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L’Algérie face à la guerre cognitive: la perception, ce premier poste de défense…

Aucun Etat ne décide de votre vision du monde, un algorithme détermine en revanche ce que vous voyez…   

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Par | Ahmed Zakaria


Depuis la généralisation du digital dans la quasi-totalité des activités humaines, la cognition sera l’un des enjeux essentiels des guerres de demain. Cet état de fait doit beaucoup à la posture polémologique dominant les relations internationales suite à l’effondrement des frontières et du droit international transformant, ainsi, la perception comme première cible susceptibles d’attaques hostiles, mais aussi pièce maîtresse d’une immunité cognitive à inventer

Lors d’un séminaire qui a réuni Intelligentsia académique, politique et militaire, le Général d’Armée algérien Saïd Chengriha, a prononcé une allocution dressant une description aussi dure que poignante éclairant les angles morts d’un monde en plein effervescence corseté par des alliances imprudentes entre puissances, Etats proxy et certains acteurs mondiaux du monde numérique. Ce qu’il y a eu à retenir est glaçant : leur soutien au droit international est comme le soutien d’une corde à un condamné à mort.

A ce propos, Chengriha a souligné l’importance de multiplier les débats et recherche sur le thème de la guerre cognitive, dans un contexte  où les stéréotypes polémologiques des relations internationales donnent une importance de plus en plus grandissante à l’espace anthropique de l’individu et sa cognition, ce qui par conséquent, a relégué les rapports de force en marge du droit international : « Le contexte géopolitique régional et international, caractérisé par d’importantes mutations, la complexification des crises et l’enchevêtrement des menaces, rend difficile toute lecture prospective de l’évolution de celles-ci », a-t-il affirmé, ajoutant que « ceci est d’autant plus vrai que les puissances actuelles et celles émergentes sont en compétition acharnée pour étendre leur influence et imposer leur contrôle sur les ressources et les richesses des pays du Sud, sans tenir compte des éventuelles retombées sur la sécurité régionale et internationale et sur le droit des peuples en développement de vivre dans la sécurité, la paix et la dignité ».

Ces propos d’une précision décapante, dressent une carte complexe sur la réalité des défis qui caractérisent le passage vers une nouvelle ère, mais aussi une nouvelle particularité: les nouvelles guerres ne sont désormais pas une affaire des seules armées ou une question de frontières, puisque la principale démarche dans la gestion des conflits, commence par transformer la perception en une cible prioritaire.

En terme militaire, l’hétérogénéité des mises en œuvre techniques de la guerre cognitive dans les nouvelles formes d’antagonismes géopolitiques  produisent souvent, une catégorisation opératoire complexe et malcommode. Elle doit donc, nécessairement mobiliser toutes les forces vives d’une nation.

En effet, suivant le prisme occidental en général et américain en particulier, les récits nationaux prennent une place incontournable dans les guerres cognitives, puisque c’est autour du « story telling » (un concept du marcketing), que les techniques opératoires les guerres du 21e siècle s’articulent. La guerre informationnelle, les PsyOps (opération psychologique), l’influence, la cyberguerre, le lawfare (le droit comme arme de guerre), ou encore le sharp power (polarisation diplomatique ou sociétale), sont mentionnés lorsqu’il s’agit d’approcher la guerre cognitive.

C’est d’ailleurs sur ce sujet que Chengriha a souligné que le colloque organisé la semaine dernière, « traite une des formes de guerres les plus dangereuses pour la conscience des peuples et la stabilité des Etats, a pour objectif de mettre la lumière et surtout de prendre conscience de la gravité stratégique de ce qui pourrait se tramer contre notre pays, par l’exploitation des technologies des guerres de 5ème génération. Exemple en est, les pratiques sournoises exercées ces derniers temps par des parties hostiles à l’Algérie, en raison de son attachement à ses positions constantes et à sa décision souveraine, ainsi que de son soutien aux causes justes à travers le monde »,

Dans la même lancée, il a mis l’accent sur « l’impératif, de mobiliser l’ensemble des acteurs nationaux de fédérer leurs efforts afin de lutter efficacement contre les desseins hostiles et remporter les enjeux de développement initié par le président Abdelmadjid Tebboune ».

Le Général des armées a insisté sur ce point qu’il appartient « à l’ensemble des acteurs nationaux, à savoir les institutions de l’Etat, la société civile, les élites et toutes les catégories de citoyens. En d’autre terme, une armée peut défendre les frontières, les intérêts et les infrastructures stratégique ou encore maitriser sans l’engagement de la société civile les élites et les institutions de d’une nation.

La guerre cognitive et la citoyenneté numérique

Comment la guerre cognitive a troqué le concept des frontières et pourquoi n’est-elle plus que l’apanage des seules armées ?

Avec les défit des guerres modernes, les frontières muent selon les objectives et les degrés de nuisances qu’on veut apposer contre un groupe, une population ou une entité politique. Désormais la guerre cognitive ou la guerre de perception, est devenue le fer de lance de toutes puissances qui entends conquérir où défendre un espace économique, social ou culturel, car c’est par là où se rencontrent les frontières physiques et symboliques et où commence toute domination sur les espaces géopolitiques.

