Annie Steiner On peut lire une laconique biographie sur Wikipedia, celle d’Annie Steiner. On apprend qu’elle est née le 7 février 1928 à Hadjout (ex-Marengo) en Algérie. Et puis que c’est une Algérienne d’origine pied noire militante du FLN. Juriste, elle s’engage dans les Centres Sociaux. Membre du réseau Alger-Sahel elle est arrêtée le 15 octobre 1956, elle est condamnée en mars 1957 par le Tribunal des Forces Armées d’Alger à cinq ans de réclusion pour aide au FLN et incarcérée à la prison de Barberousse.
Le 29 Août 2019 Halfaoui lui a dressé ce bel hommage
À l’indépendance de l’Algérie, elle opte pour la nationalité algérienne. En fait, Annie Fiorio Steiner est bien plus que ça. Ce bout de femme très âgée, aujourd’hui, porte l’Humanité entière, dans son regard, dans son sourire et dans son amour de la vie. Elle avait 28 ans quand elle a connu les affres de la répression exercée par les représentants de la « démocratie », des « droits de l’homme » qui, aujourd’hui, s’occupent de la Libye. Elle connaissait le prix à payer et elle a assumé.
C’est ce que font ceux qui peuvent rompre avec leur « communauté », quand leurs idées leur commandent de le faire. Du moins c’est ainsi qu’ils sont jugés. De fait, ils semblent rompre des attaches, alors qu’en vérité ils n’en ont qu’avec ce qu’ils estiment être juste et leur engagement suit le mouvement naturel de leur pensée. La justice était du côté d’un peuple réduit à la servitude, par l’ignominie coloniale, ce peuple ne pouvait qu’être le sien.
Peut importait pour elle ce qui allait advenir, tant que sa « rupture » avait une raison « nécessaire et suffisante ». Femme on lui retira ses enfants, Edith et Ida (4 et 2 ans). Elle a écrit un poème a ce sujet:
« Cette femme n’est pas une mère, a dit Monsieur le procureur. Cette femme n’est pas une mère, ont répété les cervelles dociles. Vous avez le jugement prompt. Soyez loué par les cervelles dociles. Vous avez le goût de la justice prompte. Soyez béni par les cervelles dociles. Sachez Monsieur le procureur que rien n’est aussi simple. Cette femme était mère et par le don de la vie deux fois renouvelé «
Elle trouva ses sœurs dans les prisons où on l’enfermait, ses compagnes de lutte. Au bout, il y a eu l’indépendance. Elle travailla pendant 30 ans à la formation des agents de la fonction publique. Libre et retraitée, elle se consacre à la lecture et à communiquer son idéal. Elle reste « révoltée comme en 1954. » « Comment en est-on arrivé là ? Le système se perpétue. C’est le temps de l’imposture, sous toutes ses formes. Je fais ce que je peux et je reste révoltée. » Parce qu’elle est du « côté des humbles » et que « c’est important d’avoir cette position ». Elle continue, malgré les années qui pèsent et qu’elle veut ignorer, à pérégriner au gré des quelques espaces qu’elle trouve et où elle peut dire avec une chance d’être entendue. Dernièrement (2019), elle a dû subir la fermeture de la librairie « Espace Noun » (victime du marché de l’immobilier), qui faisait partie de ses coins où l’on pouvait la voir et l’écouter raconter le peuple algérien ou pousser des colères froides. Son visage gardant sa douceur immanente et son regard sa tendresse inépuisable.