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La France des identités ambiguës: histoire d’une immigration.. L’originelle

Par Ahmed Halfaoui

Quand les incertitudes pointent… Relisons

Être sans être, dans le pays où l’on est né, sans être étranger, sans être rien qu’un non-citoyen avec des devoirs sans tous les droits, le « jeune des quartiers » doit supporter cette identité. Son drame s’est profilé, il y a bien longtemps, quand ses aïeux chassés par la misère ont constitué les flux d’immigrés venus trouver du travail, pour vivre et faire vivre les leurs restés au bled. En ce temps là, les aïeux, eux aussi n’étaient citoyens de nulle part, des indigènes, comme on les appelait, soumis à un code particulier pour les maintenir hors de la société, dans un statut suspendu à leur condition de colonisés.

En ce temps là, arrivés en France, originaires de départements français où ils étaient nés, leur statut pouvait poser le problème de la nationalité, dont il présentait au moins le principe du droit du sol. Alors, il a fallu, dès les années 1920, instituer dans toutes les grandes villes de France les Services des affaires indigènes nord-africaines (SAINA).

Les SAINA qui sont, en réalité, une police spécialement destinée à la surveillance des Algériens installés en France. Ce sera cette police qui surveillera les militants de l’Etoile Nord-Africaine, tout en procédant à l’isolement des Algériens du reste de la population française. L’objectif étant, en premier lieu, de limiter, voire empêcher, les possibilités d’intégration de l’immigré dans la société où il travaille et vit. En réaction la grégarité protectrice va répondre au rejet, à l’hostilité ressentie et à l’étrangeté de l’environnement, pour recourir à la sociabilité entre compatriotes.

Ce qui contribue à faire des indigènes les membres d’un corps étranger à la formation sociale française et des travailleurs coupés du prolétariat local. Une aubaine pour le patronat et pour les services de police, ils vont être souvent utilisés à casser les grèves. De ce fait ils sont rejetés par les syndicats et vont constituer un sous-prolétariat exploitable et corvéable sans possibilité de se trouver des solidarités chez les ouvriers français.

Plus tard, bien plus tard, après être passés par des conditions de vie épouvantables, par les bidonvilles, les premiers ghettos, ils vont être relogés dans des cités, les « banlieues » ou « quartiers » actuels, désertés par les Français pour moult raisons, pour se retrouver entre eux, toujours hors de la société. Mais ils ont fait des enfants, qui ont fait des enfants, qui sont Français administrativement parlant, qui n’ont plus du bled que le nom et un peu de culture.

Une descendance qui n’est plus là au titre de l’immigration, mais de la naissance, qui veut des droits, ceux-là inscrits dans la Constitution, dans ses lois et dans ses valeurs républicaines. Ce faisant, ils vont alimenter la chronique de la délinquance. Et, il sera utile de rappeler que le journal Le Monde du 16 septembre 1949, par exemple, titrait «la criminalité nord-africaine soulève un problème national».

Une campagne de presse avait lieu sur le sujet, qui occupera de plus de plus les discours sur la société, jusqu’à ce que soit organisé un débat sur « l’identité ». En 1970, Michel Massenet, dans un discours à l’Académie des sciences morales et politiques, se fera prophète. Il constate «une immigration d’un type nouveau dont les capacités d’adaptation et plus encore d’assimilation à notre vie sociale ne sont pas évidentes». Il prévoit même des tensions entre communautés.

Nous y sommes.

Ahmed Halfaoui.

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