Par | Carla Biguliak
Les conséquences économiques de la mauvaise gestion de la pandémie et de la guerre en Ukraine, aggravées par une sécheresse majeure et historique au Maroc, entraînent le pays dans une spirale inflationniste vertigineuse qui frappe de plein fouet les ménages les plus pauvres. Dès la fin de l’année 2022 une étude du Haut-Commissariat au Plan marocain, l’institution chargée de la production statistique au Maroc, rapporte que « 3,2 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté (1,15 millions) ou dans la vulnérabilité (2,05 millions)« .
Selon une autre étude réalisée par le même organisme, l’inflation annuelle a atteint le chiffre alarmant de 8,2 % au cours du mois de mars 2023, « conséquence de la hausse de l’indice des produits alimentaires de 16,1 % et de celui des produits non alimentaires de 3,0 %« . Il s’agit du pic d’inflation le plus élevé de ces 30 dernières années.
Toujours selon cette étude, les produits alimentaires qui ont le plus augmenté sont les fruits (3,4 %), le poisson et les fruits de mer (2,2 %) et les produits laitiers et le café (0,3 %). Cela signifie que ce sont les familles les plus pauvres les plus touchées par l’inflation, car les produits alimentaires représentent une part plus importante des dépenses des ménages les plus pauvres. Dans ce sens, un rapport de la Banque mondiale montre que « l’inflation annuelle peut être 30 % plus élevée pour le décile le plus pauvre que pour le décile le plus riche« .
Les causes d’un tel pic d’inflation sont multiples. Outre les ravages économiques causés par la mauvaise gestion de la pandémie, la guerre en Ukraine a entraîné une hausse des prix des céréales, des huiles alimentaires, des carburants et des engrais. L’économiste Najib Akesbi explique à Libération qu’au Maroc, « il s’agit d’une inflation liée aux coûts à l’importation. La part des échanges internationaux dans l’économie marocaine est très importante et la dépendance est forte, en particulier dans les domaines alimentaire et énergétique ». En plus de cela, le Maroc traverse la pire sécheresse depuis quarante ans, ce qui a entraîné une baisse de 17,3 % de la production agricole selon la Banque mondiale, impactant fortement la production céréalière.
Mais si les dirigeants marocains s’inquiètent de cette hausse du coût de la vie, ce n’est pas par « compassion » à l’égard des familles ouvrières et populaires. Non, leur inquiétude est focalisée sur la possibilité de mécontentement et de révoltes populaires profondes comme on a pu le voir par le passé dans la région avec le « Printemps Arabe » parti de la Tunisie, ou plus récemment des révoltes comme celle au Sri Lanka, voire la profonde crise sociale et politique que traverse la France actuellement.
En effet, les conséquences économiques et sociales de la guerre en Ukraine ainsi que celles de la crise climatique pourraient remettre à l’ordre du jour l’irruption des masses entraînant la chute de régimes dans les pays de la périphérie capitaliste. Ce serait effectivement la meilleure réponse de la part des travailleurs et des classes populaires. La question reste celle de savoir si cette fois les exploités et opprimés de la région pourront tirer les leçons des mobilisations du « Printemps Arabe ».
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