Par Ahmed | Zakaria
Longtemps cantonnée à un rôle de fournisseur de matières premières brutes, l’Afrique dispose aujourd’hui d’un atout majeur pour s’affirmer sur la scène économique mondiale : ses abondantes réserves de minéraux rares. Ces ressources stratégiques, essentielles aux technologies de pointe, représentent une véritable manne pour le continent, à condition de savoir les valoriser judicieusement.
Indispensables à la fabrication de batteries électriques, de panneaux solaires ou encore de semi-conducteurs, les minéraux critiques tels que le cobalt, le lithium ou les terres rares sont devenus une denrée rare et très convoitée. Or, l’Afrique recèle d’importantes réserves de ces métaux. Selon les données de l’US Geological Survey, le continent abrite 54% des réserves mondiales de cobalt, 27% de celles de manganèse et 13% de celles de chrome. c’est sans nul doute qu’une petite parties des richesses répertoriées.
L’Algérie, par exemple, possède la deuxième plus grande réserve de phosphate au monde, une ressource essentielle pour la production d’engrais pour les terres européennes appauvries par la culture intensive exportatrice .
En 2021, le pays a extrait 37 millions de tonnes de phosphate, soit 15% de la production mondiale. L’Algérie pourrait tirer un meilleur profit de cette manne en développant une industrie de transformation locale plutôt que de se contenter d’exporter la matière brute », avait souligné le président algérien qui a ordonné le lancement de tout un tout un écosystème industriel reliant les mines aux sites de transformation et aux ports de Annaba et Skikda. Ces projets sont en phase d’achèvement, autour du phosphate, avec des effets d’entraînement majeurs sur l’ensemble de l’économie algérienne ».
Des réserves substantielles en métaux critiques conférent déjà à ce pays qui aspirent à s’élever aux rang des économie mondiale émergeant d’ici l’an 2027, un rôle potentiel dans l’approvisionnement du marché mondial, en particulier le lithium qui figure aujourd’hui comme étant le produit minier le plus prisé dans le secteur de la nouvelle industrie ainsi que le thorium et l’uranium.
C’est là tout l’enjeu pour l’Afrique qui dispose de richesses encore plus variées: ne plus se cantonner à un rôle de fournisseur de matières premières, mais s’affirmer comme un acteur majeur de la chaîne de valeur des minéraux critiques. Selon un rapport de l’Atlantic Council, le continent ne capte actuellement que 10% de la valeur ajoutée générée par l’exploitation de ses ressources minérales.
l’Afrique recèlerait une part significative des réserves mondiales : 30% de la bauxite, 60% du manganèse, 75% des phosphates, 85% du platine, 80% du chrome, 60% du cobalt, 30% du titane, 75% du diamant et près de 40% de l’or. L’Afrique subsaharienne produit7% de la consommation mondiale de pétrole et les réserves connues sont du même ordre.
Pour inverser cette tendance, les pays africains sous l’impulsion de l’Afrique de Sud l’Algérie, et le Nigeria le Zimbabwe et bientôt le Sénégal, s’organisent pour développer leurs capacités de transformation et de fabrication grâce à des partenariats gagnant gagnant avec la Chine, la Russie, la Turquie. Cela se manifeste dans par des investissements massifs dans les infrastructures, la formation des compétences locales et la création d’un environnement favorable aux entreprises. Un autre facteur pas moins vital, n’est autre que la nécessité de garantir la stabilité politique et la concentration sur les projets intégrés intégrés.
L’accord commercial Algérie-UE, un Ballon-sonde…
Au-delà des simples enjeux économiques, la maîtrise de la chaîne de valeur des minéraux critiques représente pour l’Afrique un levier géopolitique de première importance. Longtemps assujetti au joug des anciennes puissances coloniales, le continent se trouve aujourd’hui en position de remettre fondamentalement en cause la gouvernance de ces ressources stratégiques.
C’est sur ce terrain miné que l’Algérie s’apprête à prendre la première ligne pour livrer une bataille commerciale de haute volée face à l’Europe. Le différend qui l’oppose à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, (présidente non élue de l’Europe), concernant l’accord d’association signé en 2005, illustre avec éclat cette nouvelle donne. Reprochant au président Tebboune son approche souverainiste et sa capacité à naviguer dans les fissures provoquées par les rivalités non avouées entre États membres (Etats du nord contre les Etats du sud) , Bruxelles tente d’imposer à Alger un cadre qui pérenniserait la domination de la règle commerciale sur le principe de la Souveraineté. Et c’est de cela qu’il s’agit
« L’Afrique dispose d’un pouvoir de négociation inédit pour rééquilibrer les termes des échanges commerciaux et obtenir de meilleures conditions », souligne le géopolitologue Alain Antil. Ainsi, l’Algérie a récemment renégocié ses contrats gaziers avec l’Europe, obtenant des prix plus avantageux face à la flambée des cours.
Fort de ses abondantes réserves, le continent africain peut désormais peser de tout son poids pour façonner un nouvel ordre économique mondial plus équitable. Une opportunité historique à saisir pour se libérer des schémas de dépendance hérités de la colonisation. Mais Cela passe par le retour à la stabilité politique et la transparence.
Améliorer la gouvernance et la transparence
En effet, Une gouvernance transparente et responsable des ressources minérales est également essentielle. Les pays africains doivent renforcer la réglementation, les contrôles et la traçabilité dans ce secteur stratégique, afin de lutter contre la corruption et les pratiques opaques.
Des initiatives comme l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) peuvent y contribuer, en incitant les gouvernements et les entreprises à publier des informations détaillées sur leurs activités et leurs revenus. sur ce point certains pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest sont malheureusement à la traine, puisqu’il l’instabilité politique et sécuritaire les obligent encore à troquer des mines contre l’aide militaire.
Favoriser les partenariats équitables
Enfin, les pays africains doivent veiller à nouer des partenariats équitables avec les investisseurs étrangers, en s’assurant d’une juste répartition des bénéfices et d’un transfert de compétences et de technologies. Des accords « gagnant-gagnant » sont essentiels pour éviter les schémas de dépendance hérités du passé colonial, car in ne s’agit pas là, de changer un force dominante par une autre.
En mettant en œuvre ces différentes actions, les États africains pourront progressivement s’affranchir de leur rôle de fournisseurs de matières premières brutes, pour devenir de véritables acteurs intégrés et maîtres de la chaîne de valeur des minéraux critiques et tant d’autres richesses.