, ainsi qu’un certain nombre de russes, pensent que cette histoire civilisationnelle commune entre la Russie et l’Occident a changé après la guerre d’Ukraine, et qu’un long chemin civilisationnel d’interaction et d’appartenance qui a perduré depuis le Moyen Âge, a pris fin aujourd’hui.

Dmitri Trenin, un commentateur libéral russe, connu pour son affiliation à la Russie occidentaliste, qui a longtemps été directeur du « Carnegie Russia Center« , a déclaré : « une fois la guerre en Ukraine terminée, la Russie ne cherchera plus à faire partie de l’Occident… Ce chapitre de l’histoire de la Russie aura sonné son glas. »

D’autre part, il existe désormais une croyance largement répandue au sein de l’élite russe selon laquelle la Russie doit résoudre ce débat historique sur l’identité en abandonnant totalement l’idée d’une implication avec l’Occident au profit de l’idée d’une Russie autonome, et que les Russes doivent se tenir sur la trajectoire de l’histoire et rejoindre la « majorité mondiale » .

La Russie comme partie de la « Majorité Mondiale »

Depuis la Russie tsariste, jusqu’à ce jour, en passant par l‘Union soviétique, les Russes croient en l’importance de leur pays et qu’il s’agit d’un grand « empire ». En dépit, des divergences internes autour de la gouvernance ou des orientations politiques, qu’ils soient partisans du rapprochement avec l’Europe, partisans de l' »eurasianisme« , de l’orthodoxie orientale, ou partisans de l’orientation islamique… l’élément unificateur de la culture politique russe contemporaine russe, réside dans l’image que partagent tous ces antagonistes sur la Russie, demeure celle d’une « grande puissance »

A ce titre, et vu que les Russes ne se considèrent pas comme un pays du tiers-monde dont l’Occident désigne désormais par le terme « Sud global« , et puisqu’ils aient fait leur choix de ne pas faire partie d’un Occident, « érodée politiquement, économiquement, moralement « , et comme ils refusent de se cantonner dans l‘Eurasie, où la Chine aura la plus forte influence, la « majorité mondiale » se présente donc, comme une des solutions au dilemme lié aux caractéristiques de la nouvelle identité qui fera face aux futurs conflits mondiaux.

Dans ce contexte, les économistes russes soulignent que la densité humaine et la majeure partie du PIB mondial, s’accumulent en dehors du monde occidental, qui représente environ 30 % du PIB mondial. Par conséquent, faire en sorte que la Russie rejoigne les 70 % restants, est dans son intérêt.

En conclusion, la guerre en Ukraine a entraîné de profonds changements au sein de la Russie qui ont poussé le courant européen à abandonner l’idée d’une « union avec l’Occident » qui avait toujours inspiré de nombreux jeunes, et conduit – entre autres – au démantèlement de L’Union Soviétique.

Cependant, la continuité et l’ancrage de ces changements restent tributaires du succès du système de la « majorité mondiale » , comme alternative au système libéral imposé par l’Occident dans la période post-Seconde Guerre mondiale.

Ce succès passe par la mise en place de mécanismes économiques parallèles à ceux de Bretton Woods, et la remise en cause des contenus régissant les relations internationales, dont le plus important est la souveraineté et le principe de « non-ingérence dans les affaires intérieures » des autres pays, qui sont des principes consacrés par les lois et pactes internationaux depuis 1945, mais ils n’ont pas été appliqués. L’ingérence est devenue caractéristique prééminente des relations internationales en vigueur.

Le plus important reste de résoudre le conflit des valeurs actuelles autour des concepts de « famille, homosexualité, religion, libertés fondamentales, liberté d’expression » et autres, car nous constatons que le conflit n’est pas seulement entre l’Occident et la « majorité mondiale », mais également au sein même, de l’Occident, notamment aux États-Unis, où ces concepts sont devenus incontournables et intenses, dans les débats entre libéraux et conservateurs et occupent de plus en plus une place centrale, dans la vie politique, sociale, judiciaire, éducative, voire sportive.

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