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Lettre d’opposants chiliens: nous n’avons peur ni de la répression militaire, ni d’affronter le néo-libéralisme !

Un pays qui a servi de laboratoire au néolibéralisme. Depuis des années sa guerre sociale a fait que les chiliens vivent depuis des années à crédits, car toutes les richesses du pays sont mises sous tutelles des multinationales. Les inégalités se creusent de jour en jour, entre les riches et les pauvres, les chiliens d’origines européennes et les autochtones amérindiens qui vivent dans des conditions déplorables, notamment au sud du pays.  Le Chili n’est attaqué ni par la horde barbare de Daesh ni par L’OTAN ni par un rival opposant fabriqué à la vénézuélienne, dans les laboratoires de la maison blanche. Pourtant le président  Sebastián Piñera, pur produit de l’ultralibéralisme et lui-même à la tête d’une grosse fortune s’élevant à 2,8 milliards USD, a eu la main rapide à la gâchette. Il a déclaré le Chili en état de guerre. Des morts des séances de tortures à Pinochet, refont surface. Les chiliens sont déterminés à en finir avec la machine à broyer du FMI les rêves de liberté. Déjà la semaine n’est pas achevée et les premiers martyrs commencent à tomber. Dix sept morts, des centaines de blessés et détenus pourchassés de jour comme de nuit, par les chars des forces spéciales. Nous publions une lettre d’un opposant chilien qui dresse le portrait de la révolte chilienne. Il appelle entre-autre à boycotter la COP 25 qui devait se tenir à Santiago du 2 au 13 décembre. Il est hors de question que cette rencontre se « tienne au Chili sous les baïonettes de l’armée  qui nous ramènerait 46 ans en arrière après le 11 septembre 1973.» 

Ahmed Zakaria

La COP 25 ne doit pas se tenir au Chili à l’ombre des baïonnettes !

11 morts, des centaines de blessés, plus de 2000 arrestations après un week-end d’insurrection. Comme sous la dictature militaire du général Augusto Pinochet (1973-1990), l’armée tire sur les manifestants.

Laboratoire du néo-libéralisme sous l’impulsion de l’école de Chicago, le Chili a longtemps été présenté comme le miracle de l’Amérique latine par le FMI et la Banque Mondiale, oasis de stabilité politique et de succès économiques. La réalité du pays est autre : un consensus néo-libéral, imposé par la force. La fin de la dictature n’a pas mis fin à une constitution autoritaire, -celle de la junte militaire, et encore moins à une politique économique fondée sur la liberté totale du marché et son « ruissèlement ». Plus de 30 ans après le plébiscite perdu par Pinochet, en 1988, le Chili demeure, selon l’OCDE, un des pays les plus inégalitaires. En 2017, 1% de la population a capté 26,5% de la richesse.

Les chiliens, plus que d’autres latino-américains, vivent à crédit, dans une société où tout a été privatisé : l’éducation, les transports, la santé, l’énergie, etc. On se soigne, on étudie au prix d’un endettement qui hypothèque toute velléité de contestation ou de révolte, car sans emploi, vous ne pouvez pas compter sur les filets de sécurité que constituent des services publics et un système de protection sociale quasi inexistant dans le pays. Plus de 30%, des revenus d’un ménage chilien sont en moyenne consacrés, au remboursement d’emprunts bancaires. Une majorité de salariés gagne à peine davantage que le salaire minimum, les retraites permettent à peine de survivre.

C’est dans ce contexte que depuis quelques jours, l’augmentation, pour la deuxième fois de l’année, du prix du ticket de métro, utilisé par trois millions d’habitants de l’agglomération de Santiago, a mis le feu aux poudres. Santiago est une capitale surpolluée et asphyxiée par la voiture.

Le mouvement insurrectionnel a d’abord été lancé par la jeunesse lycéenne, étudiante et précaire, par les enfants des classes populaires et moyennes qui n’ont que leur salaire pour vivre et rembourser leurs emprunts, par les petits enfants de ces retraités qui après une vie de labeur touchent des pensions de misère.

La question des déplacements et du coût de la mobilité est un enjeu politique crucial, dans une ville où la ségrégation spatiale est brutale

Cela n’est pas sans rappeler les grandes manifestations à Sao Paulo en 2013, les insurrections populaires contre l’austérité en Equateur, au Liban ou en France, le mouvement des Gilets Jaunes, né du refus de l’augmentation des impôts touchant les carburants.

La rapidité avec laquelle le mouvement s’est répandu, aux grandes villes du nord du pays, qui n’ont pas de métro, dit la profondeur du mécontentement social du pays face à un gouvernement aux recettes néolibérales les plus éculées, et la manifestation d’une conscience populaire qui se traduit par l’exigence d’une vie digne et du droit à décider de son avenir.

Cette mobilisation c’est aussi la fin de la peur. Cette jeunesse n’a pas peur de l’affrontement avec les forces de l’ordre et les militaires, elle ne compte pas rentrer docilement chez soi sans obtenir de victoire. La déclaration de l’état d’urgence avec instauration d’un couvre-feu ne semble guère avoir suscité une démobilisation.

Les déclarations martiales du Président Piñera déclarant le Chili en état de guerre manifestent l’incapacité de la droite chilienne à ouvrir le dialogue avec un mouvement qui, partant de la question du prix du ticket de métro, vient à contester le système économique et social. Le maintien de l’ordre a été délégué par le pouvoir politique non à la police mais à l’armée comme aux heures sombres de la dictature. Héritière de la dictature, la droite chilienne au pouvoir semble incapable d’imaginer une réponse qui ne soit pas répressive. « No es por 30 pesos, es por 30 anos » – « ce n’est pas pour 30 pesos mais pour ces 30 dernières années », crient les chiliens.

PEPS appelle à la solidarité avec le mouvement populaire chilien et à soutenir toutes les manifestations pour dénoncer la répression, demander la libération de toutes les personnes emprisonnées et satisfaire les revendications du mouvement.

PEPS demande à toutes les associations, mouvements et organisations écologistes à exiger que la COP 25 qui devait se tenir à Santiago du 2 au 13 décembre ne se tienne pas au Chili. Discuter du réchauffement climatique sous les baïonettes de l’armée nous ramènerait 46 ans en arrière après le 11 septembre 1973.

Fin du monde, fin du mois même combat !

Pour PEPS, Sergio Coronado,

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