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Le bouteflikisme c’est quoi ?

Rachid Ouaissa, Marburg

Le bouteflikisme est le système politique instauré par l’actuel président de la république depuis 1999. A la différence du kémalisme et du bourguibisme, tous deux s’inscrivaient dans une dynamique nationaliste, laïque et moderniste, le bouteflikisme n’est pas un projet de société, mais une technique de gouvernement. Ce dernier est un instrument politique de maintien du statut quo, c’est à dire un équilibre de stagnation.

Le bourguibisme et le kémalisme, deux visions autoritaires qui se voulaient comme réponses nationalistes aux défis du sous-développement. Elles véhiculaient des projets de société dans le sens de la dictature pédagogique léniniste. Inspirés des modèles de développements européens, le kémalisme dans les années 1920 et le bourguibisme dans les années 1950 et 60 voulaient éduquer la société par le haut, pour la moderniser.
Le bouteflikisme lui aussi s’inscrit dans une dynamique internationale, caractérisée par le retrait de l’Etat et le primat de l’économie sur le politique. C’est la traduction nationale du néolibéralisme mondiale. Remplaçant les grandes idéologies épuisées après la fin de l’URSS, le néolibéralisme s’impose partout dans les pays du sud. Le bouteflikisme c’est l’incarnation du néolibéralisme paré d’un nationalisme de façade. Vu que le bouteflikisme a fait de l’Algérie un client des forces extérieures et un marché pour leurs produits manufacturés.

Pour comprendre le bouteflikisme il suffit de déchiffrer les tendances politiques de la prétendue alliance présidentielle. Bouteflika est soutenue par une alliance réunissant des éléments rétrogrades et des éléments modernistes. Les membres de cette alliance n’ont ni un projet de société commun, ni une vision économique claire. Pendant que le FLN, un mélange d’arabo-baathistes, inspire les nostalgiques du passé, le RND par contre se veut représentatif d’un nationalisme moderne. Associés à ces deux partis nous trouvons le TAJ comme représentant de l’islam politique modéré et le MPA qui se dit laïc et moderniste. Ainsi le bouteflikisme est un cocktail d’idées et un bricolage d’idéologies contradictoires et d’acteurs plutôt pragmatiques et opportunistes.

Economiquement le bouteflikisme est basé sur le capitalisme de connivence (crony capitalism). Ce dernier décrit une économie où le succès en affaires dépend de relations étroites avec les représentants du gouvernement. Il peut créer une forme de favoritisme dans l’attribution de permis légaux, de subventions gouvernementales, de réduction d’impôts ou d’autres formes d’interventionnisme. En Algérie l’économie trabendiste ou de contrebande est réincarnée par le FCE.
Le bouteflikisme c’est cette alliance entre des groupes politiques sans projets de société clairs et communs avec l’économie trabendiste ou de bazar. S’ajoute les éléments khaldouniens d’Asabiyya ou « cohésion sociale », familiale et tribale. La base commune de ces groupes hétérogènes est le partage de la rente. Contrairement à la bourgeoisie européenne qui a pris le pouvoir en produisant, en modernisant l’économie et en mettant ainsi fin au féodalisme, le bouteflikisme s’emploie à éviter toute sorte d’économie productive, de crainte qu’elle naisse une classe sociale productive et économiquement indépendante de l’Etat. Le bouteflikisme est basé sur les devises acquise de l’exportation du gaz et du pétrole.

Politiquement le bouteflikisme n’est ni une dictature ni une démocratie, mais un mélange des éléments des deux formes. C’est un système hybride, basé sur le populisme, le clientélisme et le favoritisme. Les différentes couches et groupes de la société sont ainsi liés en forme de patronage au bloc au pouvoir.

Le bouteflikisme a instauré une culture politique typique. C’est la culture du post-politique où de l’apolitique. On assiste à une dépolitisation du quotidien en faisant de la politique non pas un domaine de l’antagonisme, de conflit des idées et de la controverse, mais plutôt un domaine de consensus. Le consensus est, de par sa nature, une notion non-démocratique visant à désapprouver tout argument anticonformiste. Le consensus veut dire transformer les luttes politiques en luttes morales et religieuses. Ainsi, les adversaires politiques deviennent des ennemis de la morale établie. Comme l’a décrit Chantal Mouffe plus de « right and left » mais de « right and wrong » (plus de droite et de gauche, mais du vrai et du faux).

Un danger dont  Hannah Arendt, philosophe allemande, a mis en garde et qui consiste à saturer le domaine politique par des dogmes moraux/religieux et faire des citoyens des communautés de frères et sœurs, appelés à obéir à la tête comme les membres de la maisonnée obéissent au pater familias.

Rachid Ouaissa, Marburg

 

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