Par Ali Hadj Tahar
Après avoir insisté sur la volonté de l’État algérien d’’instaurer un « État fort aux bases saines et solides », le chef d’état-major, représentant de l’Armée Nationale Populaire, a utilisé deux concepts dans son discours: un concept revendiqué et un concept rejeté avec force, celui d’État civil. Le concept mis en avant et revendiqué haut et fort par l’ANP est : État de droit.
Pourquoi le Hirak II n’utilise-t-il pas le concept traditionnel, étymologiquement juste, d’État de droit au lieu du néologisme politique d’État civil, alors que cette appellation a une autre signification, étymologiquement parlant, puisque « L’état civil d’une personne est constitué de l’ensemble des éléments relatifs à la personne qui identifient un individu. Par extension c’est l’appellation donnée aux services administratifs d’une Commune qui reçoivent les déclarations et qui conservent les registres concernant les naissances, les reconnaissances d’enfants naturels, les mariages et les décès. » (Dictionnaire juridique).
L’ANP dit vouloir « un État de droit où prévaudra le progrès économique, la prospérité sociale et la cohésion sociétale, et où règnera la sécurité et la stabilité. » Par contre, une partie du Hirak II veut un État civil. Les mots désignent-ils un seul et même système ou deux systèmes différents ? Si les concepts sont différents ou antinomiques, cela suppose-t-il qu’une partie du Hirak II ne veut pas d’un État de droit ? Et pourquoi ?
Une partie du Hirak II veut instaurer un « Etat civil », qu’elle oppose à État militaire (certains professeurs hirakistes ont utilise ce terme!!!) comme si l’Algérie était régie par une dictature militaire, puisque l’appellation « État militaire » n’existe pas. Passons sur l’ignorance de la signification du concept « dictature militaire » par certains. Google est à la portée d’un clic pour ceux qui sont supposés s’informer avant de parler de choses graves. Rappelons que le premier à demander un Etat civil est Ali Belhadj en 1993 ou 94. Le concept d’Etat civil n’existe pas dans le sens que lui donne une partie du Hirak. Ce nouveau credo entre dans le cadre de revendications de gens comme Lahouari Addi, celui qui voulait notre régression féconde, en nous suggérant de suivre le FIS, et qui depuis une dizaine d’années est devenu le chef de file des ceux qui stigmatisent l’ANP, au nom de ceci, de cela. Addi maîtrise les concepts donc il n’agit pas comme la majorité des suivistes du Hirak II.
Qualifiant le commandement de l’ANP, soit tous les généraux de l’état-major, de Commandement novembriste, Gaïd Salah insiste sur le fait que l’institution héritière de Novembre reste attachée aux principes de Novembre. Cette déclaration est FONDAMENTALE pour notre peuple puisqu’elle renoue avec les définitions que l’armée donnait d’elle-même il y a au moins deux décennies de cela. ANP veut dire : Armée Nationale Populaire. Aucune armée au monde n’est ainsi connotée historiquement et politiquement, car les mots Nationale et Populaire sont dotés d’une puissante charge novembriste. Le mot Libération du sigle ALN a été remplacé par le mot Populaire. Le mot Populaire renvoie au concept « Etat social » qui est utilisé dans la déclaration de novembre, et dans la plateforme de la Soummam.
Voila les buts de l’Indépendance nationale tels que définis par les 22 : « La restauration de l’État algérien souverain, démocratique et SOCIAL dans le cadre des principes islamiques. Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions. »
Le mot Populaire dans ANP renvoie à ces buts de la déclaration de Novembre, et c’est ce qui permet à Gaïd Salah de nous dire que son Commandement est novembriste, en ce sens que notre armée est toujours fidèle aux principes premiers d’un État souverain, démocratique, social, respectueux de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions, donc la garante d’un Etat de droit. Chaque mot de la déclaration de novembre est fondamental pour notre présent: si le mot Souveraineté dans les années 1960 à 80 signifiait le mot souveraineté économique mais aussi politique extérieure de non-alignement, aujourd’hui la souveraineté suppose de ne pas tomber sous la férule de l’OTAN dans un système unipolaire où les États-Unis veulent que tous les tous les pays adhèrent à leur Alliance Atlantique pour affaiblir la Russie et la Chine.
La Révolution de Novembre voulait d’une indépendance dans le cadre d’un État de droit, et surtout d’un État social, puisque le but n’était pas de chasser les colons mais de restaurer la justice sociale et économique, de mettre fin à l’expropriation des fellahs, de mettre fin à la spoliation, à l’exploitation, sachant que le colonialisme français a perpétué les injustices économiques ottomanes. Puisque les Algériens furent dépossédés de 2,9 millions d’ha sur 9 millions cultivables, en plus du fait que c’étaient les meilleures terres qui furent prises, par voie de confiscation, d’expropriations pour cause d’utilité publique, de saisies pour dettes de paysans ayant dû mettre leurs terres en gage pour payer leurs impôts…
Novembre fut une lutte pour une révolution économique d’abord et avant tout, alors que les revendications des Oulémas ou de l’UDMA se limitaient à l’obtention de droits civiques au profit des Algériens, soit, en gros, la suppression des collèges (Premier et Deuxième) et une représentation politique au sein d’un gouvernement français sans exigence de restitution des terres arrachées ou l’indemnisation des citoyens spoliés de leurs biens.
Certains Hirakistes II ne revendiquent pas l’Etat social de Novembre. Ils revendiquent l’Etat civil d’Ali Belhadj, l’Etat civil qui permettrait à n’importe quel politicien de transformer l’armée en milice à son service, au service de son groupe d’intérêts. Il faut se rappeler que c’est l’armée qui a mis fin au processus électoral qui allait, au nom de la démocratie, nous mettre sous une dictature wahhabite. Grace à l’Etat civil un autre Belhadj ou un Bolsonaro ou un Jair Guaido pourrait changer l’appellation de l’ANP en Armée Algérienne, comme US Army. Le mot Populaire est insupportable pour ceux qui, au sein du Hirak II, sont opposés aux missions novembristes de l’ANP.
Toutes les armées occidentales sont devenues des milices au service du complexe militaro-industriel. L’armée américaine a envoyé des millions de soldats se faire tuer pour enrichir les fabricants d’armes. L’ANP ne sera PLUS jamais à la solde des mafias ou à la solde du privé ou de l’OTAN. Cet ETAT CIVIL n’est donc pas un Etat de droit comme celui que revendiquent les Soudanais ou n’importe quel peuple. L’État civil n’est pas l’État social de Novembre, l’État soucieux des catégories sociales les plus faibles, soucieux des droits des travailleurs, de la préservation de l’école gratuite, des soins gratuits, de la préservation de nos richesses du sol et du sous-sol, de Sonatrach comme entreprise publique… L’État civil que visent les manipulateurs qui ont réhabilité le concept d’Ali Belhadj est loin d’être l’État de droit pour lequel le Hirak I s’est battu et encore moins l’État social de Novembre que l’ANP veut préserver.