Par | Ahmed Zakaria
L’annonce du géant pétrolier algérien Sonatrach concernant le projet SoutH2 Corridor marque un tournant décisif dans le paysage énergétique euro-méditerranéen. Prévu pour septembre 2024, un protocole d’entente sera signé entre plusieurs acteurs clés, dont des entreprises allemandes, italiennes et autrichiennes, pour explorer la faisabilité de ce projet ambitieux. À travers cette initiative, l’Algérie aspire ainsi, à renforcer davantage sa position géopolitique tout en répondant aux besoins croissants d’énergie verte en Europe.
Le projet SoutH 2 Corridor est un pipeline d’hydrogène de 3 300 km reliant l’Afrique du Nord, l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne. Dirigé par des gestionnaires de réseau de transport qui ont chacun soumis des propositions de projet d’intérêt commun à la Commission européenne, il vise à fournir de l’hydrogène renouvelable compétitif aux pôles de demande européens. Il utilise plus de 70 % d’infrastructures réutilisées, avec de nouveaux segments de pipeline si nécessaire. Le corridor bénéficie d’un soutien politique trilatéral, ainsi que d’un soutien fort des entreprises impliquées dans la production (environ 2,5 Mtpa) et l’enlèvement d’hydrogène sur l’ensemble du corridor. Le corridor SoutH 2 joue un rôle essentiel en permettant le transport de l’hydrogène importé et produit localement.
Une Collaboration Transnationale
Le SoutH2 Corridor représente bien plus qu’un simple projet d’infrastructure ; il incarne une collaboration transnationale nécessaire face aux défis climatiques actuels. Lors d’une rencontre de haut niveau au siège de Sonatrach, des représentants de VNG (Allemagne), SNAM et SEA CORRIDOR (Italie), ainsi que VERBUND (Autriche), se sont réunis pour discuter des implications de ce projet. Cette réunion montre l’engagement collectif à transformer les ambitions en réalité.
Des projets similaires, comme le projet HyNet au Royaume–Uni, qui vise à établir un réseau de transport d’hydrogène, illustrent l’importance de telles collaborations. HyNet prévoit de produire jusqu’à 1,5 million de tonnes d’hydrogène par an d’ici 2030. En comparaison, le SoutH2 Corridor pourrait transporter plus de 4 millions de tonnes d’hydrogène vert par an, ce qui représente presque le double de la capacité de HyNet.
L’Importance de l’Hydrogène Vert
L’hydrogène vert, produit à partir de sources renouvelables, est devenu un vecteur essentiel pour décarboner l’économie. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande mondiale d’hydrogène pourrait atteindre 530 millions de tonnes d’ici 2030, avec une part significative provenant de l’hydrogène vert. En 2022, la production d’hydrogène vert était d’environ 0,03 million de tonnes, mais elle devrait atteindre 30 millions de tonnes d’ici 2030 dans le cadre de la course mondiale à la décarbonisation.
L’Union européenne, qui s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030, voit dans l’hydrogène vert une solution prometteuse pour atteindre ses objectifs climatiques. Le SoutH2 Corridor vise à transporter près de 4 millions de tonnes d’hydrogène vert par an de l’Algérie vers l’Allemagne, en passant par l’Italie et l’Autriche. Ce volume pourrait considérablement contribuer à l’approvisionnement énergétique de l’Europe, réduisant ainsi sa dépendance aux combustibles fossiles. Il vient également renfoncer les pipelines gaziers et les câbles électriques transcontinentaux reliant l’Algérie à l’Europe.
Algérie : Un Fournisseur Stratégique
Pour l’Algérie, ce projet constitue une occasion exceptionnelle de renforcer sa position sur la scène géopolitique mondiale. En tant que fournisseur stratégique d’hydrogène vert, l’Algérie a non seulement l’opportunité de diversifier son économie, traditionnellement axée sur les hydrocarbures, mais aussi d’attirer des investissements étrangers significatifs. En 2022, l’Algérie a exporté environ 23 milliards de mètres cubes de gaz vers l’Europe, ce qui représente près de 15 % des importations de gaz de l’UE. Ce projet d’avenir permettra à l’Algérie, qui aspire à rejoindre le club des économies émergentes d’ici 2027, de se positionner parmi les acteurs clés dans l’architecture des futures routes des énergies renouvelables.
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a souligné l’importance de cette initiative lors de sa rencontre avec Mme, Giorgia Meloni, la cheffe du gouvernement italien. Ensemble, ils ont exprimé leur engagement à honorer la vision d’Enrico Mattei, qui prônait une coopération gagnant-gagnant entre le Nord et le Sud. En 2023, l’Algérie a prévu un investissement de 1,5 milliard de dollars pour développer des projets d’hydrogène vert, renforçant ainsi sa capacité à devenir un acteur clé dans le secteur énergétique mondial.
Défis et Perspectives
Cependant, la mise en œuvre du SoutH2 Corridor ne sera pas sans défis. Les études de faisabilité, qui seront réalisées conjointement par les parties prenantes, devront prendre en compte des aspects techniques, économiques et environnementaux. Selon les estimations, le coût de développement d’infrastructures pour l’hydrogène pourrait atteindre 70 milliards d’euros d’ici 2030. En outre, l’UE a besoin d’investir environ 240 milliards d’euros dans ses infrastructures énergétiques pour atteindre ses objectifs climatiques.
Néanmoins, les perspectives sont prometteuses. La création d’un corridor énergétique reliant l’Algérie à l’Europe pourrait renforcer la sécurité énergétique de l’Union européenne, qui a importé 90 % de son hydrogène en 2021, et ouvrir de nouvelles avenues pour la coopération entre l’Afrique et le contient européen. En favorisant le développement de technologies vertes, ce projet pourrait également stimuler l’innovation et la création d’emplois dans les deux régions.
L’Italie : Un Hub Énergétique pour l’Europe
Le partenariat entre l’Algérie et l’Italie est appelé à transformer ce dernier en un véritable hub énergétique pour l’Europe. Grâce aux accords de partenariats stratégiques en énergie, l’Italie pourra renforcer ses infrastructures et sa capacité à recevoir et distribuer de l’hydrogène vert. En 2022, l’Italie a importé environ 70 % de son gaz, soulignant l’urgence de diversifier ses sources d’approvisionnement, grâce au gaz algérien et le respect de ses engagements avec Alger, Rome a été parmi les rares pays européens à subir l’impact de la crise gazière avec la Russie.
Avec des investissements prévus de plusieurs milliards d’euros dans les infrastructures de transport et de stockage, l’Italie pourrait devenir le point d’entrée principal de l’hydrogène vert en Europe. Le gouvernement italien vise à réduire ses émissions de carbone de 55 % d’ici 2030, et le SoutH2 Corridor pourrait jouer un rôle central dans l’atteinte de ces objectifs.
Le projet SoutH2 Corridor, porté par Sonatrach et ses partenaires européens, est une initiative audacieuse qui pourrait transformer le paysage énergétique à l’échelle mondiale. En reliant l’Algérie à l’Europe par le biais de l’hydrogène vert, ce projet ne se contente pas de répondre aux besoins énergétiques actuels ; il ouvre également la voie vers un avenir durable et collaboratif. Alors que le monde se tourne vers des solutions énergétiques plus propres, l’Algérie se positionne comme un acteur clé, prête à jouer un rôle central dans la transition énergétique mondiale.