Par | Ahmed Zakaria
La cheffe du gouvernement italienne a été reçue en audience au Palais de Carthage, par par le Président de la République tunisienne, Kaies Saied. les discussions ont duré près de 2 heures.
Meloni avait été accueillie le matin à l’aéroport de Tunis-Carthage par la première ministre tunisienne, Najla Bouden, avec qui elle avait eu une conversation plus longue que prévue. L’Italie confirme son soutien « tous azimuts » à la Tunisie, a déclaré Meloni à l’issue de la rencontre.
A son arrivée au Palais de Carthage, le Président Saied l’a accueillie en déclarant : « C’est une femme qui dit ce que les autres pensent tout bas ». Des sources italiennes font également état d’un « bon feeling » entre les deux dirigeants, démontré également par le fait que les pourparlers se sont prolongés au-delà de la rencontre bilatérale officielle pour un échange de points de vue.
A l’issu de sa rencontre avec le maître du Palais de Carthage qui refuse catégoriquement de se plié aux pressions des institutions financières et l’Union Européennes, et tout en soulignant que « les négociations avec le FMI restent « fondamental », Meloni a assuré que l’Italie soutient la nécessité qu’elles soient menées avec une vision plutôt « paritaire et non paternaliste et prédatrice ».
L’Union européenne fera-t-elle payer Rome le prix de son entêtement à reconstruire ses relations stratégiques avec ses voisins de la Rive Sud?
« j’ai fait part au président Saied des efforts qu’un pays ami comme l’Italie déploie pour tenter de parvenir à une conclusion positive et correcte de l’accord de financement de la Tunisie avec le FMI, qui reste fondamental pour un renforcement et un redressement complet du pays. a-t-elle souligné, affirmant que son pays a mené une action de soutien à la Tunisie dans les négociations avec le FMI, tant au niveau de l’UE qu’au niveau du G7.
« La stabilisation du cadre politique et sécuritaire, la croissance de la démocratie en Tunisie est essentielle pour la Tunisie, mais aussi pour l’Italie, afin qu’ensemble nous puissions atteindre des potentiels qui sont extraordinaires de notre point de vue », a déclaré Meloni. « En cette période difficile sur la scène internationale – a ajouté le Premier ministre – j’ai voulu confirmer le soutien total de l’Italie au président Saied.
Dans le même lancée, Georgia Meloni a affirmé que la stabilité de la Tunisie demeure une question cruciale pour son pays d’autant plus que les deux pays aspirent à devenir deux carrefours fondamentaux pour l’approvisionnement en électricité, respectivement en Europe et en Afrique, grâce à la construction du câble électrique sous-marin ElMed.
La visite de Meloni intervient alors que les pays européens mènent une véritable course souvent démesurée, pour faire face à la présence croissante de sérieux concurrents comme la Chine et la Russie dans la région. Ne partagent pas tout à fait, la même approche sur les relations avec la Tunisie, notamment en ce qui concerne le problème des flux migratoires illégaux et la questions de la gouvernance, l’UE reçoit à chaque fois des appels à l’apaisement de la part des gouvernements successifs italiens.
S’agissant des négociations avec le Fonds monétaire international, le président de la République a renouvelé son rejet de tout diktat. Dans ce sens, Saied n’a pas mâché ses mots en critiquant « ceux qui prescrivent des ordonnances toutes faites » les qualifiant « médecin qui rédige une ordonnance avant de diagnostiquer une maladie ». Pour lui, ces recommandations vont faire exploser la situation et n’affecteront pas que la paix civile en Tunisie, mais celle de toute la région sans exception.
Le chef de l’État tunisien a profité de l’occasion pour évoquer qu’à défaut de resituer les biens tunisiens détournés dans les banques européennes, l’annulation des dettes qui pèsent sur l’État tunisien et leur conversion en projets de développement serait une solutions faisable.
Sur le dossier du flux de migration irrégulière fréquemment utilisé comme une épée Damoclès à chaque différend entre Tunis et Bruxelles, Le président Tunisien a indiqué qu’on qualifie souvent la migration de clandestine ou d’irrégulière, alors qu’il s’agit en réalité de migration « inhumaine« .
Le président tunisien a souligné que ce phénomène, qui s’aggrave de jour en jour, ne peut être abordé que collectivement et a appelé à une solution commune dans le cadre d’un sommet regroupant tous les pays concernés, que ce soit du sud de la Méditerranée, de l’Afrique subsaharienne ou du nord de la Méditerranée:
« Tous les chemins ne mènent plus seulement à Rome, mais à Tunis aussi ». Ce n’est pas normal, ni pour la Tunisie ni pour les pays vers lesquels affluent les migrants« , a soutenu Saïed, qui a évoqué l’existence de réseaux criminels qui font le trafic d’êtres humains et d’organes et qui opèrent entre les pays africains et les pays du nord de la Méditerranée.
Le président soutient dans ce sens l’approche du président algérien Abdelmadjid Tebboune en affirmant que la solution contre ce fléau « ne peut être sécuritaire, mais de s’attaquer collectivement aux causes pour insuffler l’espoir dans le cœur des migrants pour qu’ils ne quittent plus leurs patries, et cela en œuvrant intensivement sur les plans économique et social ».
Alors que certains pays européens, s’accrochent encore aux méthodes classiques basées sur les pressions politiques et médiatiques, l’Italie qui garde en mémoires les lourdes conséquences des ingérences européennes en Libye ayant finies par un bourbier incandescent, préfère l’approche pragmatique, qui tient compte des besoins de l’un des plus grands partenaires en Afrique du Nord.
Pour sa part Rome depuis la crise ukrainienne ne cache pas sa volonté de reconstruire avec une approche globale, ses rapports les pays voisins de la rive sud de la méditerranée, prône des actions qui parfois, lui attirent une certaine mésentente de la part de ses partenaires au sein de UE.
En août 2022, les chiffres de l’Institut national de la statistique (INS) relatifs aux échanges commerciaux de la Tunisie pour le premier semestre 2022 ont placé l’Italie comme le premier partenaire commercial de la Tunisie, devant la France. L’échange entre les deux pays a atteint 10.786,2 MD (soit 3,43 milliards d’euros), contre 10.735 MD, pour la France. Une croissance donc des échanges de 27,24% par rapport à la même période en 2021.