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Résistances féminines au parlement tunisien

Femmes au bord de la crise de nerfs

Par : Selma Mabrouk
Médecin ophtalmologue, Intellectuelle et ancienne députée de la constituante en Tunisie,  son parcours atypique fait d’elle l’une des figures féminines les plus engagées sur la scène Maghrébine. Le passage de Selma Mebrouk sous la coupole du Bardo a rapidement exacerbé son engagement de toujours et son combat d’avant-garde contre toute forme, de despotisme et d’obscurantisme. D’ailleurs, elle n’a bien entendu, pas quitté le parlement, sans laisser de traces. Dans un livre témoignage, (Bras de fer), Selma Mebrouk a met en avant, à travers les années charnières 2011-2014 de la constituante, les dangers et les enjeux  qui nourrissent encore l’actualité des tunisiennes et tunisiens, appelés plus que jamais à trancher sur le projet de société auquel ils aspirent; surtout après les dernières élections présidentielles et législatives. L’école en Tunisie, tout comme l’Algérie et le Maroc, s’est transformée depuis des decencies en un terrain où se disputent les intérêts idéologiques, politiques et financiers.  A travers ce billet, Selma Mabrouk pointe du doigt le flou et les convoitises qui entourent le secteur de l’enseignement privé à l’ère du Coronavirus. 
En cette veille de 13 août, journée symbolique par excellence pour la société tunisienne, à l’occasion de laquelle l’on perpétue depuis plus d’un demi-siècle l’hommage rendu au code salvateur, celui qui a mis les tunisiens et les tunisiennes sur la voie de l’égalité totale, certains comportements récents au sein du microcosme parlementaire interpellent par leur caractère insolite.

En effet, l’opinion publique a pu observer depuis quelques semaines, tantôt avec sarcasme et mépris, tantôt avec humour et condescendance, des « tranches de vie » de l’ARP qui ont eu pour dénominateur commun une agitation inhabituelle chez les élues du mouvement islamiste Ennahdha. Cette fièvre grotesque n’a paru cibler bizarrement que le genre féminin, faisant fi du « rang » des intéressées, puisque l’on a vu hurler à gorge déployée, sautiller frénétiquement sur place ou encore tambouriner rageusement sur les pupitres autant des députées de « la plèbe » du parti que celles qui en représentent « l’aristocratie ».
Comment ne voir qu’une soudaine perte de contrôle dans le spectacle dérisoire offert par une Yamina Zoghlémi qui tourne en rond dans la salle comme une toupie désorientée, tour à tour vociférant comme un putois ou applaudissant telle une groupie énamourée de son idole ? Comment en faire autant d’une Meherzia Laabidi déchaînée, criant à se percer les tympans des onomatopées inintelligibles, courant et sautant partout, les bras levés au ciel et les yeux hagards, implorant telle une petite chose effarouchée qu’on ne la frappe pas ?
Avouons qu’il est bien intriguant de se retrouver avec de tels débordements chez des personnalités politiques qui nous avaient habitués jusqu’ici à un self-control doublé d’un sang froid à toute épreuve malgré les multiples vicissitudes des précédents mandats.
A mon humble avis, pour comprendre un tant soit peu ce qui arrive à nos élues nahdhouies, il nous faut regarder non pas une partie de la scène mais la pièce théâtrale dans son ensemble.
En effet, les premiers mois de cette législature ont été le témoin d’un ordre nouveau qui a pris la forme d’un combat de coq, avec d’une part, le président du parlement et toute sa cour de colporteurs, et d’autre part la présidente du parti d’opposition le PDL.
Et chaque jour, l’opinion publique tunisienne mais aussi arabe a suivi comme l’on suit un feuilleton à suspens, le quotidien épicé du parlement, avec pour clou du spectacle, les faits d’arme d’une cheffe de parti qui tient la dragée haute au chef des islamistes.
Où que l’on se positionne politiquement par rapport au PDL, l’on ne peut que s’accorder sur la ténacité de Abir Moussi, son arrogance, son franc parler, sa véhémence, sa capacité de travail, son endurance, son sang froid et son courage.
Des caractéristiques dans lesquelles certains pourraient y voir de la masculinité. Voire de « l’anti-féminin ». Et cela ne peut que déranger ceux et celles qui ne voient en la femme qu’obligation d’obéissance et qu’intelligence parcellaire . Pour preuve, les élus du groupe PDL n’ont eu de cesse d’être la cible d’insultes grossières, émanant du camp frériste ou du groupe fondamentaliste El Karama, qui ciblaient leur virilité, avec pour leitmotiv « la honte d’être sous les ordres d’une femme ».
Une personnalité politique féminine telle que Abir Moussi ne peut donc que mettre à mal les théories misogynes des islamistes, et piétiner leurs vœux pieux de faire des femmes tunisiennes de parfaites « complémentaires ». Car, il est bien évident que chez ces gens là, la femme politique ne peut prétendre au rang occupé par ses collègues masculins. Pour preuve, malgré leur parcours plus qu’honorable, des élues telles que Meherzia Laabidi, Férida Laabidi, Yamina Zoghlémi etc…s’étaient vues opposer le dictât du plafond de verre dès qu’il a été question de promotion politique.
Alors que faire quand l’exemple vivant d’une dirigeante politique aguerrie colonise les écrans et les ondes des médias?
Que faire face à cette démonstration in vivo fichtrement déstabilisante qu’une femme arabe, musulmane et tutti quanti peut être un leader politique et briguer le pouvoir ?
La nécessité est de rappeler à la mémoire les fondamentaux de l’idéologie frériste. Et en faire la démonstration explicite par l’image.
Et quoi de mieux que la mise en scène à outrance de la régression infantile et avilissante de femmes politiques renommées, ayant auparavant occupé des postes importants telle que vice présidente de l’assemblée constituante ou présidente de commission parlementaire ? Quoi de mieux que de les voir se reléguer par leurs propres faits à leur « rôle naturel »d’éternelles subalternes, « naturellement trop fragiles », « trop sensibles », “non fiables”, “inaptes” et “indignes de confiance”, en un mot perdant leur moyens dès que la situation devient tendue…
Quoi de mieux que ce camouflet fait à la compétence côté féminin, auquel l’on oppose un flegme imperturbable côté masculin, les élus nahdhouis restant alertes et scrutant avec condescendance leurs « moitiés » en proie à ces « crises hystériques » burlesques mais non moins opportunes ?
Ainsi, le peuple tunisien et arabe verra de ses propres yeux qu’on ne peut faire confiance à une femme pour diriger un parti, et encore moins un pays.
Ainsi pensent-ils.
Mais le seul résultat obtenu pour cette mascarade n’est que la balle que s’est tiré dans les pieds une Meherzia Laabidi qui, en s’adonnant à une telle comédie grotesque, a gommé d’un trait tout le capital engrangé par son mandat en tant que vice présidente de l’assemblée constituante. Un suicide politique qu’elle sera la seule à en regretter les conséquences.
Et pendant ce temps, nous autres femmes tunisiennes, conscientes et responsables de notre statut égalitaire, préparons nous à fêter le 13 août, comme tous les ans depuis 1957, à l’image de nos mères et grands mères, et comme le feront nos filles et petites filles jusqu’à la fin des temps. Et comme le feront dans un proche avenir toutes les femmes arabes. Car plus rien ne pourra plus arrêter notre course vers le développement et la modernité.
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