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Algérie: la condamnation à 3 ans de prison d’un islamologue ouvrira-t-elle la bal de l’inquisition?

Une pétition a été initiée par des universitaires, des moudjahidine, des journalistes, des écrivains et des scientifiques pour dénoncer la condamnation inattendue de l’universitaire l’islamologue Saïd Djabelkhir à trois ans de prison assortie d’une amende de 50 000 DA, pour atteinte aux préceptes de l’Islam et « offense aux prophète Mohamed QSSL »


PAR HEEBA NAWEL


Le verdict a été prononcé jeudi 22 avril contre l’islamologue Saïd Djablekhir par la juge de la chambre correctionnelle du tribunal de Sidi M’hamed à Alger, a soulevé une vive polémique sur la question de la liberté de penser en Algérie. Un vague d’indignation a suivi la condamnation qui constitue une première dans les annales de la justice algérienne.

Aussi, les signataires de la pétition ont mis en garde quant aux retombées d’un tel procès et d’une telle condamnation estimant que le verdict qui le condamne à trois années de prison restera une  » tache indélébile » dans l’histoire du pays, et ses conséquences politiques ne « font que commencer, vu l’ampleur que cela prend à l’échelle internationale ».

 « Ce que nous craignions est arrivé : Djabelkhir a été jugé sur des énoncés où la justice n’est pas supposée interférer tant ils dépassent ses compétences car il ne s’agit pas, là, d’une offense par un citoyen lambda mais d’une réflexion d’un penseur dont le but n’est pas d’offenser, ni de nuire à l’islam ni aux musulmans mais, au contraire, de les servir, éclairer, promouvoir et faire évoluer », ont tenu à faire savoir les auteurs de la pétition.

La pétition adressée au président de la République, n’a pas manqué de rappeler la Constitution Algérienne qui garantit la liberté de penser :  «Ce qui est reproché à Djabelkhir relève de la compétence de spécialistes en Fiqh et en théologie. Et, là encore, les écoles s’opposent d’un courant religieux à un autre, que l’on soit chiite ou sunnite, ou encore malékite, hanbalite, hanafite, chafiite, etc.(…) mettre une personne en prison pour ce supposé délit ne devrait pas être pensable, même en cas de ce qu’on appelle apostasie car la Constitution nationale est supposée garantir la liberté de culte et la liberté de pensée». ont souligné les signataires, parmi eux, le philosophe Mohamed Bouhamidi Philosophe et éditeur de la plateforme « Collectifnovembre.com », la moudjahida Louisa Ighilahriz, ou l’économiste Abdeltif Rebah, et tant d’autres acteur de la société civile, que certains ne partagent pas forcément les idéés de Djabelkhir.


« Notre pays a suffisamment de problèmes pour lui ajouter une affaire d’inquisition digne du moyen-âge occidental, d’autant que certains attribuent au procès un caractère idéologique manifeste (…) ce procès a entraîné la justice dans un terrain qui n’est pas le sien dans la mesure où un tribunal n’a pas vocation de juger les idées philosophiques, scientifiques, artistiques ou autres », rappellent-ils.


« Djabelkhir connaît parfaitement son domaine d’étude, l’islam, et c’est en tant que chercheur qu’il veut le faire avancer. L’Etat a payé ses études pour qu’il produise et non pas pour qu’il ressasse le connu. La théologie est une discipline où les musulmans ont excellé : or, aujourd’hui, on condamne un chercheur dont le but unique est de faire avancer l’islam, comme si on voulait que l’islam reste une religion sans pensée novatrice, donc figée et stagnante en Algérie », se sont-ils indignés.

A ce titre, «Nul ne peut mettre en doute que la mission première d’un islamologue, musulman croyant et pratiquant de surcroît, comme l’est Saïd Djabelkhir, est de servir l’islam, par « El Idtihad » (l’effort de penser) : c’est sur cette seule base de sa sincérité que la justice aurait dû trancher », soulignent-ils, en ajoutant que « tout le reste, tout ce qu’il a dit ou écrit, la dépasse et dépasse n’importe quel autre théologien de la planète de quelque école islamique qu’il soit ». Les auteurs du texte de la pétition expliquent que les énoncés de Djabelkhir « sont nouveaux et lui appartiennent en propre ».

Aussi les pétitionnaires exhortent-ils le président Tebboune à agir pour la libération de Djabelkhir, en précisant que l’article 144 bis 2 dans le code pénal algérien (la loi 06-23 du 20 décembre 2006) «a induit une interprétation attentatoire aux droits humains les plus fondamentaux, à savoir la liberté de conviction dans notre pays». «Ce problème touche aujourd’hui un chercheur, mettant ainsi à nu les contradictions de cet article et les poursuites pénales observées avec la liberté de culte et de conscience, pourtant garantie par l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Algérie et reconnu par l’article 42 de la Constitution», concluent les auteurs de la pétition.

Pour rappel, la défense, avait insisté sur le un vice au préalable, de procédure dans les poursuites judiciaires en s’appuyant sur l’article portant sur l’offense à l’islam (144 bis 2 du code pénal) – quoi que l’on pense de la pertinence du contenu de la loi – qui stipule que seul le ministère public est habilité à engager des poursuites et il doit le faire de manière fondée et raisonnée.  Or le procès a été instruit sur la base d’une plainte d’un particulier. Ce qui ouvre la boite de pandore vers des dérives incontrôlables avec toutes les conséquences qui en suivent. Une porte ouverte pour l’inquisition.  

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