Services doublement gratuits
Par Ahmed Halfaoui
Il est parfaitement admis par une bonne partie des commerçants, qui crient à l’injustice, que les impôts sont une charge qui les pénalise. Ils oublient, cependant, de dire ou encore moins de reconnaître que c’est le consommateur final qui paie ces dits impôts. Et qu’ils ne sont que les intermédiaires. Et comme le consommateur final est très majoritairement le salarié, l’artisan ou le retraité, ce sont les plus pauvres qui financent le budget des services publics.
Heureusement, dirait-on, que le pétrole est là pour compenser la fraude fiscale. Sinon, faute de solidarité institutionnelle on imagine à quoi ressemblerait le pays, ses villes, ses villages.
A quoi ressembleraient les hôpitaux et les écoles, s’ils sont construits, les routes et toutes les infrastructures qui font le cadre de vie, si elles sont édifiées.
En passant, il serait intéressant de comptabiliser l’apport de cette catégorie au-dessus de tout dans les investissements de l’Etat et dans les transferts et autres aides qu’il apporte aux démunis. Il serait extraordinaire de trouver une part conséquente.
Voilà donc une catégorie sociale, fort nombreuse, qui se situe de surcroît en dehors de l’économie réelle, là où se créent la richesse, qui utilisent les moyens payés par l’argent des autres et qui, sans vergogne, détourne ce qu’elle peut détourner comme richesses, tout en se posant en victime.
On dit que nous serions le seul pays au monde où il fait meilleur et de loin d’être plutôt boutiquier que médecin. Sans oser une comparaison avec une quelque autre catégorie, en dehors de celle des entrepreneurs.
Le hic est que sans les producteurs, salariés ou patronat, le commerce n’aurait pas d’objet. De nos jours, c’est principalement grâce à la rente pétrolière, qui permet les importations massives de produits, que la sphère de la distribution prospère et règne sur la société.
Tout le monde en parle, tout le monde s’en plaint, mais rien n’y fait, ni les contrôles, ni les appels au civisme, ni ni la religiosité envahissante. Ce qui signifie qu’il faut d’autres outils que des contrôleurs aux moyens dérisoires et à la motivation inégale. Il s’agit d’obliger les fraudeurs à payer.
La chose peut être simplifiée à la source. Ce qui est sûr c’est qu’ils trouveront des parades, mais les exposera à la servilité et à l’opprobre. Mais le fléau sera considérablement atténué. Il suffit de leur appliquer la règle du « payé-servi ». Il suffit que soient instituées des cartes d’accès aux services publics les plus essentiels, à commencer par les établissements de santé et les structures scolaires.
Ce ne sera pas d’une grande difficulté d’en doter tous ceux qui vivent de leurs salaires où les pensionnés, assurés sociaux en principe, restera à identifier les catégories qui n’émargent pas pour une raison ou pour une autre au budget.
Cette mesure, bien expliquée, parce que juste, aura l’avantage de faire en sorte que les contribuables soient satisfaits de l’usage qui est fait de leur civisme et de leur argent. L’opération vaut le coup d’être tentée, elle ne coûtera pas plus chère que toutes les investigations, toutes les procédures de vérification, tous ces imprimés qui encombrent l’institution fiscale. Plus de services doublement gratuits. Chiche !