En effet, l’opinion publique a pu observer depuis quelques semaines, tantôt avec sarcasme et mépris, tantôt avec humour et condescendance, des « tranches de vie » de l’ARP qui ont eu pour dénominateur commun une agitation inhabituelle chez les élues du mouvement islamiste Ennahdha. Cette fièvre grotesque n’a paru cibler bizarrement que le genre féminin, faisant fi du « rang » des intéressées, puisque l’on a vu hurler à gorge déployée, sautiller frénétiquement sur place ou encore tambouriner rageusement sur les pupitres autant des députées de « la plèbe » du parti que celles qui en représentent « l’aristocratie ».
Comment ne voir qu’une soudaine perte de contrôle dans le spectacle dérisoire offert par une Yamina Zoghlémi qui tourne en rond dans la salle comme une toupie désorientée, tour à tour vociférant comme un putois ou applaudissant telle une groupie énamourée de son idole ? Comment en faire autant d’une Meherzia Laabidi déchaînée, criant à se percer les tympans des onomatopées inintelligibles, courant et sautant partout, les bras levés au ciel et les yeux hagards, implorant telle une petite chose effarouchée qu’on ne la frappe pas ?
Avouons qu’il est bien intriguant de se retrouver avec de tels débordements chez des personnalités politiques qui nous avaient habitués jusqu’ici à un self-control doublé d’un sang froid à toute épreuve malgré les multiples vicissitudes des précédents mandats.
A mon humble avis, pour comprendre un tant soit peu ce qui arrive à nos élues nahdhouies, il nous faut regarder non pas une partie de la scène mais la pièce théâtrale dans son ensemble.
En effet, les premiers mois de cette législature ont été le témoin d’un ordre nouveau qui a pris la forme d’un combat de coq, avec d’une part, le président du parlement et toute sa cour de colporteurs, et d’autre part la présidente du parti d’opposition le PDL.
Et chaque jour, l’opinion publique tunisienne mais aussi arabe a suivi comme l’on suit un feuilleton à suspens, le quotidien épicé du parlement, avec pour clou du spectacle, les faits d’arme d’une cheffe de parti qui tient la dragée haute au chef des islamistes.
Où que l’on se positionne politiquement par rapport au PDL, l’on ne peut que s’accorder sur la ténacité de Abir Moussi, son arrogance, son franc parler, sa véhémence, sa capacité de travail, son endurance, son sang froid et son courage.
Des caractéristiques dans lesquelles certains pourraient y voir de la masculinité. Voire de « l’anti-féminin ». Et cela ne peut que déranger ceux et celles qui ne voient en la femme qu’obligation d’obéissance et qu’intelligence parcellaire . Pour preuve, les élus du groupe PDL n’ont eu de cesse d’être la cible d’insultes grossières, émanant du camp frériste ou du groupe fondamentaliste El Karama, qui ciblaient leur virilité, avec pour leitmotiv « la honte d’être sous les ordres d’une femme ».
Une personnalité politique féminine telle que Abir Moussi ne peut donc que mettre à mal les théories misogynes des islamistes, et piétiner leurs vœux pieux de faire des femmes tunisiennes de parfaites « complémentaires ». Car, il est bien évident que chez ces gens là, la femme politique ne peut prétendre au rang occupé par ses collègues masculins. Pour preuve, malgré leur parcours plus qu’honorable, des élues telles que Meherzia Laabidi, Férida Laabidi, Yamina Zoghlémi etc…s’étaient vues opposer le dictât du plafond de verre dès qu’il a été question de promotion politique.
Alors que faire quand l’exemple vivant d’une dirigeante politique aguerrie colonise les écrans et les ondes des médias?
Que faire face à cette démonstration in vivo fichtrement déstabilisante qu’une femme arabe, musulmane et tutti quanti peut être un leader politique et briguer le pouvoir ?