Par Ahmed Halfaoui
En Tunisie comme ailleurs, les islamistes dans leur rôle historique
Le 29 novembre 2012, en Tunisie, après que la police a tiré à la chevrotine sur les manifestants à Siliana, Hamadi Djebali, alors chef du gouvernement tunisien, a déclaré : « Dans ce moment difficile où la police est attaquée, on se trouve confronté à un dilemme : ou bien on livre les policiers à leur destin, ou bien ils se défendent et défendent l’intérêt du peuple. »
Djabali était le numéro 2 d’Enahdha, cette section de la confrérie des Frères musulmans en Tunisie. Moins de deux ans ont passé, depuis que le « frère » était encore un opposant au pouvoir des Bourguiba-Benali, sous l’étendard islamique.
Moins de deux ans, aussi, ont passé depuis que ces mêmes manifestants ont participé à la « révolution du jasmin », qui a obligé l’armée à destituer Benali et permis à Djabali d’être porté aux sommets du nouveau pouvoir, censé représenter les intérêts des révoltés et bannir les injustices et les inégalités et qui représente désormais le système économique qui continue de les reproduire. Celui de Benali, inchangé, encensé par les institutions financières internationales.
Cet épisode de la gouvernance « frériste » donne les raisons profondes qui ont poussé le camp atlantiste à soutenir les courants islamistes. Il s’agissait de contenir ou de détruire le communisme et les nationalismes (par trop ennemis de la «libre-entreprise »).
Peut-être, de même, on a pu observer, dans le passé, que, nulle part, les islamistes n’ont porté le drapeau indépendantiste des mouvements de libération, se confinant à l’éducation religieuse et aux œuvres de charité, loin de la politique.
Assurément, les atlantistes ont su investir. Les islamistes ont joué un rôle majeur dans l’affaiblissement des Etats-nations et dans la quasi disparition des courants communistes, dans les pays arabes et assimilés. Plus, arrivés au pouvoir, au Maroc, en Tunisie ou en Egypte, ils ont applaudi aux règles draconiennes du Fonds monétaire international et de la grande finance et font des courbettes à Washington et aux capitales européennes.
[blockquote align= »right » author= »Karl Marx »]La misère religieuse est, d’une part, l’expression de la misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle.[/blockquote]Karl Marx
Ainsi, le mécontentement populaire, nécessairement généré par la mondialisation capitaliste, ne trouvera plus que le drapeau religieux pour s’exprimer, soit pour se mettre sous la coupe des islamistes « modérés », soit pour se fourvoyer dans des guérillas désespérées, à la sauce Al-Qaïda ou Daesh, plus utiles à justifier l’interventionnisme impérialiste, qu’à réaliser la moindre aspiration des insurgés.
C’est que le monde est en train de constater. Car la part est belle. Les bombardiers et les drones et les Gi’s et autres « Marines » ou « Boys », ne massacrent pas des révoltés de la misère, mais des fanatiques religieux qui, eux-mêmes, n’ont pas d’autres cris de guerre que de tuer les « ennemis d’Allah » et d’œuvrer à l’avènement du Califat sur terre. Donc, pour un temps au moins, la demande sociale est occultée ou ne s’exprime que très peu en pays soumis à la terreur religieuse, alors que se projette, jusqu’au cœur des bastions du capitalisme, les « peurs » utiles à la stratégie des restrictions des libertés publiques, à travers les « Patriot-act » et autres « Etat-d’urgence ».
Là, le rôle des desperados de l’Islam, par les crimes inqualifiables qu’ils commettent, est de se faire les alliés objectifs des gouvernements occidentaux. Ils leur offrent de précieux arguments pour le verrouillage des espaces d’expression et l’isolement, par la communautarisation et/ou la stigmatisation de leurs citoyens « issus de l’immigration » musulmane, afin de les isoler du corps social bouillonnant et de les éliminer du front social. D’autant qu’ils sont les premières victimes des « réformes économiques» et de la « crise » et des restrictions des budgets sociaux.
Par-là, il apparaît la vanité de considérer le champ de bataille actuel, sous le prisme manichéen, « civilisation » versus « terrorisme », proposé par des « spécialistes » médiatiques de l’Islam, mercenaires d’une propagande concoctée par les stratèges de la refondation du monde au service de la prédation et du profit. Un Islam coupé des réalités morbides, dans lesquelles vivent ses adeptes et d’où se nourrit le djihadisme, une version dévoyée de la lutte pour la survie.
Barbarie des puissants contre barbarie des faibles, la seule mise en spectacle et dénoncée.
Ahmed Halfaoui