Par Ahmed Halfaoui
L’insurgé, son vrai nom, c’est l’Homme,
Qui n’est plus la bête de somme
Qui n’obéit qu’à la raison
Eugène Pottier (1884)
Tu as semé ta part d’étoiles pour le ciel du Grand Soir et tu es parti, trop jeune pour mourir. Trop jeune pour n’avoir pas vu les multitudes s’unir dans un même combat.
Trop jeune pour que nous ayons eu le temps de te voir partir. Devant notre rêve d’une Humanité libérée de la marchandisation, tu piaffais d’impatience. Il te fallait le mouvement et le bouillonnement des opprimés. Il te fallait aller au front, tout de suite.
Cependant, tu trouvais les ressources à ton amour du bien qui s’exprimait, comme il pouvait, aussi bien par un bouquet de fleurs à Matoub blessé par les gendarmes, que par une collecte pour que les jeunes démunis puissent passer un été au camping du GCR, ton parti. Note parti.
Voilà que le terrain syndical, libéré de la scélératesse légalisée des larbins pompiers du monde du travail, présente un champ que tu investis. Il y a tant à faire, aujourd’hui, maintenant. Il y a la détresse qui n’attend pas. Tu taquinais les camarades, trop intellectuels à ton goût, mais tu me disais que le CLA sera au moins une école où les yeux se libèrent des chimères de l’ordre régnant.
Tu le disais, alors que j’avais peine à suivre ton pas pressé vers ton énième rendez-vous à la Maison de la Presse. Avec, en bandoulière, ton éternel cabas riche de tes documents militants, qui du temps de la clandestinité, nous donnait des sueurs froides. Tu étais déjà une école, la nôtre, pour tous ceux qui te côtoyaient, par ta conduite, ton engagement et ton honnêteté.
Tu rayonnais, pur et immaculé et pour ça tu n’es pas mort. Tu seras l’un de ces livres qui disent l’injustice du monde et qui montrent le sentier libérateur. Nous t’aurions sanctifié, comme tous les nôtres disparus, et nous n’avons pas de religion, car nous avons mieux, la mémoire de la joie et des larmes et des blessures, de tous ceux qui ont fait, sur cette planète, des siècles durant, que nous continuons d’être.