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Tebboune coupera-t-il court au rêve de Netanyahu de ligoter la Jordanie par un contrat d’approvisionnement en gaz israélien ?

En 2019, un député jordanien soulevait la question du refus du gouvernement de son pays d’acheter du gaz algérien à des prix préférentiels, tout en insistant pour acheter du gaz israélien, malgré l’opposition parlementaire et populaire. Cette réalité est révolue en 2023. comment et quel est le rôle de l’Algérie dans ce revirement stratégique?

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Par | Ahmed Zakaria


Au cours du mois de mars 2023, le ministre jordanien du commerce M. Youcef Ashamali a Confirmé que son pays avait soumis une demande à l’Algérie pour l’approvisionnement en gaz (liquéfié), et qu’il y avait des promesses (algériennes) d’étudier la demande jordanienne.  Ce qui a suscité des interrogations sur les raisons qui auraient poussé la Jordanie à changer sa boussole vers l’Algérie, en ces moments de grave crise, où la demande mondiale en gaz naturel est en ascension permanentes en raison des contrecoups de la guerre en Ukraine.

« Le gaz d’Israël est une occupation… »

Les Jordaniens décrivent l’accord d’importation de gaz d’Israël comme une « honte » Ph DR middle-east-online

Depuis la signature par le gouvernement jordanien en 2016, d’un accord d’une valeur de 10 milliards de dollars, pour importer du gaz Israélien sur une période de 15 ans, plusieurs acteurs politiques et civiles, poussés par la grogne populaire, ont condamné ce deal et ont œuvré pour le faire capoter. Les slogans tels « Le gaz Israélien, une occupation », ont troublé le calme habituel   de la capitale Aman et les autres villes jordaniennes.  

Sous la pression populaires et parlementaire la Première chambre du parlement a fini en juin 2020, et à la majorité de ces membres, par voter un projet de loi interdisant l’importation du gaz d’Israël, sans qu’aucune procédure officielle ne soit pour autant, annoncée à son sujet.

Avant de devenir effective, le projet de loi doit passer par des étapes constitutionnelles, qui consiste en sa rédaction par le gouvernement, son transfert à la Chambre des représentants, puis au Sénat (la deuxième chambre du Parlement), après quoi, il sera soumis au roi jordanien Abdallah II pour approbation, avant sa publication sur journal officiel.

Les députés jordaniens n’ont pas accepté l’idée d’importer du gaz d’Israël à un moment où des pays comme l’Algérie en exportaient des quantités importantes vers l’Europe et d’autres pays arabes.

Le représentant Musa Hantash, rapporteur de la commission de l’énergie au Parlement jordanien, n’avait nullement caché son étonnement, lorsqu’il a déclaré que « l’ambassadeur d’Algérie à Amman, Muhammad Bourouba , l’avait informé d’une offre de vente de gaz algérien à la Jordanie à des prix préférentiels, mais le gouvernement jordanien avait refusé pour des raisons non encore révélées ». Il n’a pas été possible alors, d’obtenir un commentaire officiel jordanien sur ces déclarations.

Le représentant jordanien avait alors déclaré qu’une délégation parlementaire se rendrait en Algérie après les élections présidentielles (qui se sont déroulées le 12 décembre 2019) pour donner suite à l’offre algérienne.

Cependant, il semble que cette visite n’ait eu lieu qu’en février 2023, compte tenu des conditions politiques que traversait l’Algérie à l’époque, et de la propagation de la pandémie du Covid-19 entre 2020 et 2021.

Et avec le retour au pouvoir de Benjamin Netanyahu, après la victoire de son parti en novembre dernier qui a accouché d’un gouvernement extrémiste, les inquiétudes du Royaume Hachémite et toutes ses institutions officielles, ont fini par donner raison aux mises en garde de la Première chambre, circonspecte à l’idée de livrer l’approvisionnement d’un produit de souveraineté à la bonne volonté du gouvernement extrémiste israélien.   

Faire de la Jordanie un centre de stockage et de distribution des produits pétroliers algériens ?

Il est remarquable que le ministre algérien de l’Energie, Mohamed Arkab, ait reçu une délégation parlementaire jordanienne au siège de son ministère le 21 février :  « Notre pays est engagé à étudier la possibilité d’approvisionner la Jordanie en pétrole brut, en gaz liquéfié et en gaz de pétrole liquéfié » a-t-il déclaré à l’époque, laissant entendre que la Jordanie pourrait bien devenir un centre pour le stockage et la distribution des produits pétroliers algériens, selon ce qui a été publié par les médias arabes.

Quelques jours après l’arrivée de la délégation parlementaire jordanienne en Algérie le 18 février, le ministre jordanien de l’industrie, du commerce et de l’approvisionnement, Youssef Al-Shamali, s’est également rendu à Alger, où il a reçu des promesses d’étudier la demande jordanienne de fourniture de gaz.

La visite d’Al-Shamali ne s’est pas limitée à soumettre une demande d’importation de gaz algérien, mais plutôt à inclure l’accord sur la feuille de route 2023 et 2025, visant à renforcer la coopération économique entre les deux pays. Cette visite a d’ailleurs été couronnée par un accord de réouverture des liaisons aériennes entre les deux pays après les fermetures causées par le Covid-190.