L’Algérie par sa position géopolitique et son capital historique doit, à l’instar des pays du Sud Global, qui aspirent à passer au rang de pays émergents, fait face depuis les années 90 à toutes les formes de guerres asymétriques. L’échec de ces tentatives ont poussé, depuis quelques années, certains acteurs géopolitiques à cibler le voisinage et la profondeur stratégique de l’Algérie, ce qui forte heureusement, n’est pas passé sous les radars de la perception commune de la société, qui a pourtant, été l’une des principales cibles durant tout la décennie du printemps arabe.

L’arrivée de Abdelmadjid Tebboune à la tête de l’Etat algérien suite à une insurrection citoyenne pacifique contre l’oligarchie politique qui a affaibli l’Etat, a été marquée par le retour de l’Algérie sur une scène international dominée par des guerres d’influences peu communes.

La réorganisation de l’ordre mondial par des méthodes non conventionnelles a encore une fois, forcé plusieurs pays du Sud, dont l’Algérie, à réfléchir à la question du récit national comme premier bouclier immunitaire et principale plateforme pour l’édification d’une citoyenneté numérique.

 Celle-ci doit être élaboré consolider le consensus national sur les caractéristiques du principe de la souveraineté nationale en redonnant à aux profondeurs stratégiques et culturelles leurs importance pour la réédition du récit national en tant que qu’espace vécu et imaginaire.  Cela passe par l’implication de l’individu en tant que première frontière potentiellement vulnérable, au projets économiques, sociaux et culturels. Cela explique quelque part l’insistance du président Tebboune sur l’importance déterminer les échéances comme moteur psychologique.     

Par ailleurs, à différentes occasions, lors de ses interventions, Tebboune opte sciemment pour le langage accessible à tous,  et n’hésitant pas à user des proverbes ancestraux comme « punch line« , afin  de toucher d’exprimer la gravité de la souveraineté numérique dans les projets sociaux économiques qu’il a initiés, ainsi que le contexte régional et internationale, où les consciences guidées par le diktat de l’algorithme et les réseaux sociaux, plébiscitent aussi bien, les rapports de force entre Etats, qu’un buzz  sur les réseaux sociaux, lancé à partir d’une bourgade reculée.

Ce genre de guerre entre forces rivales ou ennemies, se déroulent au-delà du bien et du mal et les frontières géographiques. L’analyse de l’influence du monde numérique ainsi que la sensibilisation sur ses défis, permettent de protéger ses capacités et son autonomie de réflexion et de prise de décision, qu’elle soit politique ou économique ou sociale.

Pour le président algérien, L’édification de la souveraineté numérique n’est pas un projet technologique, mais un projet sociétal, il s’agit d’édifier une citoyenneté numérique. Pour cela il faudra une vision une stratégie où l’individu, son espace anthropique et la culture doivent occuper le centre de cet enjeu.  

Le ton parfois offensif du discours algériens quant aux nouvelles formes de gestions des générations nouvelles de crises mondiales et régionales, s’explique par les douloureuses expériences que l’Algérie a pu surmonter depuis les années du terrorisme, jusqu’au scandale de « Pegasus« , en passant par l’épisode du printemps arabe qui a redéfini la carte sociopolitique du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, auquel l’Algérie a encore une fois pu échapper, mais le récit national à construire a pris sérieusement du plomb dans les ailes.

L’épisode du printemps arabe, où les sociétés civiles étaient au centre des belligérances pour la reconfiguration des cartes géopolitiques, a été un tournant décisif est une démonstration vivante de ce que signifie une guerre cognitive, qui désormais, ne concerne plus que les armées. Son danger prend toute son ampleur lorsque des groupes d’intérêts extra étatiques, s’impliquent aux enjeux et aux conflits pour en tirer profit.

Le scandale de Pegasus en est une parfaite illustration. Il s’agit, rappelons le, d’un logiciel développé par un laboratoire israélien NSO, où le Maroc a  encore une fois,  a brillé par son rôle de tirailleur de premières lignes. Le laboratoire dirigé par un ancien officier du Mossad a mis à disposition du Royaume alaouite le logiciel pour espionner ses opposants, mais pas que…

Afin d’éviter une confrontation directe avec leurs alliés, les israéliens ont utilisé les services marocains pour espionner des personnalités de l’élite politiques européennes et africaines. La nature importante des cibles dépassent de loin les intérêts du régime marocain qui doit pourtant, sa survie grâce à ces mêmes cibles. La précision des agendas médiatiques, les compagnes d’influence extrêmement précis, en disent long sur l’origine de ceux qui en profitent.

L’autre exemple pas moins grave, n’est autre que le scandale FacebookCombridge Analytica, qui se sont retrouvés en 2018 au cœur d’un scandale mondial, pour avoir organisé le « siphonage » des données personnelles de 87 millions d’utilisateurs de Facebook dans le but d’orienter l’opinion public à travers des messages d’influence favorables au Brexit au Royaume-Uni et à l’élection de Donald Trump aux ÉtatsUnis en 2016.

« Bien que la plus grande attention ait été portée à ce qui s’est passé aux États-Unis et au Brexit, Cambridge Analytica et son prédécesseur, SCL Group, ont travaillé dans des pays du monde entier, en particulier dans les pays en développement, pour manipuler les opinions pour leurs clients. », a déclaré Christopher Wylie le lanceur d’alerte et ancien employé de Cambridge Analytica, affirmant que l’ampleur de cette dangereuse pratique « était plus globale que ce que les gens pensaient ». Wylie a conclu à ce titre, que beaucoup d’états ne sont pas assez puissants pour protéger les données personnelles des géants de la technologie.

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