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Samuel Huntington, l’Algérie, et ceux qui « vendredisent » sans Boutef

Par Ali Hadj Tahar : 

Avec  son parcours  professionnel et artistique atypique, Ali Hadj Tahar est une des figures appréciée de la scène artistique et médiatique en Algérie. Fils de la Mitidja, Ali est journaliste-écrivain, plasticien et critique d’art. il est  réputé par sa franchise lorsqu’il s’agit de questions d’importance nationale ou régionale. En 1984, il commence sa carrière de journaliste professionnel à Révolution africaine, avant de travailler dans différents journaux et magazines, en se spécialisant dans la critique d’art. Dans les quotidiens El Watan, Liberté et dans la revue Tassili, il publie de nombreuses études sur l’art et la culture, l’art et la ville, l’art et la société ainsi que de nombreux portraits de poètes, d’écrivains. Il fait aussi connaître la vie et l’œuvre de nombreux artistes plasticiens algériens.  La scène algérienne attend avec impatience son nouveau livre Mon livre, « L’Algérie sans Boutef »,  qui sera prêt dans un mois.

Quo vadis XII. La majorité écrasante du Hirak II se compose de la classe moyenne et de la classe aisée. Évidemment en son sein il y a plein de FIS, de MAK, de protestants évangéliques, de gens sincères qui ne savent pas si Marx est protestant ou catholique, si Rousseau est psychiatre, si Spinoza est un cosmonaute, plein aussi de révolutionnaires « romantiques », de révolutionnaires de la 25e heure, d’agents de la 3issaba (le clan) qui ne veulent pas d’apaisement ni de calme afin de ne pas être touchés par la justice, ou afin d’influer sur la justice…

Tous vendredisent la main dans la main, du moins côte à côte, dans un compagnonnage étrange, au point qu’Einstein perdrait ses maths à cause d’une association de forces aussi opposées et contradictoires… Et même Marx, qui a souvent su concilier les forces ― comme le prolétariat et la bourgeoisie contre la monarchie et l’État féodal, par exemple ― y verrait une hérésie.

Le but des gens sincères parmi ceux-là est d’instaurer la « démocratie ». Noble. Mais ils ne disent pas quelle démocratie, car ils ne savent pas qu’il y a autant de démocraties que de pays démocratiques ou désignés comme tels. Celle des riches ou celle des pauvres ? Car en dehors des anciennes démocraties populaires à Cuba et en Chine, il y a deux types de démocraties dans le monde occidental, celle de l’État-providence qui protège un tant soi peu le faible, et celle qui laisse la machine capitaliste broyer les démunis.

Beaucoup veulent une démocratie à l’américaine, à la française, celle que l’opposition vénézuélienne veut imposer à Maduro, celle du néolibéralisme qui fait que 1% de la population mondiale est plus riche que les 99% restants (rapport de l’Oxfam, 2016). C’est pour cela que le Hirak parle d’islam, du FIS, du MAK, de berbérisme, de drapeau amazigh, de séparatisme, de laïcité, de liberté de religion, de dégagisme mais il ne parle jamais des droits des travailleurs, de l’appartenance étatique des richesses du sous-sol, de droits sociaux, du droit aux soins et à l’éducation gratuits… Ce sont là les caractéristiques des révolutions de couleurs, les révolutions de Soros et de la CIA.

Et des professeurs d’université, certains de sciences politiques, font partie de ces dégagistes, de ces yetnahaw ga3, en exigeant une démocratie en urgence. Ces professeurs croient qu’on peut avoir une démocratie d’un claquement de doigts, juste avec une constituante ou en renversant la table du pouvoir pour mettre de nouvelles têtes. Ils ne connaissent ni Ralf Dahrendorf ni les scientifiques qui ont traité de la démocratie et des étapes de la transition dont la durée prend des décennies, à une vitesse variant selon les domaines. Dahrendorf explique que « si, en principe, on peut achever l’établissement des bases et institutions primaires de la démocratie politique et effectuer le passage à l’économie de marché en six ans, la (ré)émergence d’une société civile indispensable pour le fonctionnement efficace de la démocratie prend toute une génération, c’est-à-dire soixante ans » (M. Heiki Sibul).

Nos spécialistes algériens (dont des sociologues!!!) réinventent le concept d’ »État civil » car ils ne connaissent ni Samuel P. Huntington ni les autres spécialistes de la sociologie militaire qui traitent de la relation civils-militaires en politique, et du Civilian control of the military.

Il est logique qu’Ali Belhadj ne connaisse pas le concept de Contrôle civil du militaire (inventé par Huntington en… 1957) et qu’il refuse d’utiliser le terme de démocratie qui n’est pas compatible avec la dawla islamiyya et la choura. Il a alors donné un nouveau sens au terme « État civil »… Mais que des professeurs d’université le suivent…

Le fait que des profs de journalisme, de sociologie et de sciences politiques ne connaissent pas le concept de « Contrôle civil du militaire » et parlent d' »État civil » est désespérant!

Note : Samuel P. Huntington, The Soldier and the State: The Theory and Politics of Civil-Military Relations, 1957.

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