Il a également été convenu de « soigner les patients algériens dans 6 hôpitaux jordaniens ». La partie jordanienne a exprimé sa volonté d’investir dans le secteur des agricultures stratégiques en Algérie, tel le blé et l’orge.

Ce n’est pas la première fois que le Royaume de Jordanie affiche sa volonté d’investir dans le secteur agricole algérien, le groupe jordano -saoudien Astra Sukhothai a manifesté il y a de cela 17 ans, son intérêt à investir dans la culture stratégique.

Le « Astra Sukhothai Group » a déjà eu plusieurs investissements en Algérie depuis environ deux décennies, notamment dans les industries de la télécommunication et l’industrie pharmaceutiques, dirigées par la Canadian Pharmaceutical Factory. Il eut des expériences distinguées dans la production de blé en Arabie saoudite, selon des communiqués de presse de ses représentants en Algérie.

Une approche économique qui renforce les rangs politiques des Arabes

sommet de la ligue arabe. Alger

La courbe ascendante de coopération entre les deux pays, dont les échanges ne dépassaient pas les 232 millions de dollars en 2021, a en réalité commencé après la rencontre du roi Abdallah II avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune, en Algérie les 3 et 4 décembre 2022, lors d’une visite à Alger, qualifiée de cruciale par le Monarque jordanien.

Le roi jordanien s’est accordé avec le président Tebboune sur la nécessité d’élargir les horizons de la coopération bilatérales, notamment dans les domaines politique, économique, commercial, des investissements et de la défense.

Ce n’était pas la première rencontre entre les deux dirigeants, puisque Tebboune et Abdallah II ont eu des entretiens, en marge du sommet sur le climat, tenu au Caire en novembre 2022.

Le prince héritier jordanien, Hussein bin Abdullah II, a également participé au sommet d’Alger de la Ligue Arabe, début novembre, où il a bénéficié d’un traitement spécial par le président Tebboune.

La demande Jordanienne est-elle difficile à mettre en œuvre ?

Avant le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne le 24 février 2022, l’Algérie disposait d’un excédent de production de gaz, mais les pays Européens, cherchant à se passer du gaz russe se sont rués vers l’Algérie pour faire face à pénurie qui frappe leurs économies. Pris de cours par l’évolution des sanctions contre Moscou qui a boosté les commandes des autres pays fournisseurs, Alger ne disposait pas d’importantes quantités excédentaires pour répondre aux demandes de ses clients, notamment européens. Cela sans omettre qu’en plein essors, son économie devient de plus en plus énergivore.

L’Italie a bénéficié à elle seule du surplus de gaz algérien, qui a été vendu sur le marché libre, estimé à environ 4 milliards de mètres cubes, et a signé un accord pour accroitre l’approvisionnement en gaz de l’Algérie d’environ 9 milliards de mètres cubes jusqu’en 2024.

Le géant pétrolier algérien Sonatrach, a atteint sa capacité maximale de production de gaz naturel et liquéfié, qui s’élevait à 56 milliards de mètres cubes en 2022, un record depuis 2010.

Plusieurs pays européens sont entrés sur le marché de la concurrence pour le gaz algérien, comme la France, la Slovénie et le Portugal, ce qui rend techniquement difficile, mais pas irréalisable, de répondre à la demande jordanienne à moyen terme, compte tenu de l’énorme potentiel révélé par les nouvelles découvertes et investissements.

« La volonté politique a fait et peut faire son effet », nous confie une source proche du dossier. Le Président Tebboune qui s’est distingué par son front parler, est l’un des ardents défenseurs de l’idée qui stipule que la consolidation des rangs arabes vis-à-vis de l’entité sioniste et des antagonismes régionaux et internationaux, ne sera atteinte qu’en soutenant des partenariats stratégiques entre les pays arabes. Il a à plusieurs reprises, laissées entendre qu’aussi compliqués et hostiles soient-ils, les chamboulements internationaux peuvent au contraire, s’avérer favorables pour le partenariat entre pays arabe et entre pays du sud. La réactivation du Conseil supérieur de coordination stratégique entre l’Algérie et l’Arabie saoudite. Les accords pour le transport du GNL avec le Qatar les accords avec la Mauritanie, le Koweït en sont autant d’actions, incarnant cette approche.

C’est ce qui explique la demande du président Tebboune au géant algérien de l’énergie, Sonatrach, de chercher par tous les moyens à multiplier les efforts et les partenariats pour propulser les exportations de gaz algérien à 100 milliards de mètres cubes cette année.

Bien qu’atteindre ce chiffre à la fin de 2023 semble être une tâche difficile, l’Algérie investi environ 40 milliards de dollars pour développer le secteur de l’énergie pour aller de l’avant. Puis l’entrée en lice de compagnies internationales pour investir dans le secteur augmenterait la production algérienne en quantités assez importantes pour pouvoir répondre à la demande jordanienne, d’autant plus que ses besoins en gaz ne sont pas grands, comparés à des pays comme l’Italie , l’Espagne et la France , il est donc facile d’y répondre.

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