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Algérie : une enclosure à ciel ouvert

Nous reproduisons cet article paru dans Kalimadz le 10 août 2011 parce qu’il nous paraissait correspondre à la situation dans laquelle est plongée l’Algérie par vingt années de règne du régime de Bouteflika et des castes prédatrices qui l’entouraient.

Par Ahmed KACI

L’affaire du Bois des Pins d’un quartier populaire de Hydra où un bout de forêt est saccagée pour permettre la construction d’un parking à étages et même, paraît-il, d’un centre commercial, malgré l’opposition des riverains et leurs protestations montrent une nouvelle fois la nature autoritaire du régime en place et son caractère antisocial. Pour seule réponse, les habitants du quartier ont eu droit à une armada de policiers anti-émeute et de flics en civils belliqueux, agressifs et orduriers. Des dizaines d’habitations saccagés, des hommes, des femmes, des vieilles personnes tabassées et des arbres centenaires arrachés à la tronçonneuse.

Cette affaire n’est pas unique dans les annales algériennes. La rue de Tripoli que bordaient  de chaque côté du trottoir des arbres centenaires a été défigurée pour le passage du tramway alors que des alternatives existaient pour éviter cet ignoble attentat contre la nature.  Preuve en est que dans les années 40 le tramway circulait sans nul besoin de sévir contre la nature. Le Parc National d’El-Kala est, lui, sous la menace du tracé de  l’autoroute Est-Ouest. Malgré les protestations et les pétitions adressées aux responsables pour contourner le site qui abrite des centaines d’espèces animales et végétales comme le cerf de barbarie, le lynx caracal, la hyène rayée, le renard roux ou doré, la mangouste menacées d’extinction et classé sur la liste du patrimoine national et réserve de biosphère par l’UNESCO en 1990, et depuis  1983, l’inestimable patrimoine naturel de cette région est mis sous protection par la création du Parc National d’El Kala (PNEK).  A l’Ouest d’Alger, rien n’arrête  la bunkérisation du régime et des ses clientèles. Des terres appartenant à des exploitations agricoles collectives (EAC) sont rognées, voire carrément confisquées par la construction d’une nouvelle résidence d’Etat et l’extension de la résidence du Sahel. Un épisode qui s’inscrit dans le long feuilleton de la défiguration systématique du paysage forestier de Bouchaoui et agricole celui de la Mitidja au profit de riches hommes d’affaires et de la voracité des adeptes de la culture du béton. Il ne s’agit là que d’affaires médiatisées et plus ou moins connues du grand public. Il en existe certainement de par le pays des centaines d’affaires similaires et surtout conclues dans des circonstances plus violentes.

 

Toutes ces affaires et de façon caractéristique celle du Bois des Pins rappellent l’histoire connue sous le nom d’enclosures qui a pour théâtre au moyen âge et ce, jusqu’au 18ème siècle l’Ecosse et particulièrement l’Angleterre lorsque les terres soumises  à un droit d’usage communautaire ont été confisquées aux paysans et aux bergers et clôturées passant ainsi dans le domaine privé.  «Toute  la  société,  le  monde  rural  de  production,  les paysages britanniques seront bouleversés par ce qui ne fut pas une simple transformation technique, mais  une guerre sociale, menée manoir par manoir pendant plus d’un siècle (et qui recommencera dès 1660) par les grands propriétaires contre leurs paysans… L’exploitation d’une fraction croissante des terres commence à se faire pour le profit des maîtres et tous les moyens sont bons, de la loi à l’intimidation, de l’achat à la violence,  pour  concentrer  les  terres,  accaparer  les  communaux,  chasser  les  tenanciers,  clôturer  « l’open field » pour y pratiquer l’élevage des moutons, puis même pour y cultiver du blé lorsque à la fin du siècle les prix  des  céréales  flambent  avec  la  croissance  de  la  consommation  urbaine » (Dockès et Rosier ,  «Rythmes  économiques  :  crises  et  changement  social  une perspective historique», Coll. Economie critique, éd. La Découverte, Paris [1983], p. 29).

Autres époques, autres mœurs, en Algérie de 2011, on y pratique ni l’élevage ni la culture de la laine, mais on érige des parkings, des centres commerciaux, on remplace les cultures vivrières par des blocs de ciment et de béton, on construit des voies rapides de transport de masse, mais au détriment de l’intérêt de ceux pour qui prétendument on les réalise. Et pour cause, la logique des toutes ces infrastructures est aiguillée pour ne pas dire aiguisée uniquement par le profit, le lucre et l’appropriation.

Pour l’histoire, n’appelait-on pas  l’enclosure des communs  « la révolution des riches contre les pauvres ».  Les massacres de 1997 s’inscrivent, selon toute vraisemblance, dans cette logique de prédation. En réalité,  depuis 1992, c’est toute l’Algérie qui est devenue une immense enclosure aux mains de groupes sans foi ni loi bénéficiant de l’impunité totale, sévissant au grand jour et se servant comme bon leur semble dans le « bien commun » qu’ils ont privatisé par le fer et le sang. C’est sans aucun doute les enseignements qu’on peut tirer des affaires telles que celle de Khalifa, de Brown & Root Condor , de Sonatrach, de l’autoroute est-ouest, de celle qui a valu l’emprisonnement par les cercles mafieux du maire de Zéralda Mouhib Khatir, etc.

A.K

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