Chercheur et essayiste et un fin critique de théâtre et de la scène culturelle Algérienne. Une année à peine avant le mouvement du « 22 février », l’auteur a consacré un passionnant essai prémonitoire sur le «projet Algérie». Un questionnement sur ce qu’est notre pays et son devenir dans le contexte de bouleversements qu’il connait depuis des années. Ahmed Cheniki est également enseignant à l’université de Annaba et professeur invité dans des universités en Europe et dans les pays arabes. Il compte à son actif une quinzaine d’ouvrages sur le théâtre algérien, arabe et africain, notamment.
Dans son ouvrage, « L’Algérie contemporaine, cultures et identités », l’universitaire Ahmed Cheniki propose une lecture de la réalité culturelle de l’Algérie, interrogeant son identité, soumise, selon lui, à des influences culturelles et linguistiques successives qui ont fini par « marginaliser ses structures autochtones ».
A travers cet essai anthropologique de 226 pages, l’auteur tente de rendre compte des « influences culturelles plurielles » ayant investi l’imaginaire social algérien à travers le temps, en laissant des « traces qui ont détourné l’individu de son être originel ».
L’ouvrage est publié par Hal, une plateforme française en ligne destinée au dépôt et à la diffusion des articles de chercheurs.
S’appuyant sur une bibliographie de plus de 140 ouvrages, l’auteur entame sa réflexion en questionnant l’histoire de l’Algérie, théâtre d’une succession d’occupations coloniales, pour aborder ensuite les conditions ayant permis l’ « adoption des formes de représentation occidentale », favorisée par l’ouverture et la fréquentation de l’école française qui n’était pas accessible à tous, comme le rappellera l’auteur.
Cette situation a, selon l’essayiste, favorisé la mise en œuvre de « nouveaux langages », méthodes et approches, faisant de l’école le « lieu central où s’articulent les nouveaux discours » basés, soutient-il, sur la tendance à appliquer les « concepts européens » aux productions culturelles autochtones.
Pour saisir cette réalité sur la culture, les arts et la littérature durant les premières années de l’indépendance, l’universitaire propose une plongée dans l’histoire avec la « réalité paradoxale » d’après 1962.
Selon lui, les premières années postindépendance seront marquées par l’émergence d’un « discours double et ambivalent », hérité de la pensée dominante et qui devait consacrer dans les faits la politique de déculturation.
Cette même réalité, observe-t-il, se présente comme un paysage culturel aux apparences figées, égaré dans les abîmes du « ponctuel » et du « provisoire ». L’absence de normes dans l’expression artistique a favorisé la dualité entre le « discours de l’élite », souvent nourrit de concepts importés, et celui des strates de la société profonde « encore ancré dans les paysages de la culture de l’ordinaire » dans son expression quotidienne et autochtone, écrit-il.
L’esprit rural empreignant la représentation culturelle, les différentes manifestations artistiques et littéraires dénotaient d’un « univers en déshérence ». Une telle situation laissait apparaitre des « conflits latents masqués par une unité de façade », mais dissimulant mal des « situations opaques » et un « certain désenchantement » provoqués par une césure et un fossé profonds entre l’élite et le reste de la société, constate encore l’auteur.
Analysant la situation sociolinguistique de l’Algérie à travers les différentes crises qui l’ont secouée -celle de 1980 avec la revendication de l’identité amazighe et les controverses linguistiques récurrentes, Cheniki en arrive à la problématique, toujours posée, des « place et fonction » des langues dans la création artistique (littérature, théâtre et cinéma).
Plus avant, l’auteur porte un regard historique sur la mutation socio-culturelle en Algérie, à travers l’examen de la réalité du livre, de la critique et de la censure en interrogeant le présent, pour se pencher ensuite sur la « situation thématique et esthétique du cinéma » à travers sa production, le parcours de ses hommes, ses tendances ainsi que son organisation. Il consacre aussi tout un chapitre de son essai au théâtre.
Dans « L’Algérie contemporaine, cultures et identités », l’auteur projette sa réflexion dans l’universalité bien comprise, celle qui se nourrit de l’expérience humaine et favorise l’interaction des cultures du monde, loin de toute concurrence entre elles.
Le lien vers le livre: https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02281109/document