Par: Ahmed Halfaoui
Le plus grand paradoxe du paysage politique algérien est que l’opposition la plus radicale, la plus visible et la plus médiatique , est constituée de personnes qui ont soit été au cœur du pouvoir, soit été faites notoires et milliardaires par ce même pouvoir.
Cette même opposition est, de plus, résolument acharnée à user du soutien de puissances étrangères.Dans les bureaux où on a fabriqué cette » engeance » on doit se cogner la tête contre les murs.
Les apprentis sorciers avaient cru baliser la » démocratie » concédée après les feux d’octobre 88 par un personnel triés sur le volet. A commencer par ces journalistes » réformateurs « , tous issus de la presse unique.
Il fallait occuper l’espace et ne rien laisser au hasard. Cela a marché un certain temps. Le temps que les fortunes se fassent et que l’appétit s’aiguise. Le temps, encore, que la menace islamiste s’estompe. Ce qui fut fait selon un canevas ficelé.
Au départ, la » démocratie » a eu les représentants et la presse qu’il fallait, qui connaissaient les codes et les modes d’emploi. Exit toute possibilité d’infiltration du nouveau discours dominant.
De la lutte contre le terrorisme à la conquête des espaces d’expression, en passant par la glorification de l’économie de marché et la stigmatisation du » socialisme « , de l’Etat providence et du secteur public économique, la mission a été accomplie sans faille.
Toujours sur le pont, les ex porte-voix du parti unique ont veillé par l’occultation et par le bruit à évacuer toutes les résistances qui pouvaient freiner la marche triomphale du démantèlement des conquêtes socioéconomiques de l’Algérie indépendante. Les tireurs de ficelles croyaient tenir le bon bout. Ils croyaient avoir les relais qu’il fallait, qui tiendraient la société et la protégeraient des influences indésirables. En prime, régnerait la démocratie domestiquée et immunisée contre les vents contraires. Ce calcul était presque parfait, en théorie.
Mais, imperceptiblement, la machine commença à connaître des ratés. Puis, les vents contraires se levèrent d’où on ne les attendait pas. C’est du cœur du dispositif censé asseoir la stabilité politique que vinrent les coups de boutoirs les plus violents, sans que la possibilité de crier à la trahison soit offerte.
Voilà un ex premier ministre ou ministre qui s’épanche dans la presse étrangère et cet ex journaliste du sérail qui prend fait et cause pour les pressions extérieures. Voici ce chef de parti, porté au pinacle, qui en appelle à la » communauté internationale » contre ses parrains » devenus » dictateurs, par le miracle de sa mutation en opposant.
Désormais, il y a loin de cette cuisine qui paraissait infaillible de précision et de perspicacité. Les défenseurs pressentis du système reconfiguré se sont émancipés et briguent les rênes du pays au prix de toutes les opportunités qui s’offrent, dont la principale est résumée dans l’espérance ouvertement exprimée de l’ingérence étrangère.
Dans leur élan, ils n’hésitent même pas à tenter de faire un bilan noirci de l’indépendance versus un bilan positif suggéré du colonialisme.
Triste dénouement, faut-il conclure, de l’opération » démocrates-maison « .