PPar | |Abderrahman Ben Nadjem
Ce scandale éclate alors que la dynastie du maréchal autoproclamé Khalifa Haftar, figure controversée du paysage libyen, vient de bloquer un champ pétrolier dans le sud du pays. Cette action, perçue comme une réponse à l’arrestation de son fils le général Saddam Haftar Jr, par la police italienne, soulève des questions sur les motivations réelles de la famille Haftar et leurs implications dans des activités pour le moins scabreuses.
Le benjamin d’une fratrie, Saddam Haftar est souvent cité comme le « successeur possible » de l’homme fort de 79 ans qui contrôle l’est de la Libye depuis près d’une décennie. Il a également autant autant de soutien de la part de puissances étrangères qui convoitent la région, que de juges d’instruction qui scrutent ses activités ainsi que celles de sa familles. Le gouvernement de Tripoli reconnu par les Nation Unis a condamné la politique du chantage et économique et sécuritaire de Haftar et les puissances qui le soutiennent, pour régler ses démêlés avec ses adversaires.
Le rapport, publié la semaine dernière dans le journal « L’Écho« , dévoile les efforts acharnés de la justice belge pour retracer environ 2,3 milliards de dollars d’intérêts liés aux fonds libyens gelés, après plus de sept ans de investigations minutieuses. Il a été établi que ces fonds avaient été illégalement libérés entre 2012 et 2017, une période durant laquelle les mécanismes de contrôle semblaient avoir failli. Les enquêtes ont également révélé que des sommes substantielles avaient été transférées vers des comptes à Luxembourg et à Bahreïn, laissant dans le flou le destin d’environ 800 millions de dollars, que l’on soupçonne qu’elles ont été utilisés pour financer les milices et mercenaires qui sévissent sous les déférentes bannières dans un Libye déchirée par une guerres fratricide entretenu par des puissances étrangères.
L’enquête qui met en des termes à peine voilés, la lumière sur les pressions que des cercles financiers européens auraient exercées pour entretenir le flou autour ce micmac politico-financier. La lenteur du processus judiciaire, qui a commencé sous la direction du juge à la retraite Michel Clézy, avant de passer au juge Paul Gérard en dit long sur la délicatesse du dossier.
« L’Écho » a eu accès à des milliers de pages du dossier, connu sous le nom de fonds libyens, indiquant que la justice avait partiellement réussi à tracer le parcours de centaines de millions de dollars libérés illégalement. Cela constitue une violation flagrante des règlements de l’ONU, qui avaient imposé le gel des avoirs libyens à l’étranger après la révolte de 2011.
A l’origine du scandale
Pour saisir l’ampleur de cette affaire, le journal belge remonte le fil des événements jusqu’en octobre 2011, lorsque l’ONU a instauré un embargo sur les armes et gelé les avoirs libyens, y compris ceux des fonds souverains tels que la Libyan Investment Authority et sa filiale « Lafico« , ses fonds devraient revenir de droit au gouvernement reconnu par la communauté internationale. À cette époque, un montant colossale de 14 milliards d’euros avait été gelé dans la banque « Euroclear » à Bruxelles, une somme qui, au fil des ans, a suscité de nombreuses convoitises.
Ces actifs libyens, comprenant des liquidités, des actions et des obligations, génèrent logiquement d’importants intérêts. C’est autour de ces intérêts que se cristallise l’affaire des fonds libyens, révélant un potentiel de détournement qui pourrait avoir des répercussions bien au-delà des frontières libyennes.
En octobre 2012, une mise à jour des règlements européens concernant les mesures de l’ONU, couplée à une approbation écrite du ministre des Finances de l’époque, a permis à la banque « Euroclear » de « débloquer » les intérêts sur ces fonds gelés. Cependant, en 2018, des experts de la Commission des sanctions de l’ONU ont jugé que cette action constituait une violation manifeste des mesures de gel, soulevant des questions sur la légalité de ces décisions.
Entre 2012 et 2017, alors que le juge Clézy ordonnait la saisie de 14 milliards d’euros d’avoirs libyens suite à une plainte d’une association liée à l’ancien prince Laurent, il a été découvert que plus de 2,3 milliards de dollars d’intérêts avaient été libérés. Cette sommes colossale est devenu le centre d’une controverse qui ne cesse de s’intensifier.
Des révélations inquiétantes d’un rapport confidentiel, impliquant des banques européennes et Arabes.
L’enquête a permis de suivre le parcours de ces fonds grâce à des milliers de documents judiciaires, y compris un rapport confidentiel de la société de conseil « Deloitte« . Ce rapport révèle qu’une petite portion des intérêts et des bénéfices gelés, s’élevant à au moins 54 millions de dollars, a été transférée sur des comptes de la Libyan Investment Authority à la banque « HSBC » à Luxembourg, dans le cadre d’un accord de 2007. Cependant, tous les revenus d’investissement reçus de « Euroclear » à « HSBC » sont restés gelés, sans aucune trace de transfert vers d’autres comptes ou vers des tiers, suscitant des interrogations sur la transparence de ces opérations.
Dans un cadre similaire, environ 1,45 milliard de dollars ont été réinvestis dans des dépôts à court terme auprès de la Bank of Bahrain and Kuwait, où la Banque centrale libyenne détient une participation majoritaire. Après déduction des frais de gestion, la Libyan Investment Authority devrait recevoir 1,556 milliard de dollars, soulevant des soupçons sur une fuite de capital libyen.
De plus, environ 800 millions de dollars d’intérêts libérés par « Euroclear » demeurent sans destination clairement définie, ajoutant une couche d’intrigue à cette affaire déjà complexe.
Des implications inquiétantes pour le financement des milices
Un autre aspect encore plus préoccupant de cette affaire est que certains de ces fonds libérés, après approbation du ministère des Finances belge, pourraient avoir contribué à alimenter le conflit en Libye. Le journal cite une estimation d’experts de l’ONU en 2017, indiquant que des groupes armés intervenaient dans la gestion et le financement d’institutions telles que la Libyan Investment Authority, exacerbant ainsi les tensions internes.
Le rapport final de l’ONU en 2018 a mis en lumière le « comportement prédateur » de ces groupes armés envers la Libyan Investment Authority, révélant des interventions directes dans les activités de l’institution, entraînant des menaces à l’encontre de la direction.
L’enquête conclut que l’instabilité manifeste de la Libyan Investment Authority après la Révolution de février, combinée à l’incapacité de la justice belge à identifier les véritables bénéficiaires des fonds libyens libérés, soulève des préoccupations quant au blanchiment d’argent. Cette affaire des fonds libyens gelés recèle encore de nombreux secrets, laissant entrevoir des ramifications qui pourraient avoir des conséquences bien au-delà des frontières libyennes.