Par | Hiba Nawel
Les changements climatiques engendrés par l’exploitation de ce champ gazier, qui s’apprête à entrer en phase de production, aurait incité certaines communautés locales, notamment au Sénégal, à organiser des manifestations tant sur terre que sur mer. Ces mobilisations visent à réclamer une révision des projets et la mise en place d’études scientifiques pour évaluer les risques environnementaux découlant de l’exportation du gaz. Cependant, cette agitation soudaine a soulèvé des interrogations quant à la sincérité des préoccupations exprimées, de ceux qui se sont érigés défenseurs.
La nouvelle classe dirigeante à Dakar a assuré à mainte reprise qu’elle était consciente de l’importance de l’activité ancestrale de pêche qui représente 3,2 % du produit intérieur brut (PIB) national du Sénégal et 12 % du PIB du secteur primaire, ainsi que son impact socio-économique.
Les gouvernements de la Mauritanie et du Sénégal maintiennent leur « détermination constante à oeuvrer pour la réussite du projet, à garantir les droits des contractants et à préserver les intérêts de leurs nations en lien avec le projet GTA, dont le démarrage de la production de gaz est désormais projeté au cours du 3ème trimestre 2024 », note-t-on dans le communiqué publié le 19 janvier 2024.
Le projet GTA, du nom du champ gazier identifié à la frontière maritime de la Mauritanie et du Sénégal, est piloté par le groupe britannique BP et l’américain Kosmos Energy, en partenariat avec les compagnies pétrolières nationales de Mauritanie (SMHPM) et du Sénégal (Petrosen).
Selon des médias marocains, l’établissement d’une zone interdite autour des champs gaziers, qui englobe des nurseries marines essentielles, limiteraient l’accès des pêcheurs aux ressources halieutiques. Cette situation les contraint à entreprendre des expéditions plus longues et plus coûteuses, mettant en péril leur subsistance.
Un groupe de chercheurs et d’universitaires spécialisés en environnement marin a averti des erreurs dans l’étude d’impact environnemental des opérations d’exploration et d’extraction dans le champ gazier commun. Leur préoccupation pour l’écosystème fragile des eaux mauritaniennes soulève une autre question : ces experts cherchent-ils véritablement à protéger l’environnement ou à freiner la tant attendue montée en puissance économique de la Mauritanie et du Sénégal, qui aspirent à rejoindre le club des pays producteurs de gaz ?
Le site choisi pour la construction de la plateforme flottante de production et de déchargement, ainsi que pour le pipeline, se situe dans une région cruciale pour la survie d’espèces menacées. Cette zone est un refuge hivernal essentiel pour de grandes populations d’oiseaux côtiers et marins. En cas de fuite, ces oiseaux et organismes marins seraient en danger.
À l’échelle mondiale, des cas similaires se sont déjà produits, où des préoccupations écologiques ont été soulevées dans des contextes de concurrence économique. Par exemple, en 2021, des critiques ont été exploitée dans une courses à l’exploitation pétrolière en Amazonie, où les intérêts économiques des entreprises ont été mis en balance avec la préservation de la biodiversité et des droits des communautés autochtones.
Ainsi, alors que les préoccupations pour l’environnement sont légitimes, il est essentiel d’examiner les motivations sous-jacentes de ces critiques. Sont-elles véritablement désintéressées ou cachent elles des intérêts économiques plus larges ?
Bien que les préoccupations écologiques concernant le partenariat de BP avec la Mauritanie et le Sénégal puissent être légitimes, les interrogations sur les velléités sous-jacentes pourraient être également fondées.
Dans ce contexte, il est intéressant de rappeler la position ferme adoptée par le président algérien Abdelmadjid Tebboune lors du sommet des pays exportateurs de gaz, tenu à Alger début mai dernier. Il a dénoncé les pressions exercées par des pays non producteurs, poussé par des intérêts supranationaux, à taxer le gaz, une ressource que l’Algérie, tout comme d’autres nations exportatrices, considère études à l’appui, comme l’une des moins polluantes et incontournable à la transition énergétique.
Tebboune a affirmé que les pays africains, détenteurs des plus grandes réserves gazières, défendront avec détermination leurs intérêts. Pour lui, ces ressources sont non seulement vitales pour l’épanouissement économique de l’Afrique, mais elles renforcent également la position stratégique du continent sur la scène énergétique mondiale. La défense de ces intérêts est cruciale face aux tentatives de taxation qui pourraient compromettre le développement économique des nations africaines.