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Mohamed Dib, un père fondateur de la littérature algérienne d’expression française

Par: Ahmed Zakaria

 L’Algérie commémore aujourd’hui le centenaire de la naissance d’un des pères fondateurs de la littérature algérienne d’expression française, Mohamed Dib a œuvré pour  affirmer la personnalité et la revendication de liberté de son pays et de son peuple.

Tous les verbes dont il avait fait usage incarnent son élégance, quand Mohamed Dib décidait d’en faire usage pour se venger de la réalité coloniale. Son écriture agissante exige la saisie lucide de l’intemporalité de sa révolte. La présence de tout mot, tout personnage qui a existé dans ses oeuvres, quelle que soit sa condition, exige l’engagement critique de ceux qui le lisent. C’est comme s’il ne savait faire que ça. Il a écrit l’Algérie dans une langue qui n’est pas la sienne, mais celle de son oppresseur. A l’instar de Assia Djebbar, Mouloude Feraoun, Kateb Yacine, Frantz Fanon et plein d’autres écrivains algériens d’expression française, Mohamed Dib a fait voyager son pays avec ses traits rebels partout dans le monde, en créant une literature subtile avec une langue française bien différente de celle dont on voulait lui endosser.

Auteur prolifique il a fait son entrée dans le champs littéraire en publiant coup sur coup « La grande maison » en 1952, « L’incendie »en 1954, et « Le métier à tisser » en 1957, une trilogie qui suffira à brosser le tableau de la vie de l’Algérien marginalisé et noyé par la misère et les affres du colonialisme en disant « nous avons été quelques-uns à sentir ce besoin de nommer l’Algérie, de la montrer ».

Né le 21 juillet 1920 à Tlemcen, Mohamed Dib, qui avait déjà exercé en tant qu’enseignant, comptable, dessinateur ou encore fabricant de tapis, a publié son poème « Eté d’elle » en 1946, dans la revue suisse « Lettres », suivi en 1947 de « Véga » dans la revue « Forge » dirigée à Alger par l’écrivain français Emmanuel Roblès, fils d’ouvrier qui a gravit les echelons de l’élite culturelle française pour se dresser à l’avant garde des européens anti coloniaux.

Le trauma, de la colonisation hante tous ses écrits pratiquement. La guerre d’Algérie s’est installée grâce à Mohamed Dib et grâce au mouvement de décolonisation qui affecta les empires occidentaux après la Seconde Guerre mondiale. Ce mouvement a été porté par des algériens des africains, des latino américains, mais aussi par des européens, des français qu’on surnomme les « justes ».  Tous  ont porté le fardeau de la lutte contre l’injustice et la colonisation dans leur cœurs d’Hommes, dans les mots et même dans les valises. Certains ont payé de leurs vies. Dib a brillé par son parcours atypique. Il était bien plus majestueux que le monde où l’on voulait confiner ses compatriotes et où il puisait en même temps, sa différence.

En 1948, lors d’une rencontre organisée par le mouvement de jeunesse et d’éducation populaire à Blida, il fait la connaissance d’Albert Camus, Jean Sénac et de Jean Cayrol, ce dernier va publier ses premiers romans en France.

A la sortie de son roman « La grande maison » il travaille en tant que journaliste à « Alger républicain » et a pour collègue celui qui deviendra le célèbre auteur de « Nedjma », Kateb Yacine.

Lors du déclenchement de la guerre d’Algérie Dib n’a pas pris les armes, son maquille était l’écriture et la subtilité était sa meilleure arme pour prendre part au conflit.  Toute son œuvre est imposante tant par ce qu’elle dit que par la manière dont Dib entend le dire, ou le chuchoter, ou le faire entendre par des voix diverses. La question algérienne est devenue grâce à sa plume, une affaire de conscience humaine.

Après le recueils de nouvelles « Au café » (1955), le roman « Un été africain » (1959) et les contes pour enfants « Baba Ferkane » (1959), Mohamed Dib entame un nouveau cycle romanesque avec « La danse du roi » (1968), « Dieu en barbarie » (1970) et « Le maître de chasse » (1973) qui explorent la société algérienne post-indépendance.

L’auteur gagne encore en notoriété auprès du grand public algérien avec l’adaptation par la télévision de « La grande maison » et de « L’incendie » en feuilleton intitulé « El Hariq », réalisé en 1972 par le géant du cinéma Algérien Mustapha Badie.

A cette période Mohamed Dib avait enseigné aux Etats-Unis et se rendait régulièrement en Finlande pour des travaux de traduction d’écrivains finlandais ce qui donnera également naissance à une « trilogie nordique » publiée à partir de 1989 comprenant « Les terrasses d’Orsol », « Neiges de marbre » et « Le sommeil d’Eve ». Une trilogie intime faisant l’anatomie de l’amour et la séparation.

Son oeuvre continue de s’enrichir avec des textes pour le théâtre comme « Mille hourras pour une gueuse » présentée au Festival du théâtre d’Avignon en France, ou le récit poétique « L’aube d’Ismaël » (1996) adapté récemment sur les planches.

Disparu en 2003 à l’âge de 82 ans, Mohamed Dib aura laissé une oeuvre considérée comme « la plus importante de la production algérienne en langue française » de l’avis de l’universitaire Naget Khadda.

Depuis 2001 l’association culturel « La grande maison » oeuvre, avec le consentement de l’auteur de son vivant, à promouvoir l’oeuvre dibienne, à l’organisation d’ateliers d’écriture, de théâtre de cinéma et de dessin, à rendre accessible un fonds documentaire important et à assurer la relève avec la création du Prix littéraire Mohamed Dib.

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