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BEJAIA – Il y a 152 ans, Cheikh Belhaddad déclenchait une insurrection anticoloniale, considérée comme un moment majeur du cheminement national vers la libération du pays, au vu de son ampleur et son impact populaire ayant ébranlé les certitudes de l’occupant et convaincu les Algériens qu’il n’y a pas de salut pour le pays en dehors de la lutte armée.
L’insurrection de cheikh Belhaddad, de son vrai nom, ou Cheikh Aheddad, comme il est connu populairement, dont la commémoration est prévue le 8 avril, est venue donner un prolongement aux soulèvements antérieurs, notamment ceux de l’émir Abdelkader (1932-1947), d’Ahmed Bey, des Zaâtcha, de la Dahra en 1845, conduite sous la férule de Cheikh Boubaghla, Lalla Fathama N’soumer et Ouled Sidi-Cheikh, qui se sont succédé de 1846 à 1870.
Elle a également intensifié l’engagement envers la nation grâce à une mobilisation jamais réalisée, comme affirmé par des historiens et chercheurs.
L’appel à la révolte, lancé solennellement le 8 avril 1871 par cheikh Aheddad au cours d’une harangue à la place du marché de seddouk, dans laquelle il a soutenu l’idée de « jeter les français à la mer », a eu un écho phénoménal dans presque tout le pays, notamment de Sour-El-Ghozlane jusque dans le Constantinois, rapporte l’historiographe Idir Hachi dans son livre consacré à l’insurrection de cheikh Aheddad intitulé « 1871, une levée en arme pour l’honneur de la patrie », édité en mai 2021.
L’appel a enrôlé pour la cause, selon l’historiographe, quelques 800.000 personnes dont 200.000 combattants armés, pour une population générale atteignant à peine 2,5 millions d’âmes.
L’insurrection a duré près d’une année et porté des coups sévères à l’armée coloniale, laquelle, pour la contrer, a dû mettre en action plus de 80.000 soldats et une répression sans pareil, tuant, brulant emprisonnant des centaines de personnes dont nombre ont été déportés au bagne de la Nouvelle Calédonie dont les enfants de cheikh Aheddad, Aziz et M’Hand, relate Hachi. L’opération s’est accompagnée par ailleurs de la confiscation et la séquestration des hectares de terres appartenant aux autochtones, selon l’historien français Robert Charles Ageron, spécialiste de la colonisation française en Algérie.
Les conséquences furent terribles mais attendues, et à l’origine, cheikh Belhaddad les appréhendait. C’est cheikh El Mokrani, qui était déjà engagé dans la lutte armée avec 15.000 hommes dès mars 1871, et ses enfants El Aizi et M’Hand qui l’ont poussé à s’y résoudre.
« Ca va être une énorme épreuve (El mehna). Mais il faut y passer », avait alors répliqué cheikh Ahaddad, en donnant son accord pour allier et unir les forces de la Tariqa Erahmania, constituées en réseau à travers les zaouiyas, dont il était le chef spirituel, et celle d’El-Mokrani. Leur brassage a fini par embraser tout le pays.
Depuis, la résistance a pris forme et n’a cessé de s’amplifier sans discontinuer jusqu’en juillet 1873, malgré une mobilisation sans précédent de l’armée coloniale et une répression inédite des populations. Parmi elles il y’a eu beaucoup de morts et, beaucoup de prisonniers, mais aussi beaucoup de déportés, transférés, sans ménagement, au bagne de la nouvelle Calédonie dont les enfants des cheikhs Aziz et M’hand.
Il était respecté, voire adulé à tel point que la population locale l’a choisi pour être Imam et enseignant du village, encadrant des cohortes de disciples venant de toutes les régions du pays, dont certains ont constitué son premier noyau de résistants.
A sa mort, il a été inhumé à Constantine, puis son corps a été rapatrié à Seddouk en 2009 et enterré dans un mausolée qui a été dédié spécialement à lui et ses deux enfants.
Trois tombes jalonnent la structure, celles de cheikh Belhaddad, ses enfants Aziz et Mhand dont le corps, en fait, n’a jamais été retrouvé, mais qui, symboliquement, repose aux côtés de son père et son frère aîné.
Le bâtiment qui a pris l’allure d’un véritable musée, reçoit chaque année des milliers de visiteurs.