Par | Ahmed Zakaria
Le ministère chinois du Commerce a annoncé l’ouverture d’une enquête approfondie sur les pratiques commerciales européennes, jugées déloyales. Une décision qui répond à une série de mesures récentes de l’Union européenne ciblant plus particulièrement des entreprises chinoises, et que Pékin considère comme des formes de protectionnisme déguisé.
L’enquête doit s’étendre sur six mois et pourra être prolongée jusqu’au 10 avril 2025 si nécessaire, a indiqué le ministère, elle vise à déterminer les pertes des sociétés chinoises en terme de parts de marché dans l’UE, notamment, « les produits tels que des locomotives, l’énergie photovoltaïque et l’énergie éolienne”, après l’annonce des enquêtes de Bruxelles.
En février, la Commission européenne avait ouvert une première enquête contre une filiale du constructeur ferroviaire chinois CRRC, numéro un mondial du secteur, dans le cadre d’un appel d’offres pour la fourniture de trains électriques en Bulgarie. Deux mois plus tard, elle ciblait cette fois deux consortiums intégrant des entreprises chinoises pour la construction et l’exploitation d’un parc photovoltaïque en Roumanie, ainsi que les marchés publics chinois de dispositifs médicaux.
Début juillet enfin, la Commission européenne avait relevé les droits de douane jusqu’à 38 % sur les importations de voitures électriques chinoises. D’autres enquêtes concernent l’énergie éolienne.
Pékin n’en est toutefois pas à sa première contre-attaque. En janvier, une enquête a été annoncée sur une possible infraction à la concurrence portant sur les eaux-de-vie de vin, comme le cognac, importées de l’UE, en particulier de France.
En juin, une enquête antidumping a été lancée concernant les importations de porc et de produits porcins en provenance de l’UE, principalement d’Espagne, de France, des Pays-Bas et du Danemark. A l’issue de ces enquêtes, la Chine pourrait adopter ses propres contre-mesures.
Les sanctions chinoises, principal fournisseur de matière première pour l’industrie des voitures électrique pourraient sérieusement mettre du plomb dans les ails de l’industrie européenne. Le vieux continent se retrouve par les mutations géopolitiques rapides, pris entre le marteau de sa dépendance financière et politiques aux USA, et l’enclume de sa dépendance commerciale à la Chine et à l’énergie russe. Cela sans compter les divergences qui surgissent fréquemment, entre certains Etats de l’union et la commission européenne, à qui ils reproche de prendre des décisions économiques et politiques, au détriment de leurs intérêts nationaux.
L’Europe se retrouve dans une position inconfortable, prise en étau entre sa dépendance financière et politique envers les États-Unis et sa dépendance commerciale à l’égard de la Chine et de l’énergie russe. Cette situation complexe ne tardera pas à mettre à rude épreuve l’unité du vieux continent.
La présidente de la commission Ursula Von der Layen, qui endosse le rôle du président « non élu » de l’Europe, tente à l’aide de sa machine administrative à Bruxelles, de mettre les Etats membre face à une problématique, qui ne risque pas de se régler de sitôt. pour Elle, le fait qu’un pays tiers dispose de certains actifs stratégiques dans l’UE et que celle-ci dépende de ce même pays pour certaines ressources critiques est problématique car cela peut permettre au pays tiers d’influer dans les affaires intérieures du bloc, estime-t-elle, sauf que cela concerne certains Etats mais pas d’autres.
Les chiffres parlent d’eux même : les États-Unis représentent près de 60% des investissements étrangers directs en Europe, selon les données de la Banque centrale européenne. De plus, la dette publique moyenne des pays de l’Union européenne s’élève à 90% de leur PIB, avec des disparités importantes entre États membres. Cette forte dépendance financière limite considérablement la marge de manœuvre de l’Europe face à Washington qui, suite à l’explosion de North Stream, jouent un rôle déterminant dans la politique énergétique européenne, tout en étant l’un de ses principaux fournisseurs en la matière.
Parallèlement, l’Europe est le premier partenaire commercial de la Chine, avec un volume d’échanges Cette interdépendance économique rend l’Europe vulnérable aux tensions géopolitiques. Excédentaire les années précédentes, l’Union européenne a accusé, un déficit commercial de 432 milliards d’euros en 2022, notamment en raison de l’explosion des prix de l’énergie sur les marchés mondiaux et de la dépréciation de l’euro face au dollar.
À ces dépendances s’ajoutent les fréquentes divergences entre certains États membres et la Commission européenne. Plusieurs pays, comme la Hongrie ou la Pologne, et l’Italie qui ouvre un chemin de salut vers le sud, à travers des son principal partenaire africain, l’Algérie, ont régulièrement critiqué les décisions économiques et politiques prises à Bruxelles, les jugeant contraires à leurs intérêts nationaux.
Face à ces défis multiples, l’Europe peine à affirmer son autonomie stratégique. Certains experts estiment que le vieux continent doit revoir en profondeur ses relations avec les États-Unis, la Chine et la Russie et l’Afrique, afin de réduire sa vulnérabilité et de défendre ses intérêts à long terme. Cela passera notamment par une diversification de ses sources d’approvisionnement énergétique et une plus grande cohésion entre ses États membres et surtout une révision profonde de ses pratiques commerciales qui ont certes fait sa gloire durant le siècle dernier, mais les temps ont changé